Cette dame se défend en deux points contre sa sanction. Premièrement, elle a l'impression que les agents punissent des personnes qui ne présentent pas de danger. Deuxièmement, elle a retrouvé un article de 2012 contenant une interview de l'échevine de la Propreté publique à Bruxelles. Face à sa défense, nous avons collecté la contre-argumentation des autorités publiques.
Bruxelles fait régulièrement l'objet de critiques pour sa saleté. La capitale de notre pays, capitale européenne rappelons-le, n'est effectivement pas un modèle de propreté. Depuis plusieurs années cependant, les autorités publiques ont intensifié la lutte contre les incivilités comme les jets de papiers, de canettes ou encore de mégots. Ces derniers constituent en effet une véritable plaie pour la nature en général (deux ans pour se dégrader sur terre et cinq pour se désagréger en mer) et pour la plupart des grandes villes du monde en particulier. Elles sont nombreuses à durcir la lutte. Ainsi, à Paris où 350 tonnes de mégots sont ramassés chaque année selon le quotidien Le Figaro, 30.000 poubelles spéciales pour écraser ses cigarettes sont en train d'être installées tandis que le montant du PV a été quasi doublé, passant de 35 à 68 euros. Même tendance à davantage de sévérité chez nous. En Wallonie, l'amende a été portée de 50 à 100 euros au printemps dernier. Et à Bruxelles, au début du mois d'août, Pascale a reçu un courrier du service des sanctions administratives de la commune d'Ixelles qui l'avertissait qu'elle pourrait se voir imposer une amende administrative pouvant aller jusqu'à 350 euros parce qu'elle avait jeté son mégot de cigarette dans l'égout un jour de juin 2015. Cet acte, repéré par un agent constatateur de la commune, constitue une infraction à l'article 6 du règlement de police qui déclare qu'il "est interdit de souiller de quelque manière que ce soit (...) tout endroit de l’espace public. Sont notamment visés l’abandon ou le jet de mégots de cigarettes".
Sanctionnée par le manque de courage des agents ?
Comme elle en a le droit, Pascale s'est défendue par courrier auprès du Fonctionnaire Sanctionnateur de la commune. Mais elle a aussi décidé de s'expliquer auprès de notre rédaction via la page Alertez-nous. Elle nous a exposé sa défense en deux points. Le premier consiste en l'éternelle question de savoir pourquoi on est sanctionné pour un geste que tant d'autres font. Parfois juste à côté. "Les agents constatateurs verbalisent une femme qui jette son mégot dans l'égout alors que le trottoir en est jonché et que quelques dizaines de mètres plus loin un énorme chantier avec je ne sais combien d'ouvriers prennent les voiries pour des poubelles", nous a-t-elle écrit, insinuant que les agents ne voulaient pas prendre de risques en préférant une femme seule à un groupe d'hommes. À cette observation, le Fonctionnaire a rétorqué que les agents faisaient leur métier et que ce n'était pas "aisé". "Ne croyez pas que les agents de terrains ne s'attaquent qu'à des 'proies faciles', loin de là", a-t-il assuré.
Le règlement a changé: la bouche d'égout n'est pas un cendrier
Le deuxième élément réside dans le lieu, c'est-à-dire la bouche d'égout. Sans doute en faisant une recherche internet, Pascale a trouvé un article intéressant pour son affaire. Paru en 2012 sur le site e-Ris qui publie le fruit des travaux des étudiants en dernière année de journalisme à l'ULB (Université Libre de Bruxelles), l'article intitulé "Croisade contre les incivilités à Bruxelles" est construit autour d'un entretien avec Karine Lalieux, l'échevine de la Propreté publique de la Ville de Bruxelles. Sur le problème des mégots, l'élue socialiste rejette l'idée de poser du mobilier urbain en plus pour les fumeurs (comme Paris est en train de le faire). Pour cela, elle invoque la présence de nombreuses poubelles en fonte sur lesquelles les fumeurs peuvent écraser leurs cigarettes, ainsi que de plus en plus de cendriers installés par les cafetiers et restaurateurs devant leur établissement. Et elle ajoute cette phrase qui a retenu l'attention de Pascale: "On peut aussi jeter son mégot dans l'égout."
Etant donné que Bruxelles-Ville et Ixelles ont le même règlement de police, la contrevenante ne voit donc pas pourquoi elle paierait une amende pour un geste que l'échevine elle-même promeut!
Mais le Fonctionnaire sanctionnateur ne laisse pas la place au moindre doute: "L'article 1 du règlement prévoit une définition de l'espace public et les bouches d'égouts en font parties", répond-il à Pascale. Qui a raison ? Le fonctionnaire ou la responsable politique? Nous avons contacté le cabinet de Karine Lalieux afin d'obtenir un éclaircissement. De sa réponse, particulièrement brève, on en a déduit que tous les deux avaient raison. Le cabinet nous a informés que le règlement de police avait changé en 2012, soit l'année de l'interview. On suppose donc que la modification du règlement a entraîné l'interdiction de balancer son mégot dans la bouche d'égout, rendant périmés les propos de l'échevine.
À terme, un même règlement de police devrait prévaloir dans l'ensemble des 19 communes de la région bruxelloise. Et il ne fait aucun doute que l'harmonisation ira dans le sens d'une répression plus sévère contre les jets de mégots. L'époque des anciens propos de Karine Lalieux auxquels s'est accroché Pascale s'éloignera alors encore un peu plus.
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