Depuis peu, les aspirateurs ne portent plus de label énergétique européen, qui sert pourtant de critère indispensable pour qu’un commerçant belge accepte les éco-chèques d’un client qui veut l’acheter. Mais toutes les enseignes ne se comportent visiblement pas de la même manière. Nous avons contacté la fédération sectorielle, et elle veille au grain. Explications.
Il y a quelques mois, on vous parlait de quelques mauvais usages des éco-chèques par certains commerçants. Visiblement, d’après des témoignages concordants que nous avions reçus, il y a des enseignes ou des vendeurs qui traficotent pour permettre à des clients d’acheter n’importe quel produit avec ces chèques. Dont le but, rappelons-le, est d’encourager des achats de biens ou de services respectueux de l’environnement.
Récemment, Cédric a contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous pour nous faire part d’un autre constat étonnant. “Je voulais acheter du matériel avec des éco-chèques: comment cela se fait-il que ce soit possible dans certaines enseignes alors que d'autres ne les acceptent pas pour un même article? Qui est en tort: celui qui refuse ou celui qui accepte?”, s’interroge-t-il.
La réponse est à la fois simple et compliquée...
Un “aspire-tout” en promotion
Cédric, 30 ans, habite la région de Verviers. Il souhaitait acheter “un aspirateur Karcher, qui prend tout: la poussière, l’eau, etc”. Il effectue quelques recherches sur internet et constate que le prix de ce modèle, le WD6, varie d’un magasin à l’autre: "Il était en promotion chez Krefel et Vanden Borre, mais on ne peut pas payer en ligne avec des éco-chèques, il faut se rendre en magasin."
Notre témoin se rend alors chez Vanden Borre, où il apprend que cet aspirateur ne fait pas partie de la liste des appareils pouvant être payés avec des éco-chèques.
Il se renseigne alors ailleurs, et se rend compte que d’autres enseignes acceptent les éco-chèques pour le même modèle d’aspirateur. “J’ai été au Brico, et j’ai pu écouler mes éco-chèques. Mais l’aspirateur n’était pas en promotion, ça m’a donc coûté plus cher, c’est dommage”.
Cédric reste de bonne foi: “Bon, je ne trouve pas que ce soit un produit spécialement écologique, mais je m’interroge: pourquoi tel magasin accepte mes éco-chèques, et pas un autre, pour le même aspirateur?”
Dyson a mis fin aux labels énergétiques des aspirateurs
La fin des labels énergétiques pour les aspirateurs... à cause de Dyson
Pour répondre correctement à Cédric, il faut parler de... justice européenne. Le 8 novembre 2018, une cour de justice basée au Luxembourg a tranché en faveur du groupe Dyson, célèbre pour avoir inventé l’aspirateur sans sac.
5 ans plus tôt, Dyson avait débuté une longue bataille judiciaire en interpellant l’Europe au sujet de ses labels énergétiques colorés (et gradués de A à G). Ceux que l’on appose sur l’emballage de tous les produits électroménager, en magasin et en ligne, et qui renseignent le consommateur sur l’efficacité énergétique de l’appareil.
Le groupe anglais estimait que les procédures de test des aspirateurs permettant de les labelliser dans toute l’Europe (c'était une obligation) étaient trompeurs pour le consommateur et discriminant à l’égard de sa technologie. En effet, ces tests étaient menés avec des aspirateurs dont le sac était vide, les résultats étaient donc souvent très bons ; alors qu’on le sait, le sac se remplit vite, le filtre s’encrasse: l’efficacité diminue et on consomme nettement plus d’énergie que ce que mentionne le label...
La justice européenne a suivi l’argumentation de Dyson. Elle a donc décidé de supprimer purement et simplement l’apposition de ces labels énergétiques européens sur tous les aspirateurs. La décision est effective depuis le 19 janvier dernier.
Plus aucun nouvel aspirateur ne peut être acheté avec des éco-chèques !
