Elie, un Bruxellois, dénonce la pénurie d’un médicament prescrit par son médecin. Il s’agit du Steropotassium. Il permet de traiter un manque de potassium dans le sang. "C’est quand même grave car il y a un risque de troubles cardiaques" assure-t-il. Mais qu’en est-il exactement ?
"Je voudrais que les gens soient informés de la pénurie de ce médicament vital", lance Elie via notre bouton orange Alertez-nous. Après avoir obtenu les résultats d’une prise de sang, le médecin généraliste de ce Bruxellois de 49 ans lui a demandé de venir à son cabinet. "Mon taux de potassium étant au plus bas, il m’a dit de passer pour prendre une ordonnance de Steropotassium 1g/20ml", relate-t-il.
Elie s’est alors rendu dans plusieurs pharmacies de la capitale pour acheter ce médicament. En vain."Après avoir fait cinq pharmacies, on m'annonce que ce n’est pas un problème de distribution. C’est carrément le fabriquant qui ne le produit plus pour l'instant", assure le quadragénaire.
"Il me reste une boîte de Steropotassium, mais quand je regarde dans mon ordinateur pour en commander auprès de mon grossiste, il est ‘manquant’", constate Mohammed Karim, un pharmacien de Saint-Gilles. "Et ce n’est pas le seul. Cela arrive régulièrement. Si je devais imprimer la liste des médicaments indisponibles, elle mesurerait 1m de long. Et certains sont manquants pendant plusieurs mois", déplore le pharmacien. Fin 2017, plus de 400 médicaments étaient en rupture de stock dans notre pays.
Le fabricant n’a pas encore notifié une indisponibilité
"Jusqu’à présent, le titulaire d’enregistrement du Steropotassium ne nous pas notifié d’indisponibilité. Il s’agit d’un produit assez ancien, enregistré dans les années 70. Mes collègues ont contacté la firme pour savoir ce qu’il en est. Mais ils n’ont pas encore obtenu de réponse", indique Ann Eeckhout, porte-parole de l’agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS). "Je ne peux donc pas vous dire si ce cette indisponibilité éventuelle est de longue durée ou pas", ajoute-t-elle.
La cause reste donc aussi un mystère. "Il peut y avoir plusieurs raisons pour expliquer une pénurie. Une indisponibilité du principe actif, un problème de production ou de distribution. En fait, il y a tellement de causes potentielles qu’il faut voir cela au cas par cas", souligne Ann Eeckhout.
Quel que soit le problème, Elie estime qu’il faut mettre en lumière cette situation."C’est quand même grave, car il y a un risque de troubles cardiaques quand on manque de potassium", assure le Bruxellois.
Quel est le rôle du potassium dans notre corps ?
Le potassium joue, en effet, un rôle primordial dans notre organisme. En association avec le sodium, surtout présent dans notre sang, il a de nombreuses actions. "C’est une composante fondamentale de nos cellules. Le potassium est donc très important pour la vie cellulaire. Il intervient dans toute une série de processus, comme la contraction des muscles. Dans le sang, il y en a relativement peu mais quand son taux devient bas, cela peut devenir un problème", explique Michel Jadoul, néphrologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc.
Quels sont les risques d’une carence ?
Le taux de potassium, appelé kaliémie, doit normalement se situer entre 3,5 et 5 millimoles par litre de sang.
En cas de carence (hypokaliémie), cela peut avoir des conséquences néfastes sur la santé. "Vous pouvez alors avoir des problèmes de faiblesses musculaires puisque tous les muscles sont dépendants du potassium pour pouvoir se contracter correctement. Cela concerne notamment le cœur, mais aussi les muscles du tube digestif ou des membres pour se déplacer", précise le spécialiste des maladies rénales. Il y a donc un risque de troubles cardiaques, de constipation, de crampes musculaires.
Un excès de potassium (hyperkaliémie) est également problématique. Les personnes souffrant d’une insuffisance rénale présentent, eux, un taux trop élevé.
Michel Jadoul relativise toutefois la gravité de la situation. "Un taux de potassium vraiment très bas, qui risque d’engendrer de graves problèmes, n’est pas si fréquent", assure le néphrologue.
Des alternatives existent
Par ailleurs, il existe plusieurs alternatives pour traiter l’hypokaliémie. Un médecin peut tout d’abord prescrire un autre médicament de la même famille. "Le Steropotassium n’est pas la seule source de potassium médicamenteuse", souligne Michel Jadoul. Il est important aussi de cibler la cause. "Il y a différentes causes de perte de potassium sur lesquelles on peut agir et donc supprimer la fuite, qu’elle soit rénale, digestive ou autre. Mais on ne peut pas toujours le faire", indique Michel Jadoul.
De son côté, Ann Eeckhout souligne qu’il n’existe pas de générique mais que le principe actif du Steropotassium est disponible en Belgique. "C’est un médicament administré par voie orale. Grâce au principe actif, un pharmacien peut donc réaliser une préparation magistrale pour un patient", soutient la porte-parole. Globalement, elle précise que peu de patients doivent arrêter leur traitement en raison d’une indisponibilité car, dans la majorité des cas, une alternative thérapeutique existe sur le marché. Sans oublier la possibilité d’importer des lots du médicament manquant présents dans d’autres pays, en adaptant la notice et le conditionnement.
Des fruits comme remède naturel
Enfin, on peut aussi compenser une perte de potassium de façon naturelle. Ne pouvant pas acheter de Steropotassium, Elie a contacté son médecin qui lui a tout simplement conseillé de manger des bananes. "J’ai ensuite refait une prise de sang et heureusement mon taux de potassium est remonté".
Le potassium est en effet un composant de toutes les cellules vivantes, celles des animaux, des plantes et des êtres humains. "Mais il est surtout présent dans les cellules des plantes, en particulier dans les fruits, et encore davantage dans les fruits secs", précise le néphrologue Michel Jadoul. On conseille donc aux personnes présentant un taux de potassium bas de manger des bananes, des olives, des figues ou encore des dattes. "C’est un très bon moyen d’ingérer du potassium qui peut permettre d’éviter les médicaments."
"Mais cela ne marche pas pour tout le monde. Certains n’ont pas cette chance", épingle Elie.
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