La Wallonie n’est pas une poubelle. C’est le cri du cœur de Sarah, une habitante de Colfontaine qui participe à des actions bénévoles de nettoyage. Il y a quelques temps, cette jeune femme a été abasourdie de remplir des dizaines de sacs avec des déchets clandestins à Antoing. Les communes et la Région wallonne assurent prendre des mesures pour lutter contre ce fléau. Notamment grâce à l’installation de caméras de surveillance.
Il y a quelques jours, Sarah a participé à une activité de ramassage de déchets en petit comité à Péronnes-Lez-Antoing, dans le Hainaut. Après une marche de 4 kilomètres aller-retour le long du Grand Large de Péronnes, cette dizaine de bénévoles ont rempli des dizaines de sacs poubelles.
Ce jour-là, la quantité collectée de déchets clandestins était vraiment faramineuse
"Nous étions sidérés !"
"Nous étions sidérés ! Nous avons trouvé de tout: fauteuil, bonbonne de gaz, friteuse, pneus, verre et déchets habituels comme des canettes de bière", énumère cette habitante de Colfontaine qui ramasse régulièrement des déchets dans sa commune et dans sa province. "Ce jour-là, la quantité collectée de déchets clandestins était vraiment faramineuse. C’était juste horrible", déplore la jeune femme de 33 ans.
Afin de sensibiliser les citoyens au respect de l’environnement, Sarah nous a donc contactés via le bouton orange Alertez-nous. "Serait-il possible de conscientiser les gens face à ce fléau qu’est la pollution", demande-t-elle, en espérant déclencher un "électrochoc".
Un "point noir" surtout quand il fait beau
Le constat amer dressé par cette bénévole témoigne des soucis en matière de propreté publique. La voie qui longe le Grand Large de Péronnes, un lac artificiel idéal pour se balader, est visiblement un "point noir." "Nous remercions encore une fois ces personnes qui ont ramassé ces déchets. Des plaintes à ce sujet ont fleuri sur les réseaux sociaux et, quelques jours plus tard, 14 bénévoles se sont réunis pour les ramasser", explique Pascal Detournay, directeur général de la commune d'Antoing.
Cette voirie n'est pas communale, il s'agit d'une voie navigable qui dépend du Service Public de Wallonie. "La commune a joué le rôle d'intermédiaire pour fournir à ce groupe du matériel fourni par le SPW, notamment les sacs oranges. Il s'agit vraiment d'un problème d'incivilité. Le SPW, qui en a la responsabilité, a essayé d'améliorer la situation en augmentant le nombre de poubelles, mais certains ne respectent pas les lieux. Surtout les weekends, quand il fait beau, il y a une présence de déchets plus importante", souligne-t-il.
Nous demandons à notre police domaniale de faire régner l'ordre
"Nous connaissons en effet un problème saisonnier à cet endroit. Quand il y a du soleil, des gens en profitent pour faire un pique-nique et certains abandonnent des déchets. Des poubelles ont même été brûlées", confirme Nicolas Yernaux, porte-parole du Service Public de Wallonie. "Nous saluons donc ce genre d'initiatives citoyennes. Et pour lutter contre cette incivisme, nous redoublons de vigilance, notamment en demandant à notre police domaniale de faire régner l'ordre", assure le porte-parole.
Pour rappel, la police domaniale du SPW s'occupe notamment de l'aspect environnemental avec les contrôles d'abandon de déchets, de poubelles ou les dégradations des infrastructures. Ces agents peuvent verbaliser les malpropres et leur infliger des sanctions. En cas d'abandon de déchets, vous devrez payer 150 euros.
A Colfontaine, collaboration étroite entre la commune et la police locale
Sarah participe aussi parfois à des actions de nettoyage dans sa commune, notamment au Ravel, un endroit régulièrement souillé. "Nous n’avons pas constaté une hausse de la quantité de déchets sauvages et de dépôts clandestins, mais c’est un problème récurrent", déplore Grégory Dufert, chef de cabinet du bourgmestre de Colfontaine. "Même si nous menons des actions et organisons des campagnes de sensibilisation au travers d’initiatives, nous déplorons ces actes d’incivilité", ajoute-t-il.
Concrètement, que fait la commune ? Tout d’abord, le chef de cabinet du bourgmestre souligne que l’administration communale emploie 15 personnes à temps plein "uniquement" pour la propreté publique. Ces travailleurs s’occupent de nettoyer les voiries et les espaces verts, de vider les poubelles publiques, etc.
