Lunettes de soleil, chapeaux de paille et maillots de bain: tout était prêt pour que Céline, ses amis et les enfants passent des vacances inoubliables. Quelques jours avant le départ, elle apprend que la maison a été louée à d’autres personnes… mais qu’elle ne récupérera pas l’argent déjà versé. Récit d’une déception coûteuse.
"Imaginez-nous, en face de la maison, avec nos valises et des enfants en bas-âge. Si on avait appris à ce moment-là qu’elle était déjà louée, qu’aurions nous fait" s’interroge Céline. Deux couples, trois enfants, une villa parfaitement équipée à Ibiza: le programme des vacances était pourtant alléchant. La réservation avait été facile, via Homelidays, un site internet de location de vacances entre particuliers (Le propriétaire qui doit s'abonner, publie son annonce. L’internaute la consulte gratuitement sur le site et, la réservation s’effectue directement entre le locataire et le propriétaire). "Pour avoir les meilleurs prix possibles, nous nous étions arrangé bien à l’avance. Début mars, nous avions réservé une villa à Ibiza et nous avions directement payé le premier acompte par virement".
Payable en trois fois sans frais
Le contrat de location stipule effectivement un mode de paiement très réglementé. Le locataire doit payer 30% de la somme totale dès la signature du contrat. Il doit verser 20% supplémentaires pour le 1er mai. Les 50% restants doivent être payés en cash lors de l’arrivée à la villa. Mais voilà, les délais n'ont pas été respectés. Le second acompte a été payé le 2 juillet, par virement, au lieu du 1er mai.
"Il est vrai que nous avions du retard, mais nous n’avions jamais eu de rappel de la part du propriétaire", objecte Céline. Il ne nous a pas indiqué avoir reçu notre argent. Il ne nous a pas plus prévenu que nous avions payé en retard". Sans nouvelles du propriétaire, le couple suppose que la réservation tient toujours. Et tout ce petit monde de décompter les jours qui les séparent des vacances tant espérées.
A quelques heures du départ : le drame
Au fur et à mesure que le temps passe, Céline s’étonne de ne pas recevoir de nouvelles de son propriétaire. "Depuis le début, nous traitions directement avec lui, via son adresse e-mail personnelle, indiquée sur le contrat. Toutes les discussions étaient courtoises et en français. Je voulais un peu m’organiser, savoir comment nous allions réceptionner les clés; mais plusieurs mails directs sont restés sans réponse".
Céline change donc de tactique. Elle contacte le propriétaire via la messagerie interne d’Homelidays. Elle reçoit enfin une réponse mais pas tout à fait celle qu’elle espérait.
Pas de maison, pas de remboursement, pas d’explications
Nous sommes quatre jours avant le départ. Céline reçoit enfin une réponse. "Mais plus du tout dans le même style. Beaucoup moins courtois et dans un anglais approximatif, comme s’il sortait tout droit d’un site de traduction automatique. Mais c’est surtout le contenu qui m’a choqué. Il nous disait que la maison avait été louée à quelqu’un d’autre. Et qu’il ne nous rembourserait pas". Pour les deux couples et leurs enfants, c’est une catastrophe. A quelques jours du départ tant attendu, ce sont une semaine de vacances, une maison à Ibiza, 1700 euros d’acompte et autant en billets d’avion qui partent en un claquement de doigts.
Malgré l’amertume et l’argent perdu, Céline ne se laisse pas tout à fait démonter. "C’est beaucoup d’argent. Mais on ne pouvait pas priver les enfants de vacances pour une erreur qui n’était pas la nôtre. Notre seule –toute petite– consolation : nous avons pu récupérer l’argent engagé pour les locations de voiture". A la place de la semaine prévue sous le soleil des Baléares, Céline et les siens ont pris la direction de la… Bourgogne. "Ca fait moins rêver que ce que nous avions imaginé. Mais à trois jours du départ, c’était presqu’impossible de trouver quelque chose d’accessible, de libre et de pas trop cher".
Trop d’incohérences… Et si c’était une arnaque ?
