Une nouvelle grève chez bpost a perturbé il y a quelques semaines la distribution du courrier. Jean-François, patron d’une PME en région liégeoise, s’est ainsi à nouveau retrouvé dans une situation préoccupante. Ses clients n’ont pas été livrés dans les délais. Pour cet indépendant, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
"Les grèves sont à répétition. Personne ne réagit. C’est fatiguant. Ce genre de comportement doit être dénoncé", lance Jean-François, manifestement excédé. Suite au dernier mouvement de grève au centre de tri de Charleroi X à Fleurus, les 23 et 24 septembre dernier, ce jeune entrepreneur a pris contact avec notre rédaction via la page Alertez-nous pour dénoncer les conséquences de ces actions de grogne chez bpost et surtout la façon dont communique la société avec ses clients. "On parle du nombre de faillite sans cesse croissant, de la difficulté de trouver un emploi. Mais voilà un élément qui n'est jamais mis en avant et qui est une cause de gros soucis pour nous entrepreneurs", déplore-t-il.
A 36 ans, Jean-François est le responsable d’une petite société de production de badges à épingle personnalisables située à Modave, sur les hauteurs de Huy. Via un site internet, les clients passent en général commande pour des événements bien spécifiques, comme des festivals, des manifestations ou des mariages. "Le délai est souvent très court. Il y a deux ans, nous avons donc conclu un contrat avec bpost pour distribuer nos colis en 24h", indique le trentenaire, qui emploie deux personnes. Les paquets sont donc supposés être livrés le jour ouvrable suivant leur dépôt. Pour éviter les intermédiaires, Jean-François dépose souvent ses colis directement au centre de tri de Liège, où ils sont scannés et payés avant d’être triés et expédiés vers les destinataires.
"J’ai perdu une dizaine de clients fâchés et j’ai dû en rembourser plusieurs"
"Nous avons choisi de travailler avec bpost pour ses tarifs avantageux et parce qu’il s’agit d’une société belge. Mais le service offert est médiocre", regrette le jeune patron d’entreprise. Ce qui lui pose problème, c’est le non-respect du délai de livraison. "Soit à cause d’erreurs. Un colis peut être envoyé dans un mauvais centre de tri. Du coup, cela engendre du retard. Mais ce sont surtout les mouvements de grève qui posent des soucis. Il y en a sans cesse. Et ils bloquent tout. Si une action a lieu au centre de tri de Charleroi, le travail n’est pas effectué à Liège puisque les colis ne transitent pas. C’est un cercle vicieux", déplore Jean-François.
Cette perturbation dans la distribution du courrier et des colis a des répercussions importantes sur sa société. "Suite au mouvement de grève à Fleurus, je me suis trouvé à nouveau dans une situation terriblement délicate. Mes clients n’ont pas pu être livrés à temps. Or, derrière ce colis, il y a la valeur des fournitures, les heures de travail d'un employé, la confiance d'un client. Ces derniers mois, j’ai perdu une dizaine de clients fâchés et j’ai dû en rembourser plusieurs", affirme l’indépendant. "Pour les mariages, vous imaginez bien que si les badges n’arrivent pas à temps, cela ne sert à rien. Or, c’est censé être le plus beau jour de leur vie. Du coup, quand c’est possible, on essaye d’en reproduire en urgence et de se débrouiller pour les livrer. Mais c’est une perte d’argent et de temps pour nous", regrette le trentenaire.
Un dédommagement de bpost est prévu: "J’ai tellement de dossiers de dédommagement ouverts que je n’ai pas le temps de les traiter"
De son côté, en tant qu’expéditeur, il peut également se faire dédommager dans plusieurs cas de figure. "Un remboursement est octroyé à concurrence de la totalité des frais d’envoi si le paquet est perdu ou endommagé. Si le délai de livraison n’est pas respecté, le dommage subi doit être démontré. Et on fait alors un geste commercial qui n’est pas standard", indique Baudouin de Hepcée, porte-parole de bpost.
"Pour se faire rembourser, il faut constituer tout un dossier. Les preuves de payement mais aussi l’appui du client. Celui-ci doit fournir la preuve que la livraison n’est pas arrivée à temps. Pour chaque colis qui n'est pas livré dans les délais, bpost me propose un remboursement de 0,42 € htva, quelle que soit la valeur du colis. Et je peux vous dire que cela arrive très souvent. J’ai tellement de dossiers ouverts que je n’ai pas le temps de les traiter", assure le jeune entrepreneur. Par contre, les pertes ne sont pas fréquentes, d’après lui. "Si un colis est perdu, la marchandise est également perdue puisque c’est un usage unique. Mais cela n’arrive pas souvent."