"Une fois par an, nous organisons aussi une semaine de la propreté lors de laquelle des actions de sensibilisation sont menées auprès des citoyens et dans les écoles. Des conteneurs sont installés de manière ponctuelle à des endroits stratégiques pour permettre aux gens de déposer des déchets encombrants sans devoir se rendre aux parcs à conteneurs. Sans oublier ceux qui ne peuvent pas y aller", explique Grégory Dufert.
Pour lutter contre les déchets clandestins, la commune collabore avec le service environnement de la zone de police boraine qui regroupe cinq communes (Boussu, Colfontaine, Quaregnon, Frameries et Saint-Ghislain). "Parallèlement à leurs missions classiques, deux agents constatateurs de Colfontaine relaient les informations à ce sujet auprès de la police environnement qui se charge de détecter les déchets sauvages et de tenter d’identifier les auteurs pour pouvoir les juger", explique le chef de cabinet.
Deux auteurs identifiés et verbalisés: plus de 4.000 euros d'amendes
Il y a environ un an, cette collaboration a notamment permis d’identifier les auteurs de deux dépôts sauvages découverts par des employés communaux. Dans un communiqué, la police boraine a alors expliqué que la fouille et l’analyse des déchets (des débris d’armoires, des vieux meubles, un ancien sofa, un matelas, des pneus et des immondices en tous genres) ont permis de retrouver les responsables. Ils ont été convoqués pour expliquer leur comportement incivique.
Ensuite, le dossier a été transmis au fonctionnaire sanctionnateur provincial qui a décidé de l’amende à leur infliger. Elle se situe entre 70 et 350€ et peut inclure une peine de prison de 8 jours à 3 ans. "Pour le premier dépôt, l’auteur a écopé d’une amende de 225 euros et pour le deuxième dépôt, le fonctionnaire a infligé une amende de 350 euros car l’auteur est récidiviste", indique aujourd’hui Siham Zannoun, porte-parole de la zone de police boraine.
La facture cumulée fait plus de tort au portefeuille du pollueur car les chiffres peuvent très vite grimper
Et les sanctions ne s’arrêtent pas là. Selon les forces de l’ordres, l’administration communale de Colfontaine a réclamé aux contrevenants le coût de l’enlèvement et du traitement des déchets d’un montant s’élevant à 1.700 euros pour le premier dépôt et 3.800 euros pour le second.
"Cette étroite collaboration permet d’augmenter le coût total de l’infraction en combinant le coût de l’amende au frais beaucoup plus élevé d’enlèvement, voire parfois au coût de réparation s’il y a eu des dégâts à la voirie par exemple. La facture fait ainsi plus de tort au portefeuille du pollueur car les chiffres peuvent très vite grimper", souligne la porte-parole. L’objectif est évidemment éviter que ces personnes récidivent. "C’est un comportement intolérable qui nuit à l’image de la région", insiste la police boraine.
Enfin, la commune de Colfontaine évoque également l’existence de plusieurs groupes de citoyens qui procèdent au nettoyage de sentiers ou de voiries pour ramasser des déchets sur son territoire. "Il s’agit d’initiatives privées. Mais nous collaborons avec ces amoureux de la nature. Ils font appel à la commune pour leur donner un coup de main, en leur procurant notamment du matériel comme des sacs, des pinces", explique Grégory Dufert. "Ce ne sont donc pas les initiatives et les moyens qui manquent mais, comme beaucoup d’autres communes, on déplore ces actes inciviques de manière récurrente", résume-t-il.
Nathalie dénonce le même souci à Florenville: "Des gens sans scrupule jettent des détritus"
La province du Hainaut n’est effectivement pas la seule région en Wallonie où les rues et les espaces verts sont pollués par des ordures. Nathalie, une habitante de Florenville, en province de Luxembourg, nous a également contactés via le bouton orange Alertez-nous pour déplorer la hausse du nombre de déchets le long des routes et des talus. "Des gens sans scrupule jettent des détritus, parfois de leur voiture. Tout le long de ma rue, c’est dégueulasse. Et c’est pareil partout dans la commune", se plaint-elle.