La déception (à peine) ravalée, Céline se pose des questions sur l’honnêteté du propriétaire de la villa d'Ibiza. "Le fait qu’il ait tardé à me répondre alors que sur les premiers échanges, il était très réactif. Et puis pourquoi ne parle-t-il plus qu’en anglais, tout d’un coup". Elle pousse donc ses investigations un peu plus loin. "En faisant des recherches, il semblerait que ce soit une arnaque" nous avait elle écrit via la page Alertez-nous. Première étape: vérifier si la maison existe bel et bien. "J’ai une amie qui habite en Espagne. Je lui ai demandé d’aller vérifier auprès du cadastre si l’adresse renseignée sur le contrat était exacte. Et la réponse ne m’a pas tellement étonné: à cette adresse, il n’y a pas de maison".
Deuxième réservation, deuxième couac
Pour bétonner son argumentation, Céline entreprend un autre test. "J’ai demandé à ma belle-mère de commencer les démarches de réservation. Elle s’est rendue sur le même site internet, pour réserver la même villa, via la même annonce". Et une fois de plus, le résultat est sans appel. "Quand on compare les deux contrats, on voit directement que quelque chose cloche. Le nom du propriétaire n’est pas orthographié de la même façon d’un contrat à l’autre. Et pire : l’adresse de la villa n’est tout simplement pas la même, comment est-ce possible?". Eau supplémentaire amenée au moulin de Céline : le déroulé des conversations entre le propriétaire et sa belle-mère. "Au début, les conversations entre eux se déroulaient dans un français parfait. A partir du moment où ma belle-mère a annulé la réservation, ils ont basculé vers l’anglais. Et la courtoisie n’était plus de mise."
Double contrôle
Nous avons aussi, à la rédaction, tenté de localiser précisément la villa. Mais les adresses qui figurent dans les deux contrats différents ne semblent pas exister. Premier test: le classique mais efficace Google Maps. Le service de cartographie en ligne ne trouve aucun résultat. Deuxième test: les services proposés par l’Etat espagnol. Il est possible, depuis la Belgique, de consulter en ligne les registres fonciers et les cadastres. Et que ce soit via l’un, comme via l’autre, les réponses sont similaires : la recherche ne donne aucun résultat.
"Je n’ai pas envie que cela arrive à quelqu’un d’autre"
Céline a évidemment contacté Homelidays, sans grand espoir. "Je savais qu’ils ne pourraient rien faire pour moi. J’ai traité directement avec le propriétaire. Si on se fie aux conditions générales d’Homelidays, cela leur enlève toute responsabilité. Je savais bien qu’ils ne feraient rien pour que je me fasse rembourser. Par contre, j’espérais qu’ils agiraient contre cette annonce qui me parait frauduleuse".
Céline a transmis une plainte au site, sous forme d’appréciation post-location. Elle n’a jamais été publiée parce qu’elle contient du "contenu inapproprié". "Et depuis, Homelidays a arrêté de répondre à mes e-mails", déplore Céline. "Je ne comprends pas, je voudrais juste que ma mésaventure ne se reproduise pas avec quelqu’un d’autre".
"Cette annonce est bien réelle"
Nous avons également contacté Homelidays. "Nous vous confirmons que cette location est bien réelle et qu’il ne s’agit en rien d’une annonce frauduleuse. Ce propriétaire publie ses annonces sur notre site depuis 2009 et aucune suspicion de ce type n’a été signalée en 6 ans ce qui n’aurait pas manqué de se produire si les annonces ne se rapportaient pas à des locations réelles" a déclaré la porte-parole du site.
Nous avons également cherché à savoir comment se déroulait le contrôle et la vérification des annonces publiées sur leur site. "Nous avons dans chacun des pays où nous sommes présents des équipes dont le rôle est d’exercer une veille permanente lors de la publication des annonces et une fois qu’elles sont sur le site, de les surveiller pour déceler tout comportement éventuellement suspect" poursuit la porte-parole.
Nos équipes sont également vigilantes sur les plaintes rapportées par les vacanciers quant aux locations et toutes les plaintes sur la qualité des logements sont enregistrées. Nous allons même jusqu’à dépublier certaines annonces qui auraient fait l’objet de trop de réclamations le cas échéant" conclut-elle.
