Eric est dévasté, tout autant que la maison de son enfance qu’il a retrouvée saccagée après être parvenu à faire expulser l’homme qui vivait là. "Une bien triste histoire à raconter. Elle pourrait s'appeler 'J'ai tout perdu'", nous explique ce Carolo, un pincement dans la voix. Lui qui venait d’en hériter et espérait pouvoir y finir ses jours, se retrouve aujourd’hui face à "un carnage". Abattu mais pas à terre, il va tenter de faire valoir ses droits.
Le lundi 19 octobre dernier, Eric Vankeirsbilcke, 51 ans, s’est rendu dans sa maison familiale, située rue Lambillotte à Jumet (Charleroi). Il venait de parvenir à faire quitter les lieux à l’homme qui y habitait seul depuis la mort de sa sœur il y a tout juste un an. Lui qui n’avait plus mis les pieds dans l’habitation depuis 2002 ne s’attendait pas à ce qu’il allait voir, sentir, et même pleurer.
Plus une maison, mais une décharge, un dépotoir...
"En ouvrant la porte, une odeur monstrueuse me prend à la gorge et ce que j'y découvre est tout simplement incroyable. Des détritus, des monticules de déchets jonchent le sol de toutes les pièces, de vieux vêtements laissés au sol, des casseroles, de la vaisselle laissés à l'abandon. La cuisine sens dessus dessous, le WC cassé, la baignoire invisible sous l'amas de déchets, des vitres brisées, la table cassée et renversée dans la chambre, et même un trou dans un plafond. On pourrait se demander si un obus n'a pas traversé la pièce, pire qu'en Syrie… Et comment est-ce possible ? C’est de la pierre bleue à l’étage ! Le dégout total", confie Eric. "Je n'ai même pas osé ouvrir la porte de la cave, de peur de ce que je vais y trouver."
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"Je n'en ai pas dormi de la nuit"
Dans la foulée de cette visite écœurante, Eric se sent désemparé. Ne sachant vers qui se tourner, il prévient la rédaction de RTLinfo.be via notre page Alertez-nous. "Je suis au désespoir, je ne sais que faire, je n'en ai pas dormi de la nuit. C'est à pleurer, c'est dur de se dire qu'on a tout perdu, le seul bien que mes parents m'avaient laissé, la maison où je suis né, les souvenirs de mon enfance et de ma jeunesse. Tout ça à cause d'un seul homme, qui n'a de respect pour personne et qui en plus s'en fout."
Le compagnon de sa soeur décédée derrière ce cauchemar
Cet homme, c’est P.H., le compagnon de sa défunte sœur. Pour bien comprendre l’histoire, il faut revenir plusieurs années en arrière. "J’ai vécu dans cette maison jusqu’à mes 31 ans. Après la mort de mon papa en 1992, je m’y suis occupé de ma maman. Mais étant chauffeur routier international, je n’étais pas souvent là et donc ma grande sœur est revenue vivre à la maison." Eric, lui, déménage, et pendant ce temps, sa sœur rencontre P.H.
Leur mère décède en 2005. "C'est à cette époque que je deviens copropriétaire avec ma sœur. Elle étant malade, je la laisse habiter la maison" sans réclamer de loyer en contrepartie. Ce qu’il ne savait pas, c’est que P.H., avec qui il est en froid, s’était domicilié là également en 2008.
"Les années passent et en octobre 2014, il y a un an, ma sœur décède." Celle-ci n’ayant pas d’enfant et n’étant pas mariée, son frère Eric hérite alors de l’entièreté du bien.
Une année pour parvenir à l'expulser
C’est le début d’une longue, très longue procédure d’expulsion. "A l’enterrement de ma sœur, je signifie à P.H. mon désir de récupérer la maison. Il me dit qu’il comprend bien et qu’il la quittera en novembre. Ne voyant rien venir, j’ai suivi la voie légale et lui ait envoyé un recommandé lui laissant 3 mois pour quitter les lieux. Mais à l’issue de ces 3 mois, il n’était toujours pas parti et ne répondait plus à mes messages.
