Rachetée par un investisseur français en 2020, la société belge en a profité pour élargir ses sources de revenus, au-delà des maigres marges qu'elle dégage sur les iPhone et les Mac. Mais certains clients déplorent la manière avec laquelle certains types d'abonnements sont vendus en magasin. Le patron s'explique mais reconnait "des dérives".
On le sait, le monde de la distribution est sous pression depuis plusieurs années. L'un des secteurs les plus touchés, c'est la vente de petits appareils électroniques, facilement livrables. La concurrence avec l'e-commerce est féroce. Switch, qui est la plus grande chaîne de 'Apple Premium Resellers' en Belgique, fait partie des victimes. Ces magasins sont les principaux 'revendeurs agréés' de la célèbre marque américaine qui commercialisent des iPhone et des Mac. En quelques années, les bénéfices ont fondu et des alliances malheureuses ont été conclues: les dettes se sont accumulées.
En 2020, l'entreprise a été rachetée par SFAM, une entreprise française. Une bonne nouvelle pour Switch, comme nous l'explique plus bas son patron. Mais ce rachat explique aussi la frustration de certains clients, et les messages de plainte reçus à la rédaction de RTL info ces dernières semaines. En cause: la vente, "forcée" selon des clients qui nous ont contactés, d'étranges abonnements.
Mon fils va changer la vitre de son iPhone, il repart avec deux contrats à 44€/mois
"Grosse arnaque au magasin Switch au Bastion à Tournai. Ils vendent des contrats qui n’ont absolument rien à voir avec Apple. Mon beau-fils va pour changer l’écran de protection de son iPhone et repart avec deux contrats, il va devoir payer 2 x 44,00€ par mois or il est encore étudiant sans revenu fixe. Scandaleux !", nous a écrit Vanessa via le bouton orange Alertez-nous.
Au magasin Switch de Liège (Belle-Ile), Christophe a été acheté un iPhone le 17 décembre dernier. "Des vendeurs m’ont manipulé pendant 20 minutes de telle sorte qu’au final, j’ai signé trois contrats de manière numérique (sur une tablette non désinfectée), et trois domiciliations ont été créées sans que je ne puisse relire quoi que ce soit", décrit Christophe. Il a signé sans vraiment le savoir "des contrats pour une assurance (Celside), pour une carte privilège (Cyrana) et pour un site internet à vie (Hubside)". Montant total des abonnements après les premiers mois offerts: 115€/mois ! Notre témoin, qui a annulé le plus rapidement possible ces abonnements et espère ne pas être débité, sait qu'il est en tort: "Je n'aurais pas du signer, mais de telles ventes forcées nuisent à l'image du centre commercial et à celle d'Apple", estime-t-il :
(©RTL INFO)
Géraldine s'engage pour 70€ par mois sans le savoir
Une habitante de la région bruxelloise nous a donné plus de détails sur les méthodes de vente. "J'ai été remplacer la vitre de protection de mon téléphone, au magasin Switch de Woluwe-Saint-Lambert. Tout s'est bien passé. Une semaine plus tard, la boutique me téléphone en disant que j'ai gagné une batterie externe, que je peux venir chercher en magasin, pour me remercier de mes 'achats'. En même temps, parce que soi-disant j'avais été tirée au sort, elle me dit que j'ai aussi droit à une carte privilège, entièrement gratuite, qui me fera bénéficier de 30% de cash back dans plein de boutiques en ligne (Brico, Etam, etc.), et que je dois en profiter vu le confinement qui s'annonce", nous explique cette habitante de Woluwe âgée de 31 ans.
D'habitude méfiante, Géraldine se laisse convaincre. "Quand j'ai signé sur la tablette, où on ne voyait pas bien le contrat, je lui ai demandé si je m'engageais. C'est à ce moment-là qu'elle m'a dit que ce serait payant après le premier mois gratuit, mais que j'avais 30 jours pour résilier l'abonnement d'un an. Je devais simplement téléphoner ou envoyer un courrier". La vendeuse était "très maligne, elle m'a bien eue". En rentrant chez elle, Géraldine se renseigne sur Cyrana: "Je découvre qu'elle m'a mis le plus gros abonnement à 45 euros par mois, avec plein d'options, et que beaucoup de gens se plaignent d'avoir perdu 400 ou 500 euros car ils ont oublié de se désabonner". Notre témoin n'avait pas remarqué que le contrat signé contenait une domiciliation bancaire, permettant à Cyrana de prélever l'argent tous les mois. "La vendeuse m'avait demandé mon numéro de compte en disant que c'était pour le remboursement des cash back":
(©RTL INFO)
En analysant le contrat signé par Géraldine, on remarque que les options Evasion (5€ par mois) et Pack Photos (20€ par mois) ont été ajoutées. Montant total des abonnements signés: 70€ par mois !
