Anthony n'en peut plus de voir les déchets omniprésents dans les gares belges, surtout sur les voies ferrées. Cet usager régulier du train voudrait tant que les mentalités puissent un jour changer. Mais que risquent les individus qui jettent leurs déchets ? Nous avons posé la question à Infrabel, le gestionnaire du réseau.
Depuis six ans, Anthony voyage chaque semaine en train et ses derniers passages en gare l'ont encouragé à dénoncer une situation qu'il juge inacceptable. Il a donc pressé le bouton orange Alertez-nous. Sensibilisé au changement climatique, cet habitant de Waterloo est scandalisé de voir encore et toujours autant de déchets sur les rails. Pire, selon lui, la situation "s'aggrave".
"Je voyage beaucoup. Chaque semaine, je fais le trajet Braine-l’Alleud jusqu’à Ostende et je vais aussi à Gilly en passant par la gare de Charleroi-Sud. Que ce soit à Charleroi ou à Bruxelles-Midi, c’est à peu près la même chose. A Ostende en Flandre, c’est moins grave qu’en Wallonie. J’avais déjà fait la réflexion à des amis, il y a quelques années. Et quand je vois les voies ferrées, les transports… Cela ne s’améliore pas. La situation s’aggrave même. Les gens en ont de moins en moins conscience. Ils jettent par exemple leurs mégots de cigarette n’importe où. Après on s’étonne que des amendes arrivent."
Je n’ai jamais vu d’agents constatateurs intervenir
Anthony se souvient d'une scène qui s'est déroulée devant lui au début du mois de février. "J’ai vu plein de papiers tomber de la veste d’un voyageur, qui a bien vu ce qui s’est passé, mais qui est quand même rentré dans le wagon, sans rien faire. Je lui ai fait une réflexion par la suite. Mais il ne m’a même pas répondu et il est parti dans le train un peu plus loin", raconte-t-il.
Révolté, il déplore amèrement ces actes, l'absence de réelle répression mais aussi l'absence de prise de conscience : "Je n’ai jamais vu d’agents constatateurs intervenir. Si on continue comme ça, les efforts de certains ne serviront à rien. J’ai marché pour la planète mais au final, quand on voit que les consciences ne changent pas, n’évoluent pas, on se dit que c’est peine perdue alors que justement, on a encore beaucoup de choses à faire. Cela peut s’améliorer. Il existe plein de démarches écologiques, mais on voit que les gens n’agissent même pas, à leur petite échelle, alors que ce sont juste des mégots ou des papiers..."
Photos prises à Braine-l'Alleud le 17 février 2020
Les personnes qui commettent ce type d'incivilité peuvent-elles être sanctionnées? Quel est l'ampleur du phénomène observé par Anthony? Frédéric Sacré, le porte-parole d'Infrabel, a répondu à nos questions.
1. Quelle est la quantité de déchets recueillis chaque année sur les voies ?
La quantité de déchets présents sur les voies est "impossible à quantifier" pour plusieurs raisons.
"La première d’entre elle est qu'il s'agit d’une compétence "diluée" au sein de l’organisation d’Infrabel. Elle dépend des 22 arrondissements entre lesquels notre réseau est découpé. Chaque arrondissement est responsable de l’entretien de sa partie de l’infrastructure ferroviaire."
La deuxième raison pour laquelle on peut difficilement quantifier ces détritus, c'est que cette tâche est le plus souvent confiée à des sous-traitants externes via des marchés publics. Ces sous-traitants ne nous font pas remonter cette info. Ils nettoient et élaguent, point."
Le porte-parole d'Infrabel ajoute qu’il n’est malheureusement pas rare de découvrir des "gros" dépôts sauvages. "On ne parle pas là de cannettes ou mégots jetés, mais bien de quantité importantes abandonnées. Dans ces cas-là, on arrive parfois à plusieurs centaines de kilos d’immondices à évacuer. Nous devons faire appel à une entreprise externe et la facture peut monter à plusieurs milliers d’euros, dépendant de la quantité et de la nature du dépôt (lorsque c’est de l’amiante en particulier) pour assurer une évacuation "dans les règles". Lorsque un dépôt de grande ampleur est signalé, une plainte est déposée. Soit auprès de la police locale, soit auprès de la police des chemins de fer."
2. Quand et à quelle fréquence sont nettoyées les voies?
L’élagage et le ramassage des déchets le long des voies sont effectués en moyenne 1 à 2 fois par an.
Concernant spécifiquement le ramassage des déchets en gare, Infrabel travaille "de concert" avec la SNCB. "Il n’y a pas vraiment de périodicité. Ce ramassage dépend de la quantité de déchets, des demandes qui nous parviennent (par exemple des autorités communales) ou des conditions météo. Ainsi, les tempêtes de ces derniers jours ont ramené beaucoup de déchets dans les voies."
3. Comment sanctionner ces infractions? Y-a-t-il des agents constatateurs pour la répression?
Depuis le 27 avril 2018 et l'entrée en vigueur de la loi sur la police des chemins de fer, il s'agit effectivement d'une infraction qui peut faire l’objet d’une amende administrative. "Dans ce cadre-là, certains agents de la SNCB et d’Infrabel se sont en effet vu confier des fonctions de police administrative. L’amende, en cas de flagrant délit, se monte à 300€ et, s’il y a récidive, est portée à 500€. Sans "flagrant délit", il y a un travail d’enquête nécessaire qui doit être mené aux services de police et échappe donc à la loi d’avril 2018."
4. Les déchets sur les rails constituent-ils un danger pour le trafic ferroviaire?
Selon Infrabel, la présence de déchets sur les voies n'a jusqu'à présent pas présenté de cas de "danger" pour le trafic ferroviaire. "Sauf à parler de cas extrêmes de jets d’objets sur les voies (vélo, caddies,… ) qui ont ou auraient pu endommager les trains. Mais cela relève sans doute du vandalisme… ce qui est une autre problématique", précise le porte-parole.
Frédéric Sacré conclut en fustigeant ces comportements inciviques. Ceux-ci coûtent des sommes importantes qui pourraient forcément être utilisées autrement. "C’est donc le contribuable, en ce compris le pollueur, qui paie la facture. Il y a une forme d’inconscience de l’impact que cela représente notamment lorsque l’on pense au geste, anodin pour beaucoup, de jeter ne fut-ce qu’un mégot de cigarette dans les voies en attendant son train. L’entrée en vigueur de la récente loi sur la police des chemins de fer est une bonne chose car le risque de se voir infliger une (lourde) amende est plus élevé. Cela, nous l’espérons, s’avérera dissuasif à l’égard de celles et ceux qui n’ont pas encore compris que notre planète méritait mieux que cela."
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