Récupérer un colis: une fois qu'il n'est plus au dépôt, "c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin"
Pour faciliter les choses, Jean-François aimerait pouvoir récupérer ses colis bloqués. Grâce au service track and trace, il peut en effet suivre en ligne ses paquets. S’il détecte un souci, il contacte alors immédiatement le service clientèle de bpost.
"Une fois mon colis déposé dans leur réseau de distribution, il m'est visiblement impossible de le récupérer. J'ai beau appeler pour tenter de trouver une solution, impossible. Il ne faut pas interdire les grèves mais ce n’est pas normal de séquestrer des colis qui ne leur appartiennent pas", estime le jeune indépendant."Il n’est pas interdit de reprendre un colis, mais cela dépend où il se situe. S’il se trouve toujours au dépôt, c’est possible de le récupérer. Mais s’il est déjà parti dans le réseau de production, c’est très compliqué de le retrouver parmi les 114.000 paquets à distribuer par jour. C’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. En plus, cela nécessiterait la mobilisation de nombreux travailleurs. Au niveau opérationnel, c’est donc difficile. Surtout si tous nos clients nous le demandaient", souligne le porte-parole de bpost.
Contact avec le service clientèle de bpost: "Ils ne cherchent pas à trouver une solution"
Ce que déplore surtout Jean-François, c’est la façon dont la société répond à ses doléances."On en a surtout marre de la mauvaise communication. Les conversations sont froides et violentes parce qu’ils ne cherchent pas à trouver de solution. Quand on les appelle, on se retrouve face à un mur. Ils nous raccrochent au nez, se moquent de nous ou nous insultent. C’est affolant", soutient le trentenaire.
"Je n’ai jamais reçu d’avertissements concernant des grèves"
Une autre solution prônée par le jeune patron serait de pouvoir être averti des actions de grogne, afin de trouver à temps d’autres moyens de distribution."Je n’ai jamais reçu d’avertissements concernant des grèves. Mercredi dernier, j’ai par exemple déposé en fin d’après-midi à Liège mes colis qui ont été réceptionnés avec un grand sourire. Or, ils savaient très bien qu’une action de grogne allait débuter le soir même à Charleroi puisqu’ils n’ont même pas scanné mes paquets. Et ils ne m’ont rien dit ! En plus, ce mouvement de grève a duré plusieurs jours", dénonce Jean-François.
"Le centre de tri de Liège n’est pas forcément au courant d’un mouvement spontané débuté par l’équipe du soir à Charleroi", soutient de son côté Baudouin de Hepcée, porte-parole de bpost ."En cas de grève sauvage, ce n’est pas possible pour nous d’avertir nos clients. Mais si nous sommes au courant, on essaye de les informer le plus rapidement possible", assure le porte-parole.
Un nouveau contrat avec une société concurrente ?
En tout cas, une chose est sûre. Aujourd’hui, cette situation commence sérieusement à irriter Jean-François."Pour nous assurer une trésorerie permanente, nous demandons à nos clients de payer à l’avance. En échange, nous devons assurer une livraison dans les délais. Mais comme bpost ne fait pas son travail, c’est nous qui en subissons les conséquences. Je dois rendre des comptes à mes clients pour une erreur qui n'est pas la nôtre. C’est tellement frustrant", fustige le trentenaire.
Et au final, c’est l’avenir de son entreprise qui est en jeu. "Quand on a créé la société il y a plus de trois ans, on ne s’attendait pas à un tel succès. Et on n’a pas envie de se faire écraser par une situation pareille."
Pour éviter de perdre de nouveaux clients, le patron envisage d’ailleurs de changer d’opérateur et de partir à la concurrence. "Pour être honnête, j’ai un nouveau contrat sur mon bureau avec la société néerlandaise GLS qui n’attend que quelques signatures", avoue-t-il. Reste à voir comment le service commercial de bpost, prévenu par nos soins, va réagir face à cette insatisfaction manifeste. Jusqu'à présent, Jean-François nous l'assure: la société n'a toujours rien entrepris pour tenter de le convaincre de rester.
Julie Duynstee
Vos commentaires