Tous les opérateurs proposent désormais des abonnements "illimités" pour smartphone. Il s'agit d'un beau slogan publicitaire qui cache quelques aberrations. Elisa vient d'en soulever une nouvelle. Orange évoque les fameuses "conditions générales" que l'on ferait mieux de lire à chaque fois jusqu'au bout.
De plus en plus de fournisseurs de service proposent l'illimité. C'est très tendance. Un gros abonnement qui vous donne accès à tout. Spotify et Netflix sont des bons exemples du concept, mais quand il s'agit des opérateurs de télécommunication, c'est plus compliqué. Disons qu'il y a des limites à l'illimité…
Premièrement, les abonnements pour smartphone soi-disant illimités au niveau de l'internet mobile ont une solide limite mensuelle : au-delà de 20 GB de data, la vitesse est réduite à 512 Kbps (soit 0,5 Mbps, alors qu'à titre de comparaison, dans les bureaux bien situés de RTL Belgium, un smartphone en 4G+ télécharge à 120 Mbps). Cette limite liée à la réduction de la vitesse, on en parle depuis le début.
Plus étonnant, par contre: même à vitesse réduite, la quantité de data que vous pouvez télécharger par mois est limitée également, alors qu'on parle bien d'un abonnement illimité. Elisa l'ignorait, comme plus ou moins tout le monde. "On nous a coupés après 160 GB", nous a-t-elle écrit via le bouton orange Alertez-nous de RTL info.
En attendant un raccordement "fixe"
160 GB d'internet mobile sur un smartphone, ça parait énorme. Mais il y a une explication. "On était sur le point d'avoir notre connexion internet fixe à domicile via Orange, mais pour le raccordement, on devait patienter 1 mois".
Et ça, pour cette famille de la région liégeoise, c'est compliqué. "Internet est important, toute la famille en a besoin, y compris moi pour la recherche d'un emploi", poursuit Elisa, 19 ans, qui aide son père à gérer les abonnements télécoms.
Dès lors, pour rester connectée durant le mois d'attente, elle décide d'opter temporairement pour un de ces abonnements mobiles pseudo-illimités, toujours chez Orange. "Nous commandons un abonnement Aigle à 40€".
Toute la famille était connectée sur cet abonnement
Un usage très intensif…
Tout se passe comme prévu, mais l'usage est très intensif. "Toute la famille était connectée sur cet abonnement: 1 tablette et jusqu'à 3 smartphones". Comment ? En utilisant l'option partage de connexion du smartphone. Celui-ci se transforme alors en point d'accès: il capte internet via la 4G et la redistribue via un réseau Wi-Fi qu'il émet et auquel des appareils peuvent se connecter. Cette solution de dépannage temporaire très pratique a été l'accès internet d'un foyer pendant plus de deux semaines.
Dès lors, fatalement, les 20 GB sont vite atteints, "et la vitesse est passée à 512 Kbps, on le savait". Malgré tout, la connexion reste utilisable et partageable: "On peut tout faire à cette vitesse, même regarder des vidéos, aller sur Netflix, etc", nous assure Elisa. En théorie, cependant, Netflix nécessite une vitesse de connexion de minimum 5 Mbps, donc 5.000 Kbps. Et le surf s'avère normalement très ralenti.
Quoi qu'il en soit, ce n'est qu'après une vingtaine de jours que la famille s'est retrouvée entièrement déconnectée. "La 4G était coupée sur le téléphone. J'ai été voir sur l'application MyOrange (qui permet de voir le statut de son abonnement et de ses consommations, NDLR), et effectivement mon compteur était bloqué à 160 GB".
Elisa en veut à Orange par rapport au manque d'informations: "Ça ne se trouve nulle part", estime-t-elle
Notre jeune témoin de Liège n'en revient pas, et appelle le service clientèle pour avoir des explications. "Les opérateurs que j'ai eus en ligne n'étaient pas au courant. On m'a même traité de menteuse. Ce n'est que lorsque quelqu'un s'est renseigné auprès de son supérieur qu'il m'a dit que oui, en effet, ça pouvait être limité à 160 GB".
Elle ne recevra pas plus d'explication. "J'ai cherché une solution, j'ai demandé qu'on débloque jusqu'au 22 octobre, le jour où leur technicien devait venir chez nous pour installer l'internet fixe. Mais tout ce qu'on m'a proposé, c'est de payer 10€ pour 1 GB supplémentaire". Elisa et son père ont dû le faire à plusieurs reprises. "On a donc eu une énorme facture", déplore-t-elle.
Ce qui exaspère le plus Elisa, c'est que cette limite de 160 GB ne se trouve nulle part: "ni sur le site d'Orange, ni dans le contrat en ligne qu'on a accepté, on a tout regardé pendant des heures". Ce n'est "pas normal, d'autant plus qu'on était sur le point devenir client d'un pack avec internet, TV et deux abonnements mobiles, pour 99€ par mois !".
Après notre intervention, Orange a annulé quelques suppléments...
Que dit l'opérateur Orange ?
Si Elisa n'a pas trouvé d'info précise sur cette limite bien précise, c'est parce qu'il n'y en a pas. Orange s'explique: "Effectivement, il n'y a pas de mention explicite (de limite à 160 GB) dans nos conditions générales", précise le service communication de l'opérateur.
Cependant, dans les conditions générales de l'abonnement Aigle, il est question de certaines limites et de l'interdiction de mettre l'abonnement à disposition d'autres personnes, ce qu'Elisa a fait:
Il faut donc chercher l'explication du côté de la Fair Usage Policy, un concept d'utilisation raisonnable d'un service illimité. Certains diront qu'on joue avec les mots et que c'est un moyen de détourner un slogan commercial, mais tous les opérateurs appliquent la même formule.
Quoi qu'il en soit, Orange précise que "la limite est à 160 GB pour l'instant, mais elle est souvent réévaluée en fonction de la moyenne général". En d'autres termes: les opérateurs mesurent les consommations moyennes de ses clients mobiles, et tolèrent un certain dépassement. "Si un usage s'écarte de manière significative de la moyenne, un système automatique le bloque" au bout d'un moment.
"C'est un outil, un garde-fou pour éviter les abus ou détecter les fraudes: si un compte est piraté et utilisé de manière extraordinaire, alors on le bloquera automatiquement. Ça existe depuis toujours", précise Orange.
Pour trouver une trace écrite de la Fair Usage Policy, il faut ouvrir un PDF sur le site d'Orange: "L'usage qui s’écarte de façon significative des moyennes calculées pour les Clients du Service Orange quant à la fréquence ou à la répartition entre les différents types de connexion (téléphone, transmission de données, SMS, MMS…) ou quant au temps de connexion" est proscrit, peut-on lire à la page 8 de ces Conditions générales d'Orange liées aux abonnements.
Quoi qu'il en soit, est-il encore intellectuellement honnête d'appeler "illimité" un abonnement qui ne l'est vraiment pas ? Ne frôle-t-on pas la publicité mensongère même si l'utilisateur coche la case des conditions générales mentionnant certaines limites ?
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