Le 1er janvier 2022, la Wallonie adoptait un décret pour "un impôt plus juste". Les camping-cars sont désormais considérés comme des voitures au niveau fiscal et non plus comme des utilitaires. Résultat: les propriétaires doivent s'acquitter de la taxe de circulation et d'une taxe de mise en circulation.
"Je suis dégoûté", résume Claudio. Cet habitant de Gembloux déplore la taxation des camping-cars instaurée en Wallonie depuis janvier 2022. Il a fait les comptes. Désormais, il devra payer près de 1.000 € de taxes pour que son véhicule puisse arpenter les routes. "La Belgique devient une honte au niveau fiscal. Tout est fait pour nous empêcher de vivre", s'exclame-t-il.
Pour comprendre cette nouvelle taxe que dénonce Claudio, il faut remonter au 22 décembre 2021. Avant cette date, les camping-cars étaient considérés comme des véhicules utilitaires et profitaient ainsi d'un système de taxe avantageux. Ils étaient exemptés de la taxe de mise en circulation et bénéficiaient d'une réduction de la taxe de circulation.
Le 22 décembre 2021, la Wallonie opte pour un nouveau décret concernant la taxation des camping-cars. À travers ce texte, le gouvernement entend recentrer les véhicules considérés comme "utilitaires. Les camping-cars se retrouvent alors exclus de cette catégorie. Ils relèvent donc d'une fiscalité ordinaire avec une taxe de circulation liée à la cylindrée du véhicule (les CV fiscaux) et une taxe de mise en circulation liée à la cylindrée ou la puissance et liée au CO2 pour sa composante écomalus. La mesure entre en vigueur le 1er janvier 2022.
Lors de la présentation du décret, Jean-Luc Crucke, alors ministre wallon du Budget et des Finances, justifiait: "Le mobile-home le moins cher que j'ai trouvé, je ne sais pas dans quel état il est, est à 50.000 €. Vous avez largement là 200 voire 300.000 euros pour un mobile-home (...) C'est toujours de trop quand les gens doivent payer. Je le sais. Et c'est aussi toujours difficile pour certains plus que d'autres. Je le sais aussi et je l’accepte. Il faut quand même à mon avis raison garder".
Et c'est bien là que le bât blesse selon Claudio. En août dernier, Claudio s'est décidé à acheter un camping-car, un "petit plaisir". À bord, tout est prévu. "Il y a tout ce qui faut : le frigo, les sanitaires. C'est simple, mais c'est notre plaisir personnel pour voyager à moindres frais, car les hôtels coûtent cher. Le camping-car nous permet de nous offrir de petits week-ends plutôt que de grosses vacances qui coûtent énormément cher", confie le Gembloutois. Avant d'insister : "Ça nous permet de visiter toute la Wallonie, de faire fonctionner le commerce local. Et ça, c'est très important pour nous. Mais on veut nous empêcher tout ça".
Lors de son achat, Claudio assure qu'il ignorait les taxes qui lui seraient ensuite imposées. "J'ai investi dans ce véhicule, mais cette taxation n'était pas annoncée. Je tombe des nues. C'est quand même 1.000 € à sortir et ce n'était pas prévu dans le budget. Je ne suis pas millionnaire, j'ai dû faire un emprunt. C'est vraiment une mauvaise surprise", accuse-t-il.
C'est compliqué d'accepter cette taxe supplémentaire
Comme lui, de nombreux propriétaires accusent le coup. "On nous attaque sur notre mode de vie !", souffle l'un d'entre eux. "Il ne faut pas croire que ce sont des gens de la classe moyenne supérieure qui peuvent se permettre ce genre d'engins. C'est compliqué pour nous d'accepter cette taxe supplémentaire quand on n'a pas été informé", lâche Sabrina qui a acheté son camping-car au prix de 60.000 €. Tous les propriétaires que nous rencontrons parlent d'une mauvaise surprise et assurent ne pas avoir été avertis lors de leur achat.
Comment est-ce possible ? Frédéric François, secrétaire général de la fédération du secteur (soit la BCCMA, Belgian Caravan-Camping and Motorhome Association) nous éclaire. Selon lui, le secteur n'a pas été tenus au courant. "Le gouvernement a décidé ça tout seul dans son coin, sans concerter personne et sans communiquer auprès du secteur. Et par conséquent, nous avons mal communiqué à nos clients potentiels", reproche-t-il.
Le secrétaire général dit avoir découvert "un peu par hasard" cette nouvelle taxation, "lorsque les premières plaintes des particuliers sont arrivées, il y a quelques mois". "C'est très problématique pour les particuliers qui reçoivent une facture supplémentaire et inattendue de 5.000€. C'est aussi problématique à terme pour le secteur qui est déjà en chute de 25 à 30% par rapport à l'an dernier étant donné les incertitudes et les prix de l'énergie", ajoute Frédéric François.
À noter que durant les 7 premiers mois de l'année 2022, on compte 4.865 immatriculations de camping-cars en Belgique, selon des chiffres communiqués par la Febiac (fédération de l'Industrie de l'Automobile et du Cycle). En 2021, 7.144 motorhomes ont été immatriculés durant l'année complète.
Ce que dénonce la Fédération ici, c'est principalement le manque de communication. Avant d'acquérir un camping-car auprès d'un concessionnaire, les délais peuvent être longs, "parfois 18 mois". "Et il y a 18 mois, nos vendeurs ont, tout à fait honnêtement, dit aux acheteurs qu'ils ne devaient pas tenir compte de la taxe de mise en circulation. Le prix moyen d'un camping-car, c'est entre 60 et 70.000€. Vous ajoutez à cela une taxe de 5.000€. Ça fait presque 10%", assure Frédéric François.
Avant d'ajouter: "Nous demandons un moratoire de 18 à 24 mois de sorte que les gens qui ont commandé en se disant qu'il n'y avait pas de taxe de mise en circulation n'aient pas de mauvaise surprise. Mais qu'après ça, une taxe soit mise mais là aussi, nous demandons à avoir un débat avec le gouvernement pour que nous puissions mettre cette taxe sur la table pour qu'elle soit la plus juste possible".
C'est exagéré de taxer de la même manière un motor-home qu'une voiture
Concrètement, Frédéric François ne remet pas en cause l'application d'une taxe. Mais il demande à ce qu'elle soit "plus juste". "On trouve que c'est exagéré de taxer de la même manière un motor-home qu'une voiture. Il faut essayer de déterminer l'impact du motor-home sur les routes en Belgique, sur l'écologie. Et en fonction de cela, voir quelle est la taxe la plus juste", justifie-t-il.
Il existe une exception pour être exempté de la taxe de circulation. Si le camping-car circule moins de 30 jours par an sur les routes wallonnes, le propriétaire n'est pas redevable de la taxe. Résultat: certains propriétaires sont prêts à bouder les escapades sur le territoire wallon et à privilégier la Flandre ou même nos pays voisins. "Les gens vont aller à l'étranger. C'est une aberration pour le commerce en Wallonie", s'étonne Tom Berenger, patron d'un groupe de camping-cars.
Une réunion est prévue ce 21 septembre entre les autorités régionales et les représentants du secteur. Si aucune solution n’est trouvée, des actions pourraient être menées.
Vos commentaires