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Neuf mois pour faire expulser un mauvais locataire: les propriétaires n’ont pas tous les droits…

 
 

Stéphane (nom d’emprunt), propriétaire d’une maison dans le Hainaut, a mis 9 mois pour parvenir à récupérer sa maison dont le locataire ne payait pas le loyer. Une procédure compliquée qui prend, au minimum, 2 mois et demi, et qui s’est terminée en hiver pour Stéphane. En effet, contrairement à la croyance populaire, un locataire peut être expulsé en hiver (sauf les locataires de logements sociaux en Belgique francophone). Mais les propriétaires n'ont pas non plus tous les droits. Voici un "tour du propriétaire" des droits et devoirs de chacun.

Stéphane a contacté la rédaction de RTLinfo.be via notre page Alertez-nous. Le mardi 25 février, après de longs mois de procédures, son locataire a "enfin été expulsé". Contacté par notre rédaction, Stéphane nous a expliqué ce qui a retardé l’action de la justice. "J’ai d’abord pris un avocat qui n’a entamé aucune démarche. J’ai perdu deux mois", nous a-t-il expliqué. "J’en ai donc pris un autre qui a introduit une procédure en expulsion auprès de la justice de paix." Mais une fois devant le juge, en juillet dernier, celui-ci n’a pas souhaité prendre de risque. "C’est le juge suppléant qui était présent. Il n’a pas voulu prendre l’affaire en charge car elle semblait trop compliquée. Il a donc reporté l’audience pour que le juge de paix puisse s’en charger. Mais il a mis la nouvelle audience à un jour où c’était de nouveau lui. Il a donc reporté l’audience une deuxième fois."

Son locataire refuse de partir malgré le jugement

L’affaire a finalement été jugée le 13 novembre, repoussée de 4 mois par cette mésaventure et les congés judiciaires. Stéphane reçoit le jugement un mois plus tard, le 11 décembre. Dans celui-ci, "vu le caractère urgent de l’affaire", il était spécifiée que son locataire disposait de 24 heures seulement pour quitter les lieux à dater de la signification du jugement par un huissier de justice, procédure que l’avocat de Stéphane a enclenchée directement. Mais 24 heures plus tard, son locataire était toujours là. L’huissier de justice a donc dû trouver une date possible pour réunir autour de lui, comme le prévoit la loi, la police, les services communaux, un serrurier et deux témoins.

Jamais moins de trois à quatre mois pour expulser quelqu’un

Finalement, le 25 février, 9 mois après avoir entamé sa première démarche officielle, Stéphane récupérait son bien. Un délai très long mais explicable, selon Bénédicte Delcourt, la directrice du Syndicat national des propriétaires et copropriétaires. Le délai minimum entre l’introduction d’une procédure en expulsion auprès d’un tribunal de paix et l’expulsion de locataires par la police est en effet de 3 à 4 mois. "Et ça, c’est si tout se passe parfaitement et ne prend aucun retard", note-t-elle.

Un locataire qui dégrade le bien ou ne paie pas son loyer peut être expulsé

Mais quelles sont les démarches qui permettent d’expulser un mauvais locataire? Premièrement, un propriétaire ne peut faire expulser un locataire que "s’il n’exécute pas ses obligations légales, souvent le paiement du loyer ou l’entretien du bien en bon père de famille", explique Mme Delcourt. Si c’est le cas, "on conseille que dès la fin du 2ème mois non-payé, le propriétaire introduise une demande au juge de paix."

15 jours + 15 jours + 4 jours + 10 jours + un mois = 2 mois et demi

A partir de là, la convocation du locataire prend au minimum 15 jours. S’il ne se présente pas à l’audience et ne peut donc expliquer son cas et obtenir du juge un éventuel délai supplémentaire avant de quitter les lieux, le juge statuera rapidement. Il faudra alors 15 jours minimum pour qu’il rédige son jugement. Une fois celui-ci rédigé, il faut encore commander "l’expédition" de ce jugement. "C’est le seul papier qui va permettre d’aller chez un huissier. Ça prend trois à quatre jours pour l’obtenir", note encore la directrice du syndicat. Une fois en possession de cette "expédition", l’huissier va alors signifier le jugement, le porter à la connaissance du locataire. "Cette procédure, qui prend généralement 10 jours, va faire démarrer deux délais. Premièrement, celui de recours, d’appel ou d’opposition. Deuxièmement, le délai fixé par le juge dans lequel le locataire doit avoir quitté les lieux. Il est normalement d’un mois, mais peut être allongé ou réduit par le juge. C’est justifié dans le jugement rendu par celui-ci." Le délai peut donc aller de 24 heures à plusieurs mois pour une famille avec des circonstances atténuantes et une impossibilité de retrouver un logement suffisamment rapidement.