Je suis donc passé par un huissier de justice et le 11 juin dernier, un juge de paix de Charleroi m’a donné raison. Mais P.H. refusait toujours de quitter les lieux. J’ai donc dû lui faire signifier le jugement par huissier de justice." Cette longue procédure d’expulsion n’est pas rare. Le délai minimum entre l’introduction d’une procédure en expulsion auprès d’un tribunal de paix et l’expulsion de locataires par la police est en effet de 3 à 4 mois. "Et ça, c’est si tout se passe parfaitement et ne prend aucun retard", nous expliquait Bénédicte Delcourt, la directrice du Syndicat national des propriétaires et copropriétaires, dans un précédent article qui détaille les différentes étapes menant à une expulsion effective.
"Quand je pense que ma soeur est morte là-dedans…"
C’est finalement début octobre que P.H. a la libéré la maison, laissant à Eric le soin de découvrir les conditions dans lesquelles il vivait… et visiblement sa sœur auparavant. "Une connaissance m’avait déjà dit à l’époque que la maison était une porcherie, mais je ne m’attendais pas à ça. De l'extérieur, on ne peut pas deviner, mais c’est un carnage, c’est indescriptible. Quand je pense que ma soeur est morte là-dedans… J'essaie d'imaginer ce qu'elle pouvait ressentir", déplore-t-il.
D'abord, la police et un avocat
Aujourd’hui, Eric ne sait plus que faire. "J’ai pris un coup de massue", nous confiait-il juste après la découverte. "Mais ça commence à passer et donc je vais agir. Je suis allé porter plainte à la police, d’autant qu’il est parti avec les clés de la maison." Très vite, il prend ses renseignements à la commune pour pouvoir disposer de l’aide juridique et obtient un contact avec un avocat.
Malheureusement, celui-ci "me dit que c'est 'mal barré' pour moi, car il n'y avait pas de bail établi au nom de P.H. Je vais devoir récolter des témoignages de gens qui ont connu la maison en bon état avant le décès de ma soeur pour prouver que c'est bien lui le responsable des dégradations". S'il parvient finalement à monter un dossier et à faire condamner P.H., il restera encore un problème: "Il est insolvable...", déplore Eric.
Mais pour l'avocat, il serait cependant toujours possible de faire bloquer tout apport d'argent qu'il pourrait recevoir, tel qu'un éventuel héritage, au profit du dédommagement d'Eric.
Il espérait y finir ses jours: impossible désormais
D'ici-là, beaucoup de temps va passer. El le problème actuel, c’est le manque d’argent. "Je pensais quitter mon logement pour aller habiter la maison." Avec l’économie de loyer réalisée, il aurait pu trouver les 10.000 euros qui lui sont réclamés pour la succession de sa sœur. En effet, celle-ci avait de nombreuses dettes. "Mais ce n’est plus possible", regrette Eric. D’autant qu’au bas mot, "il y en a au moins pour 10.000 euros de travaux. Tout est à refaire, il faut remplacer le WC, la cuisinière, et même le chauffe-eau dans la salle de bain."
Même plus l'argent pour payer un conteneur pour évacuer les déchets
Eric a donc envisagé de vendre le bien. Mais pour cela, il faudrait au moins le vider des immondices, le nettoyer, et récupérer ce qui peut encore être sauvé. La valeur de la maison en dépend grandement. Mais c’est impossible pour Eric, qui n’a plus d’argent à investir. "Je suis au chômage avec 950€ de revenus et 425€ de loyer, et je me suis déjà ruiné en frais de justice pour l’expulser, 280€ puis 480€. Je suis incapable de réhabiliter cette maison, je ne saurais même pas payer un conteneur pour évacuer toutes les crasses. Un ? Que dis-je, il m’en faudrait plusieurs ! Et ça coûte 400 à 500 euros un conteneur comme ça."
"Mes parents se sont saignés pour s'offrir cette maison"
Mais toute l’aide du monde ne remplacera jamais ce qu’Eric a perdu dans cette histoire. "Du temps de ma maman, la maison était nickel, soignée et entretenue. J’y suis né et c’est le seul bien que possédaient mes parents. Mon papa était mineur et ma maman faisait des ménages, donc ils n’étaient pas riches. Ils se sont saignés pour acheter cette maison, et même si elle n’a pas une grande valeur, elle a une énorme valeur sentimentale à mes yeux. Maintenant, même les meubles de mes parents sont bons à jeter à la poubelle. Quand je vois ça, ça me dégoûte."
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