Alors que Valérie, l'épouse de Christophe, voulait simplement transférer des données d'un iPhone vers un autre, elle est ressortie, sans le savoir (mais en signant sur une tablette…) affirme-t-elle, avec une liste exhaustive d'abonnement en tout genre. Les magasins Switch minimisent le problème et parlent d'un cas isolé.
Il y a quelques mois, nous évoquions l'histoire de Vanessa, abonnée à son insu à des services parfois étranges, alors qu'elle allait simplement faire réparer son téléphone dans un magasin Switch (revendeur certifié de produits Apple). Les méthodes n'ont pas tout à fait changé, selon Christophe qui a contacté la rédaction de RTL INFO via le bouton orange Alertez-nous. "On n'a jamais parlé de contrat payant à ma femme", assure-t-il. Or, elle s'est retrouvée abonnée "à Celside, Hubside et Cyrana pour plusieurs milliers d'euros par an !".
Le problème est toujours le même: une entreprise française spécialisée dans les abonnements en tout genre, a racheté Switch (voir plus bas) et tente d'y vendre tous ses services, même s'ils n'ont pas toujours un lien avec l'activité de Switch.
Pour un transfert de données entre smartphone: un beau geste du vendeur…
Tout a commencé par un geste commercial de la part d'un vendeur Switch. "Mon épouse s'est rendue dans un magasin Switch, celui situé dans le centre commercial 'Les Grands Prés' à Mons. C'était pour un transfert de données, entre son téléphone et celui de ma fille âgée de 11 ans".
Pour un professionnel ou un habitué, un tel transfert est l'histoire de quelques minutes. "Après, mon épouse, bien honnête, a demandé combien elle devait. Le vendeur lui dit: 'Ah non, rien du tout, c'est gratuit'. Bon, très bien", explique Christophe.
Sur une tablette, quand on vous montre uniquement la zone à signer, c'est compliqué
Il se présente avec trois contrats à signer
Habile, le vendeur, qui vient de rendre un service gratuit, revient à la charge. "Quelques secondes après, il s'est présenté près de mon épouse en sollicitant trois signatures sur une tablette. Mon épouse, croyant qu'elle signait pour le service, pour ce qui venait d'être fait en boutique, a obtempéré, de bonne foi. Elle n'a pas eu le temps de lire quoi que ce soit. Le vendeur insistait, en disant que c'était gratuit. Il n'a jamais parlé d'aucun des produits des partenaires en question. Et effectivement, on ne lui a rien demandé sur le moment comme argent".
Christophe reconnait que son épouse a "sans doute fait preuve de naïveté" en donnant son numéro de compte en banque, et en ne faisant pas assez attention à ce qu'elle signait ("mais sur une tablette, quand on vous montre uniquement la zone à signer, c'est compliqué").
Trois abonnements, de nombreuses options: 356€ par mois !
Quand on signe un contrat sans le regarder, et qu'on a donné son numéro de compte, on peut effectivement être taxé d'imprudence. Mais regardons dans le détail ce que le vendeur a fait signer à la femme de Christophe, qui nous a fait parvenir les contrats. Il faut s'accrocher…
Cyrana (ou Switch Club by Cyrana). C'est un peu flou mais, à la base, c'est un programme de fidélité. Vous payez un abonnement mensuel (entre 10 et… 100€ !), qui vous permet d'obtenir des réductions lors de vos achats, et d'autres avantages. C'est un peu alambiqué car la réduction n'est pas directe: elle passe par des cashback que l'on cumule, en achetant sur les sites des boutiques partenaires à partir d'un lien de Cyrana. Puis il faut réclamer ces cashbacks et attendre un virement bancaire. Il y a également des cadeaux si on reste fidèle au programme. Bien entendu, l'épouse de Christophe avait signé sans le savoir l'abonnement à 100€. Pire: venu de nulle part, une option 'Pack 100 photos' à 20€ par mois a été ajoutée au contrat, permettant d'imprimer 100 photos par mois via un site français. TOTAL: 120€/mois. Il faut déjà consommer et acheter beaucoup de choses tous les mois pour entrevoir une lueur de rentabilité…
Hubside. Assez incompréhensible de faire signer ça à une mère de famille de 40 ans dont on ignore le métier: il s'agit d'un abonnement mensuel mélangeant un nom de domaine (site web à créer soi-même sur base de modèle, adresses email, etc.), un abonnement 'musique en ligne' (lequel ?), des vidéos à la demande, du cloud gaming (il faut téléphoner chaque mois pour le réactiver !), 200 tirages photos (encore !) et divers cadeaux. Le contrat souscrit était le plus élevé: la formule Intensiv'+ dont les détails n'existent même pas sur le site web de Hubside. Cout: 100€/mois.
Celside. C'est le seul produit qui ait un pu de sens pour Valérie (et encore, elle n'a pas acheté de nouveau smartphone, simplement effectuer un transfert de données), car il s'agit d'une assurance smartphone. Enfin, à la base. Car le vendeur a rajouté toutes les options possibles et imaginables (extensions de garantie, accessoires couverts, service d'échange et rachat du smartphone, antivirus, 200 photos - ça fait 500 au total par mois !, musique en ligne (un 2e…), etc… Total: 136€/mois.
Il est probable que le vendeur a coché toutes les cases de tous les contrats, a demandé un email et un numéro de compte de banque, puis a présenté une tablette ou apparaissait juste le champs 'signature' à l'épouse de Christophe (qui rappelons-le, n'aurait pas du signer). Toujours est-il que 356€ d'abonnement par mois, ça fait 4.272€ par an…
L'économie de l'abonnement caricaturée
Tous ces abonnements sont autant de variantes des services et abonnements proposés par Indexia Group, le nouveau nom de SFAM, l'entreprise française qui a racheté le groupe belge Switch, en grande difficulté financière en 2020 (voir explication dans notre précédent article).
Un rachat qui ne tenait pas uniquement au modèle de distribution de produits Apple et d'accessoires (on sait que le modèle est de moins en moins rentable): les magasins Switch, revendeurs Apple certifiés, sont sans doute "obligés" de proposer tout ce que vend Indexia Group, qui se présente comme "le leader en Europe de l’assurance affinitaire, de la conception et de la distribution de services destinés à la téléphonie mobile, au multimédia et au web". Et vous l'avez vu, il y a des choses assez exotiques.
L'entreprise surfe bien sur la tendance de l'économie de l'abonnement, qui plait à de plus en plus de monde (Spotify plutôt que les CD, Netflix plutôt que les DVD, etc…). Mais elle a un fâcheuse tendance à aller trop loin, à la caricaturer.
Si des écarts ont pu être constatés en début d’année, ils sont restés isolés
Que disent les magasins Switch ?
Nous avons posé quelques questions au nouveau responsable des magasins Switch en Belgique. Son prédécesseur, qui a cédé son entreprise à la SFAM en 2020, avait reconnu le problème dans notre article datant du début de l'année 2021: "Je ne vais pas tourner autour du pot, il y a eu des dérives dans le comportement commercial", nous avait confié Thierry Janssen. Il entendait y remédier "via des formations qui sont données au personnel, et même des mystery shoppers", car il se rendait bien compte que "ces dérives ont lieu dans un magasin Switch, même si ça n'est pas un produit Switch, et ce sont des dégâts collatéraux en termes d'image".
Qu'en est-il aujourd'hui ? Du côté de l'actuelle direction des magasins Switch, on minimise la situation. "Si des écarts ont pu être constatés en début d’année, ils sont restés isolés. Nous avons pris en main le sujet en appliquant les mesures qui s’imposaient afin de les corriger. Ainsi, nous avons renforcé la formation des vendeurs en boutique et les process afin de mieux contrôler la qualité des ventes et de clarifier les informations apportées aux clients. En parallèle, nous avons organisé l’intervention de mystery shoppers ponctuellement pour identifier plus précisément les points à améliorer au sein du parcours client", nous a-t-on expliqué. Le cas de Christophe et de son épouse serait donc isolé.
Quant aux innombrables services, abonnements et options proposés, dont peu semblent pertinents pour le grand public, ce serait un choix stratégique, et non une contrainte venant du nouveau propriétaire. "Au-delà de la vente de smartphone, objets multimédias et connectés, le réseau Switch a fait le choix de diversifier ses activités en enrichissant sa gamme par le biais de services complémentaires" qui, selon Switch (nous émettons de gros doutes au-delà de la simple assurance casse/vol/perte smartphone), "répondent aux attentes de nos clients aujourd’hui".
Christophe a tout annulé à temps: 43€ de recommandé !
L'histoire se termine bien, a priori. "Sur chacun des contrats, il était question d'une gratuité d'un mois, et de la possibilité de résiliation". Bien entendu, "ça a demandé un peu de temps, mais je travaille dans l'administration fédérale, donc ce n'est pas quelque chose d'inconnu pour moi", nous explique Christophe, qui s'en est occupé.
"Je me suis empressé de rédiger différents courriers à l'attention des différents intervenants. J'ai travaillé aussi bien par téléphone que par envoi recommandé avec accusé de réception. Je voulais un papier avec une valeur juridique en cas de problème, car les montants en jeu sont importants. J'ai en même temps déposé une plainte chez Switch, ainsi que sur pointdecontact.be", un site du SPF Economie où l'on peut signaler les arnaques ou tromperies.
Coût de l'opération pour tout annuler de la manière la plus prudente: "un peu plus de 43 euros tout de même. Toute cette histoire nous aura finalement coûté de l'argent". En espérant que les contrats soient effectivement tous annulés…
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