Notre témoin a appelé le numéro de Cyrana, où elle a pu faire résilier ses abonnements. Mais elle est également retournée au magasin Switch. "J'étais avec mon mari, et j'ai un peu fait un scandale dans le magasin. Le gérant a fini par accepter d'appeler Cyrana devant moi pour confirmer l'annulation de l'abonnement. Il n'était pas content, il disait que ce n'était pas une arnaque", dit Géraldine. Elle estime que c'en est une au niveau de la manière de présenter et faire signer les contrats, et parce que "les utilisateurs disent sur les réseaux sociaux que les cash back, ils ne les reçoivent jamais". Informations que nous n'avons pas pu vérifier.
Que disent les magasins Switch ?
Nous avons contacté celui qui est resté le patron des magasins Switch malgré le rachat, Thierry Janssen. Il confirme que "2020 a été une année mouvementée. Switch était en difficultés financières et a été placée en procédure de redressement judiciaire. Le tribunal de l'entreprise d'Anvers a adjugé l'entreprise à un repreneur, qui est un groupe français, SFAM, qui est devenu l'actionnaire principal et unique de la société Switch". Une solution qui a permis de "sauver 230 emplois environ", même si "on est passé de 28 à 21 magasins".
SFAM est une entreprise active depuis de nombreuses années au niveau… des assurances pour smartphones et produits mobiles. Une activité devenue visiblement si rentable qu'elle a permis le rachat de magasins qui sont, précisément, le meilleur endroit pour convaincre quelqu'un de souscrire à une assurance. Effectivement, ces produits d'assurance (qui existent sous le nom commercial de Celside en Belgique) ne peuvent être souscrits que via des 'distributeurs' comme, par exemple, les magasins Switch dans le cas qui nous occupe aujourd'hui. Mais SFAM est également derrière les abonnements mensuels Cyrana et Hubside, qui n'ont rien à voir avec le monde de l'assurance. Cyrana est une carte de "privilèges" shopping sous forme de cash back et de bons de réduction ; Hubside est un site web à concevoir soi-même, sur base de modèles.
Le rachat était-il donc accompagné d'une obligation de (proposition) de vente des services SFAM ? "Tout d'abord, il faut savoir que si la société Switch était en procédure de redressement judiciaire, ce n'est pas pour rien. Nous sommes un APR, un Apple Premium Reseller. On est un mini Apple Store, et Apple veut donc que l'expérience client soit d'un certain niveau. On est également mono-marque: nous ne vendons que des produits Apple, contrairement à MediaMarkt, par exemple, qui vend de tout". Ce concept a un gros défaut: les marges sur les produits Apple sont faibles, or il faut de beaux magasins dans de beaux endroits. "Nous sommes donc condamnés à aller chercher des marges supplémentaires dans les accessoires ou les protections d'écran", et ailleurs. "Le repreneur (SFAM) s'est dit, et je partage son point de vue, qu'il fallait vendre davantage de services pour habiller un produit".
Ce qui explique donc les propositions de vente des assurances, des cartes privilèges et des sites web personnels. Thierry Janssen estime que ces propositions ont du sens pour le client, tout en admettant que certaines d'entre elles ne s'adressent pas à tout le monde.
Les brochures reçues par un témoin après signature (©RTL INFO)
"Il y a eu des dérives"
Honnête et transparent, la patron belge reconnait également certains problèmes dans les pratiques commerciales. Il les attribue au fait que lors de la réouverture, à la moitié du mois de mai 2020, en pleine sortie de confinement, "il y avait dans nos magasins du personnel qui n'était absolument pas formé, car on a reçu des renforts de France". Il s'agissait d'employés "qui connaissaient les produits SFAM, mais pas les produits Apple". Le patron des magasins Switch est clair: "Je ne vais pas tourner autour du pot, il y a eu des dérives dans le comportement commercial". Il entend y remédier "via des formations qui sont données au personnel, et même des mystery shoppers", car il se rend bien compte que "ces dérives ont lieu dans un magasin Switch, même si ça n'est pas un produit Switch, et ce sont des dégâts collatéraux en terme d'image".
Quant aux abonnements, que certains considèrent comme des arnaques, "c'est nouveau pour nous, et on va demander aux vendeurs qu'ils présentent le produit, mais pas qu'ils poussent à la vente d'une carte privilège à une mamy de 80 ans qui achète un iPhone tous les 8 ans".
Conclusion
Pour répondre à la question du titre de cet article, "Switch pousse-t-il ses clients à signer des abonnements indésirables?", la réponse doit être nuancée. Oui, il y a (eu) des méthodes de ventes très douteuses dans certains magasins, et le patron de Switch promet d'y remédier. Mais non, ces abonnements ne sont pas à proprement parler des arnaques: même si l'intérêt de la carte privilège Cyrana et du site web Hubside est très discutable, celui d'une assurance pour smartphone/ordinateur ne l'est pas.
Enfin, n'oublions pas que Géraldine et les autres témoins n'ont jamais été contraints de signer, et que sur leur contrat figurent en toutes lettres le prix et la durée de l'engagement.
Rappel essentiel: ne signez jamais de tels contrats d'abonnement lorsque vous discutez physiquement avec un vendeur. Perspicace, il peut créer une sorte de pression psychologique que certains supportent mal, les poussant à signer tout et n'importe quoi. Dites-lui que vous reprenez le contrat chez vous pour le lire entièrement et l'analyser, et que si ça vous convient, vous reviendrez le voir.
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