Embouti par la voiture qui le suivait sur une autoroute française, Sébastien a été mis devant le fait accompli: payer une franchise pour faire réparer sa voiture. Alors que son assurance reconnait qu'il n'est pas en tort. Explications.
Y a-t-il des cas de figure pour lesquels un conducteur victime d'un accident de circulation, même s'il est dans son bon droit, doit tout de même payer une franchise ? C'est ce qu'on tente de comprendre à travers le témoignage de Sébastien, qui a contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous.
"Cela fait presque un an que j'attends de récupérer les 250€ de la franchise que j'ai du avancer, alors que j'étais reconnu en droit dans l'accident. Est-ce normal ? Est-ce légal ?", s'interroge-t-il…
Une franchise, c'est quoi ?
Petit rappel théorique avant d'évoquer l'histoire de Sébastien. "Dans le secteur de l'assurance, la franchise, c'est la part des dommages qui reste à charge de l'assuré. On peut avoir des franchises exprimées sous la forme d'un montant ou d'un pourcentage", nous a rappelé Wauthier Robyns, porte-parole d'Assuralia, la fédération des assureurs.
Pourquoi une franchise ?
Dans le cadre d'une assurance voiture, "on parle d'une franchise si vous avez une assurance qui couvre les dommages que vous avez à votre propre véhicule (même si vous êtes en tort, NDLR), ce qu'on appelle une assurance omnium". Le but de la franchise est de limiter le recours à cette omnium, pour éviter de la faire intervenir suite à une petite griffe, par exemple. "Il faut donc que les dommages aient atteint une certaine gravité pour (que l'assuré ait envie de) faire appel à l'assurance, qui interviendra pour la partie des dommages qui dépasse le montant de la franchise".
En revenant de vacances au ski
Revenons à la mésaventure de notre témoin de la région liégeoise. Le 7 avril 2018, Sébastien rentre de vacances, quittant les pistes enneigées de France. "Je roulais sur l'autoroute, il y avait des embouteillages, j'ai donc freiné. Et un véhicule a percuté l'arrière de ma voiture".
Un accident sans gravité ("il n'y a pas eu de blessé"), même si "on a senti assez fortement le choc c'était brutal".
Les dégâts sont moyennement importants, comme le montrent les photos:
"L'arrière de la voiture était renfoncé". Le constat s'est fait sur place, à l'amiable. "La personne était française, il n'y a pas eu de problème, tout a été fait dans les règles, etc. Elle paniquait un peu, car j'avais mes enfants dans la voiture, mais elle était très sympathique".
La voiture étant en état de circuler, Sébastien a pu rentrer chez lui, en région liégeoise, avec sa Citroën Berlingo pratiquement neuve mais cabossée à l'arrière.
4.000€ de frais à la charge de son assurance… mais une franchise
Bien logiquement, notre témoin avait contacté immédiatement son courtier lors de l'accident, qui lui avait conseillé de remplir le constat et de rentrer. "Arrivé en Belgique, je les rappelle, pour voir comment cela allait se passer au niveau des réparations. Ils m'ont dit qu'un expert devait passer, et de prendre rendez-vous avec une carrosserie agréé au niveau de l'assureur".
C'est à ce moment-là qu'il apprend une nouvelle étonnante. "On me dit que je dois avancer une franchise de 250 euros". Sébastien est un peu étonné mais avoue "ne pas y connaître grand-chose" au niveau des assurances. "Et on m'a dit que si je n'avançais pas l'argent, on ne savait pas faire les réparations sur ma voiture".
L'assureur lui précise tout de même que Sébastien sera "remboursé très rapidement".
Les travaux sont effectués par une carrosserie, pour la somme de 3.998 euros. Des frais que Sébastien n'a pas dû avancer, heureusement. Depuis lors, sa voiture est comme neuve, "les réparations ayant été très bien réalisées".
La franchise doit être payée si l'automobiliste veut faire jouer son Omnium
Tout va bien, donc, à part cette franchise de 250 euros dont Sébastien ignore encore l'origine, et qu'il n'a d'ailleurs toujours pas récupérée.
Nous avons contacté son assureur pour mieux comprendre la situation. Comme on s'en doutait, c'est en réalité l'assureur de Sébastien, via son contrat omnium, qui est intervenu. "La franchise est d'application si l'assuré veut faire jouer son omnium, et cela quelles que soient les responsabilités" dans l'accident, nous a expliqué Julien Hayen, porte-parole du groupe d'assurance P&V.
Le fait que ce soit son omnium qui joue, et non l'assurance de la personne en tort qui a provoqué l'accident (celle qui a embouti sa voiture sur l'autoroute en France), Sébastien l'ignorait. Il n'a donc pas "voulu faire jouer" cette Omnium. "Ils ne m'ont pas proposé d'autres alternatives, ils m'ont dit de payer la franchise si je voulais faire réparer ma voiture. Et je n'ai rien demandé d'autre ne m'y connaissant pas dans ce domaine"…
C'était bien la meilleure chose à faire…
Ceci étant dit, et même si c'est théoriquement l'assureur de la voiture en tort qui doit régler la note, c'est le but de l'omnium que d'intervenir plus rapidement, pour mieux couvrir les dégâts d'un assuré. "L'omnium ne cherche pas à établir d’abord la responsabilité de l'accident : elle vous indemnise sans délai", dit d'ailleurs le site commercial de PV.
Et la suite, alors ? "Si l’assuré est en droit (ce qui est le cas), la compagnie exercera un recours vis-à-vis du responsable (celui qui a embouti la voiture de Sébastien) ou de sa compagnie afin de récupérer ses débours (les 4.000€ de la carrosserie) mais aussi la franchise de l’assuré", d'après le porte-parole.
Pour résumer: Sébastien ayