Son histoire est source d’espoir. Atteint d’un cancer, Philippe était condamné. Environ 100 jours à vivre. C’était le terrible pronostic de son oncologue. Grâce à une opération réussie au cerveau, ce père de six enfants a toutefois survécu. Et aujourd’hui, après avoir testé un nouveau médicament pour une étude clinique, il est en rémission complète.
"Il y a trois ans, mon espérance de vie n’était plus que de trois à cinq mois. Aujourd’hui, mon oncologue parle de 10 ans ! Un vrai miracle de la médecine", lance Philippe Maes, le sourire dans la voix. Ce père de famille âgé de 48 ans nous a une nouvelle fois contactés via notre page Alertez-nous pour annoncer cette issue positive inespérée.
Son combat contre la maladie débute en 2010, suite à la découverte d’un mélanome malin en phase avancée. "Mon cancer de la peau est certainement dû à une exposition solaire sans protection. J’ai aussi fait beaucoup de bancs solaires", regrette ce Bruxellois, qui habite dans le Brabant flamand. "Il se répandait sous forme de métastases. A chaque fois, le chirurgien intervenait car elles n’étaient pas situées à des endroits vitaux", ajoute-t-il.
Une opération très délicate au cerveau
Début 2013, le résultat d’un scanner révèle toutefois la présence de deux nouveaux tissus cancéreux dans son cerveau. "Tout s’arrête ! La mort est imminente. Combien ? Quelques semaines, trois à cinq mois tout au plus. C’est ce que mon oncologue m’avait annoncé", se souvient Philippe. Après avoir digéré cette terrible nouvelle, cet homme courageux et optimiste décide d’extérioriser ses craintes, ses douleurs et ses difficultés quotidiennes en tenant une sorte de journal. Afin de partager ce témoignage, il écrit une première fois à notre rédaction.
Un an plus tard, surprise. Philippe nous annonce une bonne nouvelle: il a survécu, grâce à une opération réussie au cerveau. Son état de santé s’était fortement dégradé au printemps 2013. La radiothérapie n’avait pas permis de réduire les deux tumeurs qui se développaient. Ses crises d’épilepsie devenaient de plus en plus spectaculaires. Cette intervention chirurgicale délicate paraissait dès lors inévitable. "Après avoir discuté avec mon médecin et, avec l’accord de mon épouse et de mes six enfants, nous avons pris le risque d’opérer mon cerveau. Les séquelles seront peut-être importantes: perte de mobilité, de vue,... Je me souviens avoir demandé à ne pas vivre comme un légume, si cela devait mal se passer et de ne pas s’acharner", confie le quadragénaire.
L’opération réalisée mi-mai à l’hôpital universitaire UZ Leuven est un véritable succès médical. "Mon cerveau fonctionne bien. J’ai des problèmes d’élocution, de la fatigue, des maux de têtes, des humeurs détestables,… Mais je suis vivant", se réjouissat alors le Bruxellois, qui a l’habitude d’évoquer sa maladie avec légèreté et franchise. Philippe est suivi de près à l’hôpital. "Je tiens d’ailleurs à remercier le personnel soignant du service oncologique pour son amabilité et sa gentillesse", soulignait-il.
Une nouvelle étude clinique prometteuse
Malheureusement, sa maladie ressurgit. Fin juillet 2013, une tumeur cancéreuse est retirée à l’épaule gauche. Un répit de courte durée. Quelques mois plus tard, le sort s’acharne. Une deuxième métastase apparaît dans sa cuisse. En accord avec son médecin, Philippe décide alors de ne pas se faire opérer, mais plutôt de surveiller l’évolution de cette nouvelle "boule".
En décembre 2013, son oncologue lui fait une proposition: intégrer une étude clinique prometteuse et financée par un groupe pharmaceutique américain. Concrètement, le traitement consiste en 35 perfusions intraveineuses d’un nouveau médicament, le MK-3475. Soit une injection toutes les trois semaines pendant deux ans. "Il s’agit d’un médicament qui fait partie de ce que l’on appelle l’immunothérapie, c’est-à-dire que l’on intervient au niveau du système immunitaire du patient. Il y a là les cellules appelées lymphocytes T qui peuvent reconnaître des cellules anormales. Et si elles sont boostées, elles peuvent s’attaquer à des cellules tumorales. Donc, le fameux MK-3475 est un anticorps qui agit sur les lymphocytes T pour les stimuler", explique le docteur Jospeh Kerger, oncologue médical à l’Institut Jules Bordet, un hôpital bruxellois consacré aux maladies cancéreuses.
Alors que la chimiothérapie agit sur les cellules cancéreuses pour éviter leur propagation, l’immunothérapie stimule donc le système de défense du patient pour qu’il puisse aussi attaquer les mauvaises cellules. "Actuellement, deux médicaments de ce type sont en cours de développement: le MK-3475, appelé le pembrolizumab, qui se vend sous le nom de keytruda, et le nivolumab qui devrait s’appeler dans le commerce opdivo", précise le docteur.
"Chose incroyable, je ne sens plus la boule à ma cuisse !"
Après la première injection de ce médicament, Philippe constate déjà une nette amélioration. "Chose incroyable, je ne sens plus la boule à ma cuisse ! Une bonne nouvelle que le scanner confirmera", se rappelle le père de famille.