"A Ibiza, la plupart des maisons n’ont pas d’adresse exacte"
Homelidays semble donc faire une confiance aveugle au propriétaire de la villa. La double adresse pour une seule et même annonce trouve une explication qu'un représentant de la société nous expose: "La propriétaire possède en effet deux maisons. L’adresse change en fonction de la maison réservée, en revanche les deux se trouvent sur le même terrain. Il faut savoir qu’à Ibiza, la plupart des maisons n’ont pas d’adresse exacte. C’est le cas de ces deux maisons qui sont introuvables sur les GPS ou sur les plans de type Google Maps" poursuit la porte-parole du site. "D’ailleurs, la propriétaire semble convenir d’un lieu de rencontre qui se trouve à cinq minutes de la villa afin que les vacanciers puissent y arriver" se justifie-t-elle.
Pour Céline, cette réponse n’est qu’à moitié satisfaisante. "Lors de la réservation, il est vrai que le propriétaire m’avait parlé de deux maisons sur un même terrain mais l’une était une sorte de pool house aménagée et l’autre la maison principale. Et nous, on ne nous a jamais proposé de venir nous chercher quelque part."
Proposition de médiation
Homelidays, fidèle à ses conditions générales, déclare donc ne pouvoir rien faire pour Céline. Mais ce n’est pas pour autant que le site se lave les mains de cette affaire. "Dans le contrat de location qu’elle a signé avec le propriétaire (et dont elle nous a adressé une copie), il est mentionné que la réservation serait considérée comme annulée en cas de défaut de paiement de l’acompte aux dates prévues dans le contrat.
On peut certes considérer que ces conditions sont plutôt strictes mais elles sont clairement énoncées et ont été acceptées par les deux parties. Ne pouvant agir sur les conditions du contrat ni dans la procédure que madame souhaiterait intenter à l’encontre de ce propriétaire, nous proposons toutefois de tenter une médiation avec ce dernier en vue d’obtenir peut-être un remboursement de l’acompte, tout ou partie. Nous ne pouvons garantir l’issue d’une telle démarche mais sommes tout à fait disposés à lui prêter assistance si elle le désire."
Refus catégorique
Avant même de recevoir cette proposition, Céline avait pris les devants. "J’ai déposé plainte à la police contre le propriétaire. J’estime avoir été arnaquée et cela vaut réparation. J’ai transféré une copie de cette plainte au propriétaire, mais il n’a jamais daigné me répondre". Nous avons, nous aussi, tenté de joindre ce propriétaire. Nos e-mails sont restés sans réponse. Par contre, il a donné suite à la demande de médiation initiée par Homelidays. Le site de location avait proposé de jouer l’intermédiaire pour récupérer une partie de la somme perdue, correspondant au deuxième acompte. Mais en quelques heures, l’affaire était réglée et Céline recevait une réponse décevante de la part d’Homelidays: "J’ai eu un retour écrit de la part du propriétaire, celui-ci refuse catégoriquement tout dédommagement". Fin de la (tentative de) médiation.
Inacceptable
Nous avons contacté l’association de protection des consommateurs, Test-Achats, pour avoir leur avis. Première question: quid de la responsabilité d’Homelidays? "Il parait normal que la société n’est pas responsable si elle n’a rien à voir avec le contrat et que les parties l’ont conclu directement entre eux" explique Anne Moriau de Test-Achats. Confirmation de ce que Céline, elle même, ne contredisait pas. Par contre, Anne Moriau n’est pas aussi conciliante avec l’attitude du propriétaire. "Annuler sans même avertir les locataires, ni envoyer de rappel? Cela me semble inacceptable. Je pense que dans cette situation, ils ont droit au remboursement total de l’acompte". Malheureusement pour Céline, le contrat ne précise pas qu’un rappel serait envoyé en cas de retard.
Céline n’en restera pas là
Malgré ces mauvaises nouvelles en cascade, Céline n’entend pas lâcher son combat. "Après tout ça, on a aucun intérêt à laisser tomber. Nous avons contacté un avocat en Espagne. Il nous donne raison mais sans assurance qu’un juge en fasse de même. J’ai aussi demandé des vérifications à la banque. Cette histoire n’est pas terminée". Et si elle vise le propriétaire, Céline conserve une certaine rancune envers Homelidays. "Ils refusent toujours de publier mon commentaire. Et puis oui, ils ont tenté une médiation. Mais je remarque qu’il a fallu que les médias les contactent pour qu’ils se bougent. Quand je leur écrivais, ils ne me répondaient pas. Vraiment, je suis déçue. Ça fait dix ans que l’on louait des maisons via leur site. Je n’aurais jamais pensé ça".
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