Si le locataire refuse toujours de partir: compter 1 mois et demi de plus…

Là, deux cas de figure se présentent. Soit le locataire s’est conformé à la décision de justice et a quitté les lieux à temps, soit il ne l’a pas fait. Dans ce cas, "si l’huissier est prévenu directement, il peut prendre rendez-vous avec la police et la commune. Il faut compter en général un mois et demi à deux mois pour trouver une date où il est possible de réunir" tout le monde, note encore Mme Delcourt. Dans certaines communes, la police ne consacre que peu de créneaux horaires possibles pour ce type d’intervention. Le délai peut donc, là aussi, être plus long. Globalement, une procédure sans contretemps autre que le refus du locataire de quitter les lieux prend donc environ 4 mois.

Avancer les frais de justice: un autre motif de retard potentiel

Au niveau des contretemps, Stéphane en a connu un auquel on ne pense pas souvent: le manque d’argent. En effet, il louait un appartement pour se loger tout en ne percevant aucun loyer pour sa maison dont il devait continuer à payer le prêt hypothécaire. Il a dû avancer les nombreux frais de justice, allant des honoraires d’avocat à ceux de l’huissier en terminant par le paiement anticipatif de la commune pour la conservation des meubles sortis de la maison pendant 6 mois après l’expulsion. "Parfois, je devais attendre d’avoir l’argent pour payer l’étape judiciaire suivante", nous a-t-il expliqué, ce qui a également retardé son affaire.

Seuls les locataires de logements sociaux sont protégés en hiver

L’histoire de Stéphane met en lumière les droits des propriétaires. Un autre droit est souvent méconnu: celui d’expulser en hiver. En effet, le 25 février, lorsque la police a expulsé son locataire, même s'il ne gelait pas à pierre fendre, on était bel et bien en hiver. Stéphane a donc tenu à rappeler que contrairement à la croyance populaire, un propriétaire a bel et bien le droit d'expulser un locataire durant les mois d'hiver. Seuls les locataires de logements sociaux sont protégés par une trêve hivernale à Bruxelles et en Wallonie. Rien dans la loi n'oblige un juge de paix à tenir compte du moment de l'année dans son jugement, même si rien ne l'en empêche non plus.

Un propriétaire ne peut pas se faire justice lui-même

Mais faut-il encore qu'il y ait jugement. Car Stéphane n'en veut pas à tous les locataires. Au contraire, il leur rappelle aussi leurs droits qu'ils méconnaissent parfois. Un propriétaire ne peut en effet pas se faire justice lui-même, vider le bien et faire changer les barillets de la porte d'entrée pendant que ses locataires, fussent-ils mauvais payeurs, sont absents. Il doit toujours procéder selon la loi, sous peine de se retrouver attaqué en justice à son tour et de rendre la procédure d'expulsion encore plus longue, ces pratiques ne plaisant que très peu aux juges de paix...

Un bon locataire ne peut être mis dehors que pour deux raisons très précises

Que se passerait-il quand, contrairement à cette histoire, un locataire respecte tous ses engagements mais son propriétaire souhaite mettre fin au bail avant la fin de celui-ci ? Dans ce cas, les propriétaires n’ont pas tous les droits, au contraire. Il n’y a que deux raisons possibles pour pouvoir mettre un bon locataire dehors.

Y vivre lui-même, y placer sa famille ou y réaliser de gros travaux

Premièrement, le propriétaire veut occuper lui-même le logement ou y placer une personne de sa famille, il peut alors résilier le bail unilatéralement moyennant un préavis de 6 mois envoyé par recommandé. Deuxièmement, le propriétaire souhaite réaliser des travaux dans l’immeuble, travaux suffisamment conséquents pour rendre celui-ci inhabitable. Il peut alors, toujours moyennant un préavis de 6 mois, résilier le contrat de bail à la fin de chaque triennat (dans le cas d’un bail classique de 9 ans).

Des conditions strictes à respecter

Le propriétaire doit prouver ces raisons par des documents officiels, comme des devis pour les travaux, et respecter ses engagements. Dans le premier cas, lui ou la personne de sa famille doit intégrer le logement dans l’année et y vivre au moins 2 ans. Dans le second, le coût des travaux doit être supérieur à l’équivalent de 3 années de loyer (2 années en cas de rénovation de l’immeuble contenant un appartement), et ces travaux doivent être commencés dans les 6 mois et terminés dans les 2 ans.

Un locataire lésé peut réclamer 18 mois de loyer!

S’il s’avère que le propriétaire n’a pas respecté ces contraintes ou a invoqué une des deux raisons de manière fallacieuse, le locataire lésé peut réclamer l’équivalent de 18 mois de préavis devant un juge de paix. De plus, à dater de la réception du préavis 6 mois plus tôt, le locataire peut remettre un contre-préavis de 1 mois également par recommandé. Il permet au locataire de quitter le logement avant la fin des 6 mois.

Sans motif valable, le propriétaire devra payer son locataire

Enfin, il est possible pour un propriétaire de résilier le bail sans motif, mais il devra alors payer 9 mois de loyer au locataire s’il veut le déloger à la fin du premier triennat, et 6 mois de loyer à la fin du deuxième triennat. S’il veut récupérer son bien après les 9 ans de bail, un simple recommandé 6 mois avant la fin de celui-ci suffit alors. Et si le locataire refuse de quitter le logement avant la fin du bail, la procédure d'expulsion peut alors être enclenchée.


 

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