Quentin a bien changé en trois années. Grâce à la pratique du culturisme, il a quitté son corps frêle d’adolescent. Son mental s’est lui aussi endurci au fil des sacrifices et des séances d’entrainement. Aujourd’hui, ce jeune Namurois se dit bien dans sa tête et dans son corps et n'est pas près d'arrêter de soulever de la fonte.
A l’extérieur de sa petite maison située à Roly près de Philippeville dans la province de Namur, Quentin a installé une barre fixe afin d’effectuer des tractions dès qu'il le désire. Le jeune homme de 23 ans s'astreint régulièrement à faire monter et descendre son corps musclé à la seule force de ses bras. Il y a trois ans, il a décidé de changer son physique. "J’étais beaucoup trop mince et je recevais énormément de critiques", nous confie-t-il via notre page Alertez-nous. Dans sa tête aussi, quelque chose a changé, assure-t-il: "La musculation, ça forge le caractère. C’est difficile, mais il faut prendre plaisir à faire ce qu’on fait. Aujourd’hui, plus personne ne peut m’enlever cette envie." De l'envie. Et de la volonté. "Soit on a la volonté soit on l’a pas. Lorsque je vois certains hommes dans les salles de sport, je me demande vraiment ce qu’ils font là. Ils causent, ils passent des coups de fils. Moi, mon téléphone reste dans les vestiaires", raconte-t-il.
Plus de honte à porter un singlet moulant
Quentin dit se sentir bien dans sa tête et bien dans un corps qu’il montre à présent sans aucune gêne. "Quand on devient plus musclé et athlétique on prend goût à porter des vêtements moulants. Il m’arrive d’être habillé d’un singlet au travail, lorsqu’il fait chaud et que j’enlève mon pull."
Au boulot ou ailleurs, on peut bien se moquer de lui, Quentin n’en a que faire. "Ce sont les gens jaloux qui me critiquent. Beaucoup de personnes qui plaisantaient lorsque j’étais très mince "likent" aujourd’hui mes photos et m’envoient des demandes de conseils via Facebook." Et le jeune homme n’est pas rancunier, il partage avec plaisir ses trucs et astuces tout en savourant sa revanche.
"J’en avais marre. J’avais des camarades très costauds et j’ai eu envie de les dépasser"
Avec une satisfaction non dissimulée, Quentin repense au garçon qu’il était à l’âge de 18 ans. "Mes deux meilleurs amis étaient vraiment très costauds. J’étais en option gym à l’école et à côté d’eux et de mes autres camarades, j’étais le plus gringalet du groupe."
Après l’école, Quentin est entré à l’armée. Là-bas, il a tout de même savouré une petite victoire. "A l’époque, ma minceur et mon physique m’ont aidé à finir ma formation militaire. On ne dirait pas, mais être assez mince m’a servi car j’avais une bonne endurance et je n’étais pas très lourd."
Malheureusement, une fois arrivé dans son unité, le jeune adulte a regretté à nouveau de ne pas être plus épais face à ses camarades. "Lorsqu’on a débuté les cours de combat, je me retrouvais souvent à terre", se souvient Quentin.
Cette fois, c’en était trop. Avec une formation militaire dans les jambes, le jeune garçon était prêt à se battre pour changer. "J’en avais marre. J’avais des camarades très costauds et j’ai eu envie de les dépasser. C’est là que j’ai commencé une méthode spéciale grâce à laquelle j’ai pu dessiner mes muscles et prendre du poids."
"On se fixe un objectif et lorsqu’on le dépasse, on pense déjà au suivant !"
Quentin a suivi la méthode Lafay, une technique de musculation expliquée dans un livre qui fait de nombreux adeptes partout dans le monde. "Je n’avais pas besoin de machines et je pouvais faire des séances chez moi car les exercices se font avec le poids du corps."
