"En tant que transporteur pétrolier (…), la police nous fait faire des centaines de kilomètres de détour car elle ne veut plus qu’on prenne la E25 direction Luxembourg (...) Mais où va-t-on ?", nous a écrit Guillaume fin novembre, via le bouton orange Alertez-nous.
Guillaume, âgé de 42 ans, est transporteur pétrolier depuis maintenant 15 ans. Indépendant dès la fin de ses études, il a créé sa propre entreprise de transport de produits pétroliers du côté de Marche-en-Famenne. "J’avais passé la compétence professionnelle il y a plus de 20 ans. De fil en aiguilles, je me suis fait des clients et j’ai commencé à avoir beaucoup de commandes", raconte-t-il. Son entreprise, qu'il décrit comme "familiale et agréable", s'est développée au cours des années. Seul gérant de sa société, il travaille désormais avec des indépendants dont deux transporteurs permanents. Ses clients tiennent des stations-services dispersées au sud du Luxembourg, dans le Grand-Duché du Luxembourg et dans la province de Liège. Pour leur livrer de l’essence, du diesel ou un autre produit pétrolier, ce Marchois doit d’abord se rendre dans l’un des ports pétroliers de l’agglomération liégeoise et charger son camion. Un chemin qu’il effectue quotidiennement en respectant les déviations imposées aux véhicules PR (produits dangereux) et en prenant un maximum d'autoroutes. "Le but est faire des économies de carburant, que le transport soit rapide, et qu'il coûte le moins cher possible", précise-t-il.
Interpellé par la police
Toutefois, depuis début octobre, il ne peut plus emprunter cette trajectoire. "Je ne sais pas pourquoi les autorités liégeoises ont décidé que les camions qui venaient dans le port pétrolier de leur agglomération ne pouvaient plus venir par le chemin habituel. Elles appliquent un code de la route qui nous interdit de passer sous peine d’être verbalisé", nous confie-t-il. Il y a quelques semaines, il a tenté de prendre l'itinéraire classique mais a été rapidement interpellé par la police. Un agent lui a demandé de prendre l'autoroute par Namur. "J’étais sur le pont de Fragnée pour aller chercher la E25 direction Luxembourg et aller chez mon client. Je ne vois pas quel est l’intérêt d’aller vers le nord si je dois me rendre dans le sud, ça n’a aucun sens", rétorque-t-il. S'il suit les indications du policier, le trajet serait de 272 km, soit 4h de route au lieu de 30 km. Un itinéraire qu'il décide de ne pas prendre au risque d'être en retard pour la livraison de son client. "On a des timings à respecter, le but n’est pas qu’on soit en retard et que la station soit en panne de produit. Si on nous met des bâtons dans les roues, ça va être difficile d’assurer un service optimal", s'inquiète-t-il. Inévitablement, il est persuadé que cette nouvelle déviation va se répercuter sur son chiffre d’affaires.
Il ne reçoit aucune explication
Par crainte de recevoir un procès-verbal et d'être confronté une nouvelle fois à ce genre de situation, il décide fin novembre de contacter par mail le cabinet du bourgmestre de Liège, Willy Demeyer. Sans réponse, il téléphone à la police fédérale de la route qui le redirige vers la police de Liège "affection routière". Malheureusement, il n'obtient aucune explication et n'a trouvé aucune solution. Pourtant, s'il veut livrer ses clients, Guillaume doit se rendre dans les ports pétroliers de l'agglomération liégeoise. "Je n’ai pas le choix vu que c’est là qu’on charge. La seule option serait de déplacer les ports pétroliers mais ça, c’est un gros travail", ajoute-t-il.
