Le transfert en ambulance de Diane des cliniques universitaires Saint-Luc (Woluwe-Saint-Lambert) vers le site Saint-Michel des cliniques de l'Europe (Etterbeek) s'est déroulé "comme sur des roulettes", raconte Patrick. "On s’occupe de tout", lui aurait dit en substance le médecin urgentiste. Appréciable dans un contexte de stress et d'inquiétudes, sa femme devant être hospitalisée pour de graves problèmes respiratoires. Mais un service d'une telle diligence a un coût élevé auquel ne s'attendait pas Patrick. Un mois plus tard, la facture est arrivée dans sa boîte aux lettres : 515 euros. "C'est un scandale", lance-t-il via notre bouton orange Alertez-nous.
Le médecin urgentiste a organisé le transfert de Diane
Suite à un cancer du larynx, Diane a subi une laryngectomie totale : les cordes vocales lui ont été retirées et la voie respiratoire a été séparée de la voie digestive. Une intervention qui a de lourdes conséquences sur la respiration, l'alimentation, l'usage de la parole...
Le 10 juin dernier, Diane peine à respirer. Patrick l'emmène aux urgences des cliniques Saint Luc. Elle y reçoit des soins : oxygène, aérosols, kiné respiratoire... Compte tenu de son état, le médecin urgentiste décide qu'elle doit être hospitalisée. Aucun lit n’est disponible à Saint-Luc. Le médecin trouve une place à Saint-Michel et se charge du transfert en ambulance. "À aucun moment, nous ne sommes intervenus pour ce transfert et encore moins dans le choix de l'ambulance", précise Patrick.
L'hôpital contacte la Croix Rouge pour effectuer le transport. 8 kilomètres. Coût de l'opération ? 288 euros, somme forfaitaire pour les 10 premiers kilomètres. A quoi il faut ajouter 227 euros d'honoraires pour l'infirmier et le médecin. Un total de 515 euros, entièrement à charge du patient.
"Le transfert ne s’est pas déroulé dans le cadre de l’aide médicale urgente"
Maggie De Block n'avait-elle pourtant pas annoncé que les interventions de véhicules d'urgence seraient facturées 60 euros pour tout le monde à partir de janvier 2019 ? Oui, mais... "Le problème ici est que le transfert ne s’est pas déroulé dans le cadre de l’aide médicale urgente mais sur la base des transports inter hospitaliers. Le transfert s’est fait par un partenaire privé et les coûts ne sont pas repris dans la législation de l’aide médicale urgente", explique Charlier Vinciane, porte-parole du SPF Santé Publique.
288 euros les 10 premiers kilomètres, contre 65 euros en Wallonie
Les transports en ambulance non-urgents relèvent des compétences régionales, et non fédérales. Et ce type de transport n'est pas réglementé en région bruxelloise, indique Marie-Christine Demotte, responsable du service juridique de l'Union Nationale des Mutualités Socialistes. "Le montant me semble toutefois fort élevé pour les 8 km parcourus. A titre de comparaison, pour un transport non urgent en région wallonne, le forfait pour les 10 premiers km est de 65.25 euros", remarque-t-elle.
L'hôpital aurait du informer la patiente des coûts du transport et de solutions alternatives
Les patients rarement prévenus du coût du transport
Patrick fait des pieds et des mains pour tenter de se faire rembourser. Mais sur les 515 euros, sa mutuelle n'intervient qu'à hauteur de 55 euros. "J'ai beau expliqué à la Croix-Rouge, à St Luc et à la mutuelle que je n'ai rien demandé concernant ce transfert imposé par le médecin urgentiste, ils ne veulent pas intervenir plus", s'indigne le sexagénaire.
Ce qui le révolte le plus, c'est qu'aucun choix ne lui a été donné, aucune mise en garde par rapport au prix du transport en ambulance ne lui a été faite. "L'hôpital, dans le cadre de la loi des droits du patient aurait du informer la patiente des coûts du transport et de solutions alternatives", indique Charlier Vinciane. "Il serait, en effet, préférable que les hôpitaux préviennent les patients", estime Marie-Christine Demotte. "Mais dans la pratique, on constate que c’est rarement le cas, poursuit-elle. En outre, le patient n’est pas toujours en mesure de recevoir cette information".
Mutas, l'organisme à contacter pour le transport non-urgent des patients
Lorsque Patrick a contacté sa mutuelle, la FMSB, on lui a expliqué qu'il aurait dû contacter Mutas pour l'organisation du transport. "Les différents hôpitaux sont au courant de l'existence de cet organisme", lui écrit un responsable de la mutuelle. Ce projet intermutualiste organise en effet le transport non-urgent des patients. "La demande de ce transport peut être faite par le patient ou par l'hôpital. Si elle est demandée par l'hôpital, elle doit toujours être portée à la connaissance du patient. Au moment de la demande, Mutas indique les prix du transport, afin que le patient sache toujours combien coûtera le transport", explique Anja De Leeuw, Operations Manager chez Mutas. Le patient peut ainsi bénéficier du système de tiers payant, c'est à dire ne payer que le montant à sa charge sans avancer le montant correspondant à l’intervention de l’assurance soins de santé.
... mais pas dans le cas de Diane
Mais contrairement à ce qui a été dit à Patrick, le cas du transport en ambulance de Diane n'entre de toute façon pas dans le champ d'application de Mutas. Car il relève du transport médical, c'est-à-dire qu'une infirmière et un médecin accompagnent le patient, explique Anja De Leeuw. "L’état du patient doit être stable et ne pas nécessiter de traitement médical et/ou de supervision pendant le transport", précise-t-elle. Si Mutas n'est pas en mesure d'organiser le transport, l'intervention de la FMSB est plafonnée à 55 euros en région bruxelloise, indiquent les statuts de la mutuelle, que nous a présentés Elise Dubetz, responsable du service études de la FMSB. Cette intervention relève de l'assurance complémentaire. Aucune intervention de l'assurance obligatoire n'est prévue dans ce domaine.
Le service médiation des Cliniques Saint-Luc décide de rembourser Patrick
Patrick estime de toute façon que l'hôpital Saint-Luc n'a "pas fait ce qu'il fallait faire". "La procédure apparemment à Saint Luc, et peut-être ailleurs, n’a pas l’air d’être très connue", dénonce-t-il. Y-a-t-il eu un dysfonctionnement lors du transfert inter hospitalier de Diane? "Les Cliniques universitaires Saint-Luc ne communiquent pas à propos des patients et ne font aucun commentaires à propos de leur dossier", répond Sylvain Bayet, Chargé de communication aux cliniques universitaires Saint Luc. "Le dossier est en cours au Service de médiation des Cliniques Saint-Luc", précise-t-il.
Presque deux mois après que Patrick a reçu la facture de la Croix Rouge, le service médiation des Cliniques Saint-Luc a finalement décidé de rembourser la différence entre l'intervention de la FMSB et le montant total, soit 460 euros, nous fait savoir Patrick. "Parce que la procédure n'a pas été respectée", rapporte-t-il. Une décision satisfaisante pour le mari de Diane. Mais il a tout de même l'impression que les démarches pour se faire rembourser sont compliquées à dessein : "Tout est fait pour décourager le patient".
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