Les pieds posés sur son divan, le garçon a pu débuter ses entraînements trois fois par semaine. "Cette méthode était idéale pour moi car je n’avais pas vraiment les moyens de me payer des machines et j’habite très loin des salles de sport."
Pendant deux ans et demi, sans perdre courage, Quentin a suivi pas-à-pas les nombreuses répétitions d’exercices afin de passer de niveau en niveau tout en observant son corps se transformer. "Au début, je ne me suis pas fixé de limite. Quand on se lance dans un sport pareil, on se fixe un objectif et lorsqu’on le dépasse, on pense déjà au suivant !"
"Trente blancs d'œufs par jour et du poulet, du poulet, du poulet"
La pratique du culturisme a impliqué un certain nombre de changements dans son quotidien. "Tant au niveau de l’entraînement, du repos que de l’alimentation, c’est un sport assez contraignant", prévient le sportif. Entre les galettes de riz et les boissons ("shakers") de protéines, difficile de s’autoriser un écart. "Je calcule sans cesse le nombre de calories que j’avale", confie Quentin, qui est devenu expert en décryptage d’étiquettes sur les produits qu’il consomme. Pour augmenter sa force et sa masse musculaire, Quentin mange donc beaucoup plus protéiné que la moyenne de la population. "J’ingurgite trente œufs par jour mais que les blancs, assure-t-il, je mange aussi du poulet, du poulet et encore du poulet !"
À ce régime, il ajoute encore des compléments alimentaires. Lorsque sa maman l’observe, les pots de poudre ou les gélules qu'il sort, ne la rassurent pas. "Ma mère s’est inquiétée lorsqu’elle m’a vue prendre des pre-workout (NDLR: avant l'entraînement) ou post-workout (NDLR: après l'entraînement) sous forme de poudre ou même de pilule", explique-t-il.
"Prendre de telles quantités de protéines n’apporte rien"
Cet afflux de protéines dans l’organisme n'est-il pas risqué ? Pour Marc Francaux, professeur de physiologie de l’exercice à l’Université Catholique de Louvain, même si augmenter son apport en protéines est un bon moyen d’augmenter sa masse musculaire, les quantités avalées par les culturistes ne sont pas justifiées: "Il est normal que quelqu’un qui souhaite prendre de la masse musculaire ait un régime plus important en protéines que monsieur et madame tout le monde. On le conseille même à certains patients quand cela est nécessaire", explique le professeur, les "briques" qui fabriquent nos muscles sont les acides aminées, qui eux-mêmes sont les fruits de la dégradation des protéines". Mais, prévient le professeur, "c’est toujours une histoire de doses". "De petites quantités sont suffisantes pour activer le système estime le scientifique à qui il ne parait guère justifié de prendre des doses aussi importantes de protéines: "Ces quantités déraisonnables qu’avalent les culturistes n’apportent rien", explique-t-il.
Une augmentation évidente de certains cancers
Ces doses disproportionnées de protéines peuvent être à l’origine de plusieurs maux. "L’effet délétère est le risque de surcharge au niveau des reins. Avec une telle concentration en acides aminés, on peut craindre des problèmes", prévient le professeur en physiologie de l’exercice.
"Mais ce n’est pas tout, il y a un deuxième problème plus pernicieux", renchérit-il. "Si on donne de grandes quantités de protéines à notre organisme de manière chronique, on augmente la probabilité d’avoir un cancer. C’est évident."
Le rédacteur du magazine Sport et Vie et Zapotek, Gilles Goetgehbuer rappelle que les cas de décès dans le monde du culturisme ne sont pas peu rares. Certains se souviennent du franco-algérien Mohamed Benaziza, dit "Momo" ou encore le "Tueur de Géants" qui est décédé en 1992. Son corps a été retrouvé dans sa chambre d’hôtel après qu’il ait participé à un concours de culturisme.
