Malgré leur enthousiasme, pas mal de jeunes enseignants galèrent pour trouver un emploi stable. Et ils ne sont pas les seuls. Les éducateurs en milieu scolaire sont confrontés à des problèmes similaires. Sam et Stéphanie dénoncent cette réalité difficile. Deux témoignages édifiants.
"Nous sommes début septembre et je suis déjà fatigué psychologiquement. Je ne sais toujours pas comment va se passer mon année. Je reste dans le flou", déplore Sam via notre bouton orange Alertez-nous.
Ce jeune homme est éducateur spécialisé en milieu scolaire. Un métier peu ou mal reconnu qui reste malheureusement précaire selon lui. "Comme les enseignants, nous sommes aussi confrontés à la difficulté de trouver du travail", regrette-t-il.
L’éducateur spécialisé en accompagnement éducatif est un acteur important de l’aide sociale en général. Les secteurs où il peut travailler sont multiples: les écoles, les hôpitaux, les maisons de repos, les structures de l’Aide à la jeunesse, les CPAS, etc. En fonction du lieu choisi, un éducateur peut donc aider des enfants, des adolescents ou des adultes. Le quotidien et les expériences des éducateurs varient donc fortement. Mais leur mission principale reste d’accompagner des personnes en suivant des méthodes et techniques spécifiques.
Sam a donc choisi d’exercer son métier auprès des élèves et de leurs parents. Pendant quatre ans, il a d’abord travaillé en tant qu’éducateur interne dans un internat.
"Chaque année, le moment des désignations est très stressant"
Stéphanie a également suivi cette voie-là. Elle travaille depuis plus de six ans en tant qu’éducatrice interne. "Chaque année, le moment des désignations est très stressant pour les temporaires, les éducateurs non-nommés. Nous ne savons jamais où nous serons désignés, si nous aurons une place à l'année ou un remplacement", souffle-t-elle.
Tous les ans, les candidats à une désignation à titre temporaire doivent en effet postuler pour les emplois à conférer au cours de l’année scolaire suivante. Où, comment et quand postuler ? Les règles sont différentes en fonction du réseau choisi: enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, enseignement officiel subventionné (communes et provinces) et enseignement libre subventionné (catholique et indépendants). Comme un professeur, un éducateur peut poser sa candidature dans plusieurs réseaux simultanément.
Grâce à un nombre de jours déterminé dans une fonction, on peut ensuite décrocher le titre de "temporaire prioritaire". C’est donc l’ancienneté qui joue.
Et puis, le précieux sésame, un poste définitif, est convoité par de nombreux éducateurs. "Pour pouvoir prétendre à une nomination à titre définitif (officiel subventionné) ou un engagement à titre définitif (libre subventionné) en qualité de surveillant – éducateur (ndlr: titre officiel), le candidat doit remplir certaines conditions", souligne le service communication de l’administration générale de l’Enseignement. Il faut notamment être de conduite irréprochable et posséder un titre requis ou jugé suffisant pour exercer une fonction. Comme d’habitude, chaque réseau suit des règles particulières.
"J’ai perdu ma place en internat suite à des soucis de formulaire, ce qui m’a fait rater une nomination qui a été prise par une personne non-diplômée", assure Sam, dépité.
Un diplôme permet-il d’être prioritaire ?
Un diplôme ne permettrait pas d’être prioritaire ? "Les bacheliers éducateurs spécialisés sont clairement privilégiés par la réglementation puisque leur diplôme est le seul à être repris en titre requis pour la fonction d’éducateur. Il s’agissait d’une volonté dans le cadre de la réforme des titres et fonctions de professionnaliser la fonction d’éducateur dans les écoles en réservant cette fonction à des personnes formées spécialement", indique l’administration générale de l’Enseignement.
