Deux personnes ont contacté la rédaction de RTL info, mais il y aurait des dizaines de victimes. Jusqu'à la veille du prononcé de la faillite, le magasin Electro Huy Meubles acceptait encore des acomptes. Des milliers d'euros se sont évanouis dans la nature. La curatrice incite cependant les victimes à se manifester.
L'économie actuelle est qualifiée d'instable depuis une ou deux décennies. Les bases des modèles qui jadis semblaient inébranlables sont devenues fragiles.
Le commerce de détails est un bon exemple. Au 20e siècle, chaque village avait son magasin de vêtements, son quincaillier, son épicier. Désormais, si on caricature, il reste des H&M, des Brico et des Colruyt, et uniquement dans les villes. Et encore, ces grandes enseignes sont sous pression et doivent régulièrement se restructurer.
Pour l'ameublement, c'est la même chose. Les petits acteurs indépendants font-ils encore le poids face aux mastodontes bien organisés et avec des volumes nettement plus importants ? Pas vraiment, hélas…
Nicolas voulait "faire vivre le commerce local", en achetant sa salle à manger dans un magasin de Huy. Il s'en mord les doigts.
Se fiant à la bonne expérience de sa fille, Murielle a commandé un salon dans le même magasin: elle a fini par en recevoir un, mais pas le bon.
Ils ont contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous pour nous raconter leur déception.
Une salle à manger à 1.000 euros
Pour Nicolas, habitant Andenne (province de Namur), tout a commencé au mois d'août 2019. "J'avais vu pas mal de publicité sur Facebook pour Huy Meubles". Cherchant une nouvelle salle à manger, il se rend dans le magasin et fait son choix. "J'en étais à peu près à 1.000 euros: un table, des chaises, un bahut et une vitrine".
La salle à manger n'était pas de stock, il fallait donc la commander. "J'ai payé l'intégralité directement, j'étais en confiance, c'est un grand magasin. C'était le 6 août et il avait dit 8 semaines, donc j'ai commencé à m'inquiéter fin octobre".
Nicolas n'est pas du genre à se laisser faire. "Il nous a baladés ! Après le délai imparti, je suis allé sur place toutes les semaines, deux fois par semaine ; et je contactais le gérant via Facebook et par téléphone. Il évoquait un problème avec les fournisseurs, puis l'absence du camion, etc… On était dans l'escroquerie pure !"
Hélas, la faillite de la société B24, qui était derrière le magasin Electro Huy Meubles situé Rue Saint-Pierre à Huy, a été prononcée le 18 décembre 2019, comme le prouve sa fiche sur la Banque-Carrefour des Entreprises.
"La veille de la faillite", nous certifie Nicolas, qui se rendait régulièrement dans le magasin pour exiger son dû, "ils acceptaient encore des acomptes, alors qu'ils savaient très bien qu'ils allaient fermer".
"Et il y a des cas plus malheureux que moi, des gens qui ont perdu 3.000 euros", précise notre témoin âgé de 37 ans.
Son argent, il n'aucun espoir de le récupérer. "Le gérant aurait des années de retard au niveau de la TVA et à l'ONSS. Donc je sais que je ne serai jamais indemnisé". Nicolas va tout de même "essayer de porter plainte". Il retient surtout qu'il ne fera plus d'effort pour le commerce local. "On nous dit de ne pas acheter dans les grandes enseignes étrangères, de privilégier le local, et puis voilà… On ne m'y reprendra plus".
Pour Murielle, ce n'est pas le bon salon
Murielle, 46 ans, est originaire de Namur. "Nos beaux-enfants avaient acheté un salon chez Huy Meubles et tout s'était bien passé. La livraison avait été rapide", nous a-t-elle confié. "Donc on y est allé en septembre, et on a choisi, sur place, un salon 2 + 3 places, avec deux relax électriques, c'est surtout ça qui nous plaisait".
La facture s'élevait à 1.400€, "mais je n'avais payé qu'un acompte de 400€, et on nous avait dit qu'il fallait attendre deux mois" (voir bon de commande ci-dessus). Entretemps, "vu que la date arrivait, on a revendu notre ancien salon et on était sur des transats de plage !".
Et comme ça trainait, Murielle a contacté le magasin à plusieurs reprises. "J'ai insisté beaucoup et à la fin, je dois dire, je n'étais plus très gentille". Le 5 décembre, le livreur sonne à la porte. "Je n'ai pas vérifié la cargaison, bien entendu, et j'ai donc payé le solde. Puis en déballant on s'est rendu compte que ce n'était pas le bon salon. Il manquait les deux relax, et on les voulait vraiment. Or on avait deux canapés fixes !".
Dans les jours qui ont suivi, après quelques coups de téléphone et beaucoup de promesses, Murielle a appris la faillite et a compris qu'on ne remplacerait jamais son salon. "On essaie de le revendre, mais ce salon vaut environ 700€ alors qu'on l'a payé 1.400€. Et en plus, on ne trouve pas d'acheteur…"
Test-Achats avait prévenu: "Des pratiques d'escrocs"
Dès les 2 décembre 2019, l'association de protection des consommateurs Test-Achats alertait ses membres. Et les problèmes n'étaient pas nouveaux, visiblement.
"Huy Meubles se rappelle à nous presque tous les mois. Au vu de la politique de fonctionnement de cette entreprise et des plaintes que nous ne cessons d’enregistrer à son encontre, nous ne pouvons que vivement vous conseiller d’éviter Huy Meubles", écrivaient-ils.
Test-Achats a reçu durant plusieurs mois des plaintes de personnes n'ayant pas été livrées, et qui n'avaient aucune réponse quand elles contactaient le magasin.
Dans L'Avenir du 16 décembre, soit deux jours avant le prononcé de la faillite, le gérant évoquait "une grosse erreur de la société qui gère ma comptabilité", qui l'aurait "étouffé au niveau de la TVA et des contributions".
On va prendre chaque dossier individuellement et l'analyser
La curatrice n'a pas encore clôturé le dossier
Quand une entreprise est en faillite, un curateur est nommé pour prendre en main la situation. Dans le cas d'Electro Huy Meubles, il s'agit d'une curatrice, l'avocate Nahéma Mokeddem. "Le dossier n'est pas clôturé, ça peut prendre beaucoup de temps", nous a-t-elle expliqué. Les personnes lésées comme Nicolas et Muriel "sont toujours dans les délais, elles peuvent prendre contact avec moi, en me téléphonant ou en envoyant un email à secretariat@avocatsmokkedem.be" (ou secretariatmokeddem@gmail.com).
La curatrice invite les gens à rassembler les données nécessaires, comme les bons de commande, les preuves de paiement, etc. Les victimes ont-elles une chance d'être remboursées, au vu des circonstances (on sait que l'argent qui est récupéré par le curateur sert d'abord à payer la TVA et l'ONSS) ? "On va prendre chaque dossier individuellement et l'analyser, car il y a beaucoup de catégories de client différentes", nous a-t-elle répondu, laissant entrevoir un maigre espoir.
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