"Il était l’un des culturiste les plus célèbres du monde, se souvient le rédacteur en chef. Il a voulu "sécher", comme disent les culturistes, donc ne presque plus rien manger et prendre des diurétiques. Le but est était de rendre sa peau la plus fine possible, pour qu’on distingue presque ses muscles et ses fibres." Gilles Goetgebuer conclut que la mort des culturistes est le plus souvent due à leur alimentation mais pas au fait de faire "trop" de sport.
"J'ai dû refuser de participer au repas d'anniversaire de ma maman"
Le régime draconien que s'impose Quentin, aussi bien sur le plan sportif qu'alimentaire, est-il compatible avec une vie sociale normale? "L’an passé, un repas de famille était organisé pour l’anniversaire de ma mère et j’ai décliné l’invitation. Après coup, j’ai regretté d’avoir dit non. Je me suis dit qu’il fallait quand même que j’aie un minimum de vie", dit le jeune homme.
Gilles Goetgehbuer pense qu’"avoir une alimentation pareille, ça isole." "Socialement ce n’est pas terrible. De manière générale, le culturisme n’est pas idéal pour l’épanouissement. Les culturistes sont des sportifs particuliers", remarque-t-il. "Ils se fréquentent entre eux, c’est un mouvement très hermétique, presque "sectaire"!"
"Ils se trouvent souvent très beaux, mais pour la majorité de la population, ils sont rebutants!"
Le rédacteur en chef souligne un autre phénomène "étrange": "Les personnes qui pratiquent cette discipline se trouvent souvent très beaux, mais pour la majorité de la population, ils sont rebutants! Le regard qu’ils posent sur leur musculature est très particulier."
Quentin, lui, est encore loin de s’afficher aux côtés des plus grands bodybuilders du monde. Son corps ravit sans doute sa petite amie qui, à cause de ses études, ne peut le rejoindre que le week-end. "Je vis seul dans ma maison avec mon chien" confie notre interlocuteur. Le jeune homme n’a encore jamais vraiment confronté ses habitudes avec celles de sa copine mais se montre optimiste: "On a déjà tenté de passer une semaine ensemble et ça s’est bien passé. C’est une personne qui comprend. Elle fait du sport même si ce n’est pas une acharnée comme moi !"
Entraînement à la fonte
Aujourd'hui, après près de trois années d’efforts, Quentin annonce fièrement le résultat: "J'ai pris 15 kilos depuis mes débuts. Je pèse aujourd'hui 80 kilos même si je suis encore assez sec."
Conscient des contraintes et satisfait du chemin parcouru, Quentin a récemment pris stoppé la méthode Lafay. "Je me suis lassé et j’avais l’impression de ne plus progresser", explique-t-il.
Mais il n’a pas décidé de cesser la musculation pour autant. Il s’entraîne toujours jusqu’à six fois par semaine. "Aujourd’hui, je ne suis plus les exercices de la méthode Lafay mais j’ai investi dans du matériel afin de passer à un entraînement à la fonte."
"Je me sens bien et je ne pense pas arrêter un jour"
Le jeune sportif passe beaucoup de temps à soulever les barres de sa nouvelle "cage à squats". "Je veux garder ma forme athlétique et continuer à grossir", nous dit-il. Tout en variant désormais les plaisirs. Il y a quelques temps, il a en effet repris le football, un sport qu’il avait abandonné après quatorze ans de pratique. "Je me suis dit que j’allais reprendre une vie normale mais ce goût du sport va rester. Aujourd’hui je me sens bien et je ne pense pas arrêter un jour."
Quant aux critiques, elles ne se sont pas tues. Elles ont juste changé de forme, comme le constate, amusé, Quentin. "Le plus marrant c’est que même avec mon physique actuel, je suis encore critiqué. Pas plus tard qu’aujourd’hui, un collègue m’a dit 'Tu as tout dans les bras et rien dans la tête’, simplement parce que j’ai posé une question un peu bête." Sa conclusion: "Comme quoi le monde d'aujourd'hui tourne vraiment autour de l'apparence."
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