Par contre, pour les éducateurs d’internat, la logique n’est pas la même. "La fonction est plus ouverte puisqu’on retrouve, en titre requis, différents diplômes, comme les instituteurs, en plus du bachelier éducateur. Concrètement, les éducateurs d’internat sont plus des personnes pouvant avoir différents titres ou profils mais qui acceptent de rester dormir à l’internat pour en assurer la surveillance ou une aide en cas de besoin", précise-t-elle.
Par ailleurs, il y a moins d’opportunités pour les éducateurs internes. En juin 2018, on comptait 4.850 éducateurs et 888 éducateurs d’internat en Fédération Wallonie-Bruxelles.
"Je n’imagine même pas ne plus recevoir un C4 tous les 30 juin"
Après avoir perdu son poste à l’internat, Sam a heureusement directement trouvé un job dans l’enseignement catholique. Il est devenu éducateur dans deux écoles différentes sur une période d’un an. Ensuite, il a décroché une place dans l’enseignement communal.
Même s’il n’a jamais été sans emploi, sa situation reste volatile et peu rassurante. "Je n’ai jamais été au chômage car je suis du genre déterminé quand je cherche du travail. Mais à quel prix ? Tout le temps changer de réseau pour éviter le chômage fait que je perds mon ancienneté (NDLR: pas pour le salaire mais bien pour une éventuelle nomination/engagement) à chaque fois. De ce fait-là, je n’imagine même pas être nommé un jour et ne plus recevoir un C4 tous les 30 juin", déplore l’éducateur.
Les statuts de chaque réseau sont en effet différents. L’ancienneté de service acquise dans un pouvoir organisateur n’est pas valable dans un autre. Un membre du personnel enseignant qui preste des heures par exemple dans une école communale et une école catholique risque donc de ne jamais totaliser assez de jours de service dans un des réseaux pour pouvoir y devenir temporaire prioritaire et espérer accéder ensuite à une nomination.
En revanche, si un éducateur passe d’un réseau à l’autre, cela n’a pas d’incidence sur son ancienneté pécuniaire, qui est reconnue pour l’ensemble de sa carrière.
"Mon syndicat m’a directement dit qu'une erreur avait été commise"
Stéphanie n’est pas plus optimiste. Au-delà de la complexité du système mis en place, elle prétend être victime d’une erreur. "Les désignations sont censées respecter le classement, selon le nombre de candidatures et de jours de travail. Mais il faut savoir que chaque année des erreurs sont commises. Je me trouve actuellement dans cette situation."
Depuis trois ans, elle travaillait toute l’année dans un centre en tant qu’éducatrice interne temporaire. Mais elle a perdu ce poste en septembre. "Une personne nommée a pris ma place. J'étais donc censée être désignée temporairement ailleurs, vu ma position dans ce fameux classement. Mais actuellement je suis toujours sans désignation", assure-t-elle.
Déterminée à faire bouger les choses, Stéphanie a prévenu son syndicat car elle ne parvenait pas à joindre le service compétent des désignations. "Mon syndicat m’a directement dit qu'une erreur avait été commise et qu'il allait faire les démarches auprès des désignations. La date limite du recours est le 5 octobre et une réunion devrait avoir lieu entre les syndicats et les désignations pour trouver des solutions." Selon elle, la solution serait tout simplement d’annuler certaines désignations afin de respecter le classement.
"Les conséquences sont multiples"
Cette situation, même si elle est « réparée », n’est toutefois pas sans conséquences pour elle. "En attendant, je suis retombée au chômage, je perds donc de l’argent. Mes congés payés et ma prime de fin d'année de l'année prochaine seront diminués vu que je n'aurai pas travaillé toute l’année. Je perds aussi des jours de travail. Dans le classement, cela peut me faire perdre plusieurs places. Les répercussions sont donc multiples et je ne suis pas la seule dans le cas. Chaque année il y a des erreurs", souligne l’éducatrice.
De son côté, Sam n’a toujours pas trouvé de job. "Mon épouse est enceinte et pour célébrer cela, je fêterai peut-être ma première fois au chômage", regrette-t-il.
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