Je n'ai pas envie d'avoir une mauvaise santé à cause du stress
Un nouvel obstacle qui s'ajoute à d'autres problèmes qu'il doit gérer au quotidien. "On n'a pas besoin de ça sur la route", dit-il avec conviction. Selon lui, la profession est devenue de plus en plus compliquée à exercer. En plus des conditions météo qui ne sont pas toujours idéales, il y a la circulation routière parfois très dense. "La route n’est pas un cadeau. Le mieux, c’est la nuit mais on ne sait pas travailler que de nuit, j’ai une vie de famille aussi", explique-t-il. Sur la route, la moindre distraction peut lui être fatale : le métier nécessite une concentration et une énergie maximale. "Il faut être à 100 %, vous n’avez pas le droit à être à moitié attentif. Vous conduisez quelque chose de lourd et de dangereux", poursuit-il. Malgré ces quelques obstacles, Guillaume se dit toujours passionné par son activité professionnelle et se donne corps et âme pour faire vivre son entreprise. "Mais le jour où je n'aurais plus cette passion, c’est terminé, je fais autre chose. Je n’ai pas envie d’avoir une mauvaise santé à cause du stress", réagit-il.
Explications: c'est la conséquence des... inondations
Mais pourquoi ne peut-il par prendre l’itinéraire habituel ? C’est l’une des conséquences des inondations de la mi-juillet. Depuis la catastrophe, Liège a connu d’importants problèmes de mobilité. La liaison de la E25/E40, également appelée tunnel de Cointe, a notamment été extrêmement touchée. N’assurant plus les prérogatives minimales de sécurité, cet axe stratégique a été dans un premier temps fermé. Pour fluidifier le trafic, le bourgmestre de Liège Willy Demeyer (PS) a dès lors pris un arrêté début septembre dans le but d’interdire le transit de poids lourds sur le territoire de la ville. "Cette interdiction ne visait toutefois pas les véhicules en circulation locale (livraison) et ceux qui assurent l’exécution ou la continuation d’une mission de service public essentiel", nous informe Joêlle Saive, porte-parole de la Ville de Liège. N’effectuant pas de transit, Guillaume n’était jusqu’ici pas impacté.
Le 15 octobre, les opérations d’assèchement et la réhabilitation ou le remplacement du matériel endommagé a permis d’ouvrir une partie de la liaison E25-E40/A602. Il était possible de circuler sur une bande par sens (au lieu de de deux bandes par sens) et avec une vitesse de 50 km/h. Une avancée qui a néanmoins eu un impact sur d’autres voiries. "Il y avait plus de véhicules que de places donc il y avait des difficultés d’accéder aux autoroutes avoisinantes, notamment l’arrivée de la E25 en provenance des Pays-Bas et des Ardennes et l’arrivée de la E411 en provenance des Ardennes", nous explique Benoît Ferrière, porte-parole de la police de Liège. D’après ce dernier, des déviations ont donc été prévues pour éviter de gros embouteillages. Guillaume a ainsi été impacté par ces déviations temporaires.
Deux voies à nouveau accessibles
Mais depuis le 22 novembre, la liaison a retrouvé sa pleine capacité de mobilité. L'interdiction de circuler pour les poids lourds en transit de plus de 7,5 tonnes affectés au transport de choses a elle été aussi levée. "Deux voies sont à nouveau accessibles en direction du Luxembourg. La vitesse sera toujours limitée à 50 km/h dans la zone comprenant les tunnels car la totalité des équipements n’a pas encore pu être réhabilitée conformément à la Directive Mont-Blanc", communique donc la Sofico, en charge de l’infrastructure.
© SOFICO
Y aura-t-il d’autres travaux à l’avenir ? D’après nos informations, le tunnel de Cointe ne nécessite pas d’autres travaux à court terme. Néanmoins, plusieurs voiries doivent encore faire être réaménagées dont le boulevard Kleyer. Il s'agira de procéder à la réfection du revêtement, au réaménagement de la traversée piétonne à hauteur de l'école communale en vue d'augmenter la sécurité des piétons ou encore à l'intégration d'une piste cyclable, dans les deux sens. Le réaménagement a été reporté, en raison de la fermeture du tunnel de cointe et devrait être reporté au printemps 2022. Guillaume pourrait à nouveau voir ses itinéraires chamboulés, mais de façon temporaire.
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