Ce père de famille a accueilli six migrants, tous candidats à l'asile en Belgique, dans son appartement. Pour démonter les clichés et ouvrir les yeux de ceux qui ne veulent pas voir, il a décidé de raconter son expérience.
"C’est vrai, j’ai accueilli des réfugiés… Et alors ? Je vais vous raconter mon comment du pourquoi", nous a écrit Gauthier, via la page Alertez-nous. Pourquoi ? Pour montrer aux incrédules qu’un réfugié, ça ne mord pas. S’il a accueilli deux hommes pendant une semaine, puis quatre la semaine d'après et encore une famille les jours suivants, il lui a fallu d'abord un peu de temps avant de se décider à s’investir. "Comme chacun, j’ai vu et entendu le ramdam médiatique autour de la crise des migrants. J’avais beau y être sensible, il aura fallu attendre encore quelques semaines avant que mon franc ne tombe". En vérité, il aura fallu une panne de voiture pour que Gauthier ne se résolve à se retrousser les manches.
Le coup de la panne
"Je rentre d’un super week-end à la mer avec mon fils de 4 ans. A 60 kilomètres de la maison, la voiture tombe en panne sur l’autoroute. Suivant les consignes de sécurité, je sors mon fils de la voiture et nous nous plaçons derrière le rail de sécurité. Nous appelons l’assistance qui nous annonce 30 minutes d’attente. Je donne ma veste à mon fils et tente de le distraire tant que possible. Les 30 minutes se transforment en 90 minutes. Les plaintes légitimes de mon fils m’ont mis face à toute mon impuissance. "Papa, j’aime pas attendre. Papa, j’ai faim. Papa, j’ai froid. Papa, je suis fatigué." Ces six heures de mésaventure toute relative m’ont ouvert les yeux par rapport à la chance que j’avais. Le soir même, je me suis inscrit sur la plate-forme belge pour venir en aide aux réfugiés."
Déjà une expérience de l’étranger
Gauthier n’est pas du genre à être gêné par le contact humain, ni par les découvertes culturelles. Il y a une grosse dizaine d’années, il est parti à l’aventure, seul, en Afrique, pendant un an. Une expérience de vie enrichissante qui lui a permis, entre autres, de découvrir d’autres cultures et d’autres religions. "Les personnes que j’ai rencontrées pendant ce périple partageaient le peu qu’ils avaient, toujours avec un énorme sourire ; et sans préjuger de ma religion, de mon niveau social ou de ma culture".
"Vous acceptez d’accueillir des hommes ? Des musulmans ?"
Une fois inscrit sur la plate-forme, Gauthier a attendu avant d’être contacté et de pouvoir effectivement se sentir utile. "Au départ, je m’étais dit que l’infrastructure que je pouvais mettre à disposition conviendrait mieux à une famille. Cela avait aussi quelque chose de plus rassurant. Mais on m’a demandé si j’étais d’accord d’accueillir des hommes seuls, musulmans. Je n’ai pas hésité une seconde et j’ai accepté. J’ai d'abord prêté mon appartement à six hommes, deux pendant une semaine et quatre la suivante. Ensuite, j'ai encore pu accueillir un homme veuf et ses cinq enfants. Dans tous les cas, ce sont de belles rencontres, remplies d’anecdotes."
Gauthier, lui, rentre chez son père
L'appartement de Gauthier n'est pas extensible. Les semaines où il s'est porté volontaire pour accueillir des réfugiés, il leur a tout simplement laissé la place. "J'ai la chance d'avoir un père qui pouvait me fournir une chambre et un lit chaud à chaque fois que je lui ai demandé. Que ce soit avec ou sans mon fils, il pouvait nous recevoir". En procédant ainsi, Gauthier pouvait accueillir plus de gens.
"Ils passent leur temps à dire merci"
La question de la religion, présentée directement par la plate-forme, peut choquer. Et pourtant elle est indispensable. "Cela m’a tout simplement permis de faire le tri dans mon congélateur. Ils ne lisent pas le français, donc pas les étiquettes des produits alimentaires. Pour éviter les mauvaises surprises, j’avais donc mis les produits contenant du porc de côté".
Dans chacun des cas, une constante: "Ils passent leur temps à me dire merci". Les réfugiés sont arrivés à chaque fois accompagnés d’un traducteur. "C’est indispensable pour qu’ils puissent appréhender ce nouvel environnement. J’ai dû leur expliquer une multitude de petites choses qui peuvent paraître futiles, comme le fonctionnement de la machine à café, du lave-linge, du séchoir." Et une technologie courante peut amener quelques surprises: "Quand je leur ai donné le code du WiFi, j’ai vu leurs yeux s’illuminer. C’était tout simplement leur offrir la possibilité d’entrer en contact avec leurs proches."
Des moments d’intimité très forts
Chez Gauthier, le temps d’une semaine, les réfugiés sont chez eux. Il passe tous les jours, tout de même. "Pas pour les surveiller, plutôt pour voir s’ils se débrouillent et s’ils n’ont besoin de rien. Et puis pour discuter…" Malgré les difficultés de communication, ils échangent. "On se débrouille. J’ai quelques rudiments d’arabe, mais on parle surtout avec les mains. J’ai vécu des moments d’intimité très forts avec eux. J’ai vu les stigmates de leur périple. De la fatigue, de la faim, du froid et de la peur. A mesure que leur corps se réchauffe, leur cœur s’ouvre et les émotions montent. Il n’y a plus que de la gratitude et de la reconnaissance dans leurs yeux. Ces personnes sont précieuses…"
Gauthier recommencera
S’il revient quelques semaines en arrière, Gauthier pense aux questions qui l’habitaient à ce moment-là. "Qu’est ce que je risquais, dans le pire des cas ? De retrouver mon appartement vide ? Ce n’est jamais que du matériel. Et loin de là. Après chaque semaine, j’ai retrouvé mon appartement plus propre que quand je leur avais laissé. Si c’est à refaire ? Evidemment. Tant que les expériences sont positives, je ne vois pas pourquoi j’arrêterais. Je n’ai pas l’impression de faire quelque chose d’exceptionnel. Ce n’est pas moi qui ai fait leur voyage, en laissant tout derrière moi. Je ne fais pas ça pour recevoir des félicitations. Eux, ils m’ont déjà dit merci"
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