Les conséquences de cette disparition de label concernant les aspirateurs semblent assez minimes pour le consommateur, dont c’est rarement le critère d’achat déterminant (pour un aspirateur, pas pour un frigo ou un lave-vaisselle). En ce qui concerne les commerçants belges, il y a un impact. En effet, ce label représente un critère objectif afin d’accepter ou non des éco-chèques lors de l’achat d’un appareil électroménager. Il faut que ces produits portent la mention A+ (ou A++, ou A+++) afin d’être considérés comme suffisamment écologiques, justifiant l’acceptation des éco-chèques. Ceux portant une autre lettre (de A à G) n’entrent pas dans cette catégorie.
Et quand il n’y a pas de label, alors ? “Ils ne peuvent en principe plus être achetés avec les éco-chèques puisqu’il est impossible d’identifier l’efficacité énergétique des appareils”, nous a expliqué Jean-Yves Daxhelet, porte-parole de VIA, l’association qui représente les intérêts des entreprises émettrices de titres prépayés.
Il y a quelques exceptions, cependant. “Pour les aspirateurs A+/++/+++ de stock, le commerçant peut toujours accepter les paiements en éco-chèques”. Pour les modèles emballés après le 19 janvier 2019 par les fabricants, “l’emballage ne mentionne pas explicitement le label énergétique européen” ; dès lors, “le commerçant ne peut pas les accepter”, confirme VIA.
Y a-t-il une surveillance ?
Revenons au cas de Cédric. Brico précise clairement, sur son site, que l'aspirateur peut être acheté avec des éco-chèques :
“Il incombe au commerçant de veiller au respect de la liste des produits/services définie par le Conseil National du Travail, seul organe habilité à décider quel produit/service est éligible dans le cadre de l’utilisation des éco-chèques”, poursuit M. Daxhelet. Liste qui est par ailleurs révisée tous les deux ans.
Pour que tous les magasins soient tenus au courant des changements, “VIA ainsi que les émetteurs individuellement mettent des moyens à disposition des commerçants pour qu’ils puissent être informés des mises à jour (site web, myecocheques.be, newsletters, actions de sensibilisation,…)”.
Les commerçants sont donc supposés connaître la loi et ses modifications. Et s’ils ne respectent pas les règles ? “En cas d’infraction constatée, l’association VIA en avertit les points de vente concernés et leur demande de se conformer à la réglementation. Si l’infraction persiste, une inspection via un mystery shopping (un contrôleur déguisé en client, NDLR) sera menée par un organisme indépendant mandaté par VIA”. La sanction est radicale: “Une désaffiliation peut en découler”, le commerçant ne pouvant dès lors plus se faire rembourser par la société émettrice (Edenred, Sodeo, Monizze) les éco-chèques acceptés...
Que dit Brico ?
Nous avons contacté Brico pour voir quelle était sa politique en matière d'acceptation d'éco-chèques. S'il est difficile de se prononcer sur un cas particulier (l'aspirateur en question), l'enseigne explique que "c'est notre centrale d'achat qui détermine si un produit peut être acheté avec des éco-chèques".
En réalité, "dans les magasins, on ne peut pas intervenir manuellement: quand la centrale d'achat encode un produit, elle précise s'il est éligible ou non, en vertu de la liste émise par les autorités ; et quand il est scanné à la caisse, l'employée se rend compte s'il est possible d'accepter ces chèques", précise le porte-parole. La centrale d'achat est "de structure Benelux", mais "en Belgique, il y a une équipe qui se charge de déterminer si les éco-chèques sont acceptables pour un produit".
L'explication probable, c'est qu'au moment d'encoder l'aspirateur Karcher en question dans son système interne, la centrale d'achat avait encore à disposition un label énergétique (par exemple si l'aspirateur a été emballé par Karcher avant le mois de janvier 2019). Tandis que du côté de Vanden Borre, cet aspirateur est rentré dans le stock après le 19 janvier, sans label énergétique, donc.
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