Si ce sentiment de malpropreté semble présent un peu partout, le nombre de déchets sauvages a-t-il réellement augmenté en Wallonie ? Il n’existe visiblement pas de chiffres pour l’attester actuellement, comme c’est le cas à Bruxelles et en Flandre, où une hausse a été observée. "C’est difficile à quantifier. On avait demandé en avril dernier à l’asbl BE WaPP, qui s’occupe notamment de l’action de nettoyage de printemps, d’effectuer un coup de sonde dans différentes communes. A cette occasion, ils avaient effectivement remarqué une tendance à l’augmentation du dépôt de déchets clandestins. Mais c’était au moment où il y avait une fermeture momentanée des recyparcs. Et ce n’est évidemment plus le cas", indique la porte-parole de Céline Tellier, ministre wallonne de l’Environnement et de la Nature. "En tout cas, la situation est critique et des actions ont donc été prises", ajoute Nathalie Guilmin.
La Région wallonne décide de doubler les amendes et d'aider les communes à s'équiper de caméras
Pour lutter contre ces incivilités, la Région wallonne a en effet décidé de prendre des mesures. Fin novembre dernier, le gouvernement wallon a doublé le montant des amendes en cas d’abandon de déchets clandestins comme un mégot, une canette ou un chewing-gum. Les montants sont passés de 100 à 200 euros. "Les masques et les gants, des déchets purement Covid, ont également été ajoutés à la liste des déchets sauvages", précise Nathalie Guilmin.
Pour sanctionner les malpropres, la Région wallonne a également lancé un appel à projets à l’attention des communes pour leur permettre d’installer des caméras de surveillance. A la clé: une aide de 25.000 euros maximum par commune. Le mois dernier, 94 communes ont été sélectionnées pour recevoir ce subside, sur base d’un dossier étayé.
Un outil de répression et de dissuasion
"Ce n’est pas juste pour avoir un moyen de répression mais aussi pour inciter la commune à faire tout un plan de diagnostic de l’état de propreté sur son territoire et, le cas échéant, de poser des caméras de surveillance sur les points noirs car on se rend compte que bien souvent il y a un certain laisser-aller dans certains endroits particuliers", détaille la porte-parole de la ministre de l’Environnement.
Ces lieux problématiques se situent par exemple près des bulles à verre ou dans un endroit un peu délaissé. "L’idée, c’est donc d’accompagner les communes et d’installer des caméras puisque, dans le cadre des dépôts clandestins, il faut constater les faits et identifier les auteurs pour pouvoir verbaliser", explique Nathalie Guilmin. Les caméras sont également un outil de prévention et de dissuasion. "Elles servent à envoyer un message aux citoyens: "Ce n’est plus autorisé, on ne tolère pas, il y a une tolérance relativement zéro pour ce genre de faits, il y a des amendes qui existent et la Wallonie n’est pas un dépotoir". Il y a d’ailleurs des subventions qui sont parfois données pour des caméras factices", ajoute la porte-parole.
Les communes subsidiées sont en train d’installer les caméras fixes ou mobiles sur leur territoire. C'est le cas à Antoing, qui a reçu un subside de 23.000 euros. "Notre projet a été validé. Nous avons donc obtenu cette aide régionale pour des caméras mobiles. On va les installer dans les mois qui viennent dans des endroits stratégiques en collaboration avec la police locale et le SPW. Il s'agit de matériel discret", indique Pascal Detournay, directeur général de la commune hennuyère. La date butoir pour le placement des caméras est juillet 2022.
Cela coûte environ 20 euros par an par habitant pour pouvoir nettoyer tous ces déchets
Le combat contre la malpropreté est donc mené par de nombreuses communes en Wallonie. D’autant plus que le coût de ces actes inciviques est important. "Pour vous donner une idée, si on ramène cela à l’échelle du coût par habitant, cela fait environ 20 euros par an par habitant pour pouvoir nettoyer tous ces déchets sauvages et c’est souvent à charge des communes. C’est donc vraiment à la fois un problème de santé publique mais aussi un poids sur les finances communales", indique la porte-parole de la ministre.
De son côté, Sarah est déjà prête à remettre son gilet jaune, ses gants et prendre des sacs pour participer à une nouvelle action de ramassage de déchets. "C’est dans l’intérêt de la nature mais aussi des personnes pour qu’elles ne tombent sur des détritus parfois dangereux en se promenant", souligne la jeune femme engagée.
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