Deux ans plus tard, en décembre dernier, il reçoit comme prévu sa dernière dose du médicament. Et les résultats sont positifs. "Je suis en rémission complète. Mon médecin m’avait dit que si je tenais jusque 2016, mon espérance de vie augmenterait de 10 ans", se réjouit Philippe. "D’après mon oncologue, ce traitement a un taux de réussite d’environ 40%", ajoute-t-il.
"J’ai moi-même des patients qui ont pris l’un de ces deux médicaments et qui sont en rémission complète, c’est-à-dire que tous les signes de la maladie régressent complètement", révèle le docteur Jospeh Kerger. "Dans les mélanomes métastatiques (ndlr: cancer de la peau en phase avancé), il y a un taux de survie à 5 ans qui est de l’ordre de 30 à 40%. Avec les traitements antérieurs, peu de gens survivaient", précise-t-il.
Ces résultats sont donc très encourageants. D’autant plus que de nouvelles études cliniques ont entre-temps démontrées que ces deux médicaments sont efficaces pour d’autres types de cancers. "Il y a au moins une demi-douzaine d’autres tumeurs, comme le cancer du rein ou de la vessie, qui ont échappé à des traitements de chimiothérapie ou autres et qui répondent aussi à ce genre d’immunothérapie. Cette approche devrait donc fonctionner à l’avenir pour lutter contre différents cancers. Ce qui est donc un apport non-négligeable par rapport à l’arsenal thérapeutique dont nous disposons. Il y a donc un nouveau pilier qui est promis à un bel avenir. C’est tout à fait prometteur", se réjouit le docteur Jospeh Kerger.
Des médicaments déjà vendus aux USA, et chez nous ?
D’après Philippe, les effets secondaires sont en plus quasiment inexistants. "Pour ma part, j’ai juste développé un vitiligo, une décoloration partielle de la peau et des poils. Un signe, selon le toubib, que c’est efficace, même si j’ai l’impression d’avoir pris 10 ans avec mes cheveux tâchés de blanc", confie Philippe. Un ennui davantage d’ordre esthétique que physique. "Globalement, dans 90% des cas, ces traitements quand ils fonctionnent n’ont pas d’effets secondaires. S’il y en a, c’est dû au fait que le système immunitaire stimulé peut parfois se retourner contre nos propres cellules. On appelle ça des phénomènes d’auto-immunité. Il peut y avoir des problèmes digestifs, des crampes ou surtout des diarrhées qu’il faut surveiller et traiter au besoin. Dans ce cas, le traitement doit être interrompu", confirme le spécialiste.
Aujourd’hui, ces deux médicaments ne sont plus en phase d’essai. Ils sont déjà commercialisés et remboursés aux Etats-Unis. "En Belgique, ils sont en attente. Au niveau européen, ils sont enregistrés. Mais chaque pays doit décider du remboursement octroyé", indique le docteur Kerger. "On a eu des nouvelles. J’espère que ce n’est pas un poisson, mais à partir du 1er avril, l’un des deux sera remboursé pour le mélanome", ajoute-t-il.
"Pour moi, l’étude a coûté environ 190.000 euros"
Reste une question importante. Quel est le prix de ce traitement prometteur ? Philippe a fait ses calculs. "Un jour, on m’a dit à l’hôpital qu’une dose du médicament, qui varie en fonction du poids du patient, coûte 5.000 euros. Si vous ajoutez les frais d’hospitalisation, cela revient au total à environ 190.000 euros par an, juste pour moi", indique le quadragénaire. Toutefois, il n’a rien dû débourser puisqu’il participait à une étude. "Je suis comme un cobaye qui n’est pas rétribué mais dont le traitement est payé. En cas de réapparition du cancer, on sort d’ailleurs de l’étude puisque c’est considéré comme un échec", explique-t-il.
D’après l’oncologue Kerger, il est difficile de répondre avec précision à cette question puisque le prix de vente de ces médicaments n’est pas encore fixé en Belgique. "On ne sait pas ce que cela va coûter. Mais par rapport au montant indiqué par votre patient, je peux dire que cela sera au moins ça."
"Je suis content d’avoir aidé à développer cette thérapie"
Pour Philippe, l’avenir semble donc enfin plus rose. D’année en année, si son état reste stable, ses chances de survie grandiront. "Maintenant, j’ai un suivi tous les trimestres pour contrôler si tout va bien. Le prochain scanner est prévu le 18 mars. En tout cas, je suis content d’avoir aidé à développer cette thérapie", indique le Bruxellois, dont le moral est au top.
Pour combler son envie d’activité, il espère pouvoir reprendre son emploi, après avoir obtenu le feu vert du médecin du travail. "J’aimerais recommencer le plus rapidement possible parce que je m’ennuie à la maison. J’ai toujours été un gérant de magasin très actif ", assure Philipe. "J’ai fait plusieurs tentatives de reprise du travail, même à temps partiel. A chaque fois, il y a eu un problème à cause de mon traitement. J’étais trop affaibli. Mais là je suis à nouveau en forme", se réjouit-il. Et ce père de six enfants compte surtout vivre avec intensité tous les moments futurs qu’il pourra partager avec ses proches.
Julie Duynstee
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