Selon le pisciculteur et sa famille, c'est une poudre de quartz issue des travaux de la chaussée voisine qui sont responsables de l'hécatombe. S'agissant d'un terrain privé, la commune n'intervient pas.
"Quand je suis arrivé ici, j'ai pleuré", se remémore Guy Vermeiren, 75 ans, rentré de vacances samedi dernier dans sa propriété de Dilbeek qui empestait le poisson pourri. Depuis 2000, l'homme, qui gérait auparavant une petite usine de fabrication de caravanes à Anderlecht, élève de gros poissons d'étang comme des carpes et des koïs dans un immense plan d'eau d'environ un hectare. Mais, samedi, devant lui, plusieurs tonnes de ses poissons flottaient, morts, à la surface. "Quand mes enfants sont arrivés, ils ont pleuré aussi", ajoute Guy avec son accent bruxellois. Lui et son fils ALexandre nous ont prévenus via le bouton orange Alertez-nous. "Nous ne savons pas quoi faire et l’odeur est insoutenable", écrivaient-ils, désemparés, images à l'appui rendant compte du désastre.
"On fait grandir ces poissons pendant 10 à 15 pour qu'ils atteignent un bon poids. Ensuite, ils sont vendus pour de grands lacs comme en Ecosse où il faut qu'il soit suffisamment gros, sinon les silures les dévorent", nous explique Guy. Selon lui, son site de pisciculture était une réussite car il avait un secret: la qualité de son eau due à une vingtaine de sources d'eau fraîche qui alimentent l'étang. "On croit souvent que c'est la taille de l'étang qui détermine la taille que peuvent atteindre les poissons. Mais non, c'est le changement, le déplacement d'eau qui est le plus important", assure le septuagénaire qui précise que les visiteurs sont souvent surpris qu'on puisse voir jusqu'à plus d'un mètre de profondeur dans l'étang tant l'eau est pure et saine. "Il y a des anguilles de plus d'un mètre, de la taille du bras d'un homme. Si elles restent ici, c'est que l'eau est bonne et propre", s'enorgueillit le pisciculteur.
Mais aujourd'hui, tout cela appartient au passé. Tout a basculé brutalement. Vendredi, il n'y avait rien. Samedi, "trois tonnes" de poissons étaient morts. Et ce mardi, quelques jours plus tard, les cadavres ont commencé à couler vers le fond à deux mètres de profondeur de l'étang enveloppé dans une odeur pestilentielle, insupportable, nous a confirmé notre journaliste Guillaume Fraikin qui s'est rendu sur place.
Mais que s'est-il passé ? Guy et sa famille sont convaincus que le chantier de réfection de la chaussée d'à côté est responsable de la catastrophe. "Ils ont cassé la route avec du granit, de la poudre de quartz. C'est pire que l'amiante. Il faut normalement travailler sous eau pour empêcher la poussière de s'envoler. Dans ce but, ils ont utilisé un camion-citerne pour déverser du liquide, un peu comme les tracteurs qui arrosent dans le champ", commence le Bruxellois. Mais cette manoeuvre était largement insuffisante. "Avec le vent, il y a eu des nuages de poussières énormes et ça s'est déposé sur l'eau de l'étang", continue Guy. "Mais aussi sur le maïs de l'agriculteur voisin. Ces feuilles sont blanches, il espère que la pluie éliminera cette poudre", affirme-t-il. Mais à la surface de son étang, cette poudre blanche toxique a fini dans les poissons. "Pour un poisson, ces grains de poussière blancs à la surface, c'est comme des mouchettes, c'est de la nourriture. Les poissons viennent et ils les gobent", explique le pisciculteur qui a observé l'intérieur des carpes mortes. "Il y a comme un yaourt blanc collant", décrit l'indépendant qui a congelé un corps et prélevé la poudre blanche pour de futures analyses.
Lorsqu'il a constaté l'hécatombe, le pisciculteur a appelé la police. Celle-ci est venue sur les lieux. Et c'est elle qui l'a informé qu'il y avait eu des travaux juste à côté. Mais elle est ensuite revenue lundi pour lui indiquer que sa plainte ne serait pas enregistrée, assure Guy. Celui-ci suspecte le bourgmestre, chef de la police, d'avoir fait pression sur la police pour qu'aucun PV ne soit dressé. "Il n'est pas venu voir, il ne veut rien entendre", déplore-t-il. "La commune de Dilbeek fait la sourde oreille et essaie d'étouffer l'affaire ! Pas un seul représentant de la commune n'est encore venu sur place et ce matin, dès les premières heures, des ouvriers sont venus enlever en vitesse les restes de poudre étant encore sur le bord de la route", accuse son fils sur Facebook. "On dirait qu'ils sont occupés à noyer le poisson" en arrive à penser son père. Interrogé par le journal Het Laatste Nieuws, le bourgmestre a indiqué qu'il avait interrogé le responsable du chantier qui a nié toute implication. "Dès lors, c'est la parole de l'un contre l'autre", a-t-il ajouté de manière laconique. S'agissant d'un terrain privé, "la commune ne peut pas prendre l'affaire en main et c'est au propriétaire à prendre l'initiative", a encore déclaré le bourgmestre au journal Het Laatste Nieuws.
Reste qu'une contamination de la Dendre, la rivière voisine, pourrait survenir. En effet, l'étang de Guy est plus haut qu'un ruisseau qui lui-même se jette dans la Dendre. "J'ai une écluse mais ça peut déborder et l'eau peut passer dans le ruisseau", dit-il. Si des poissons mouraient dans la Dendre, les autorités auraient alors obligation d'intervenir car elles ont la responsabilité des cours d'eau. "Ils attendent que tout soit mort pour intervenir", soupire le pisciculteur alors que ses poissons morts sombrent peu à peu au fond de l'eau et que l'odeur nauséabonde ne cesse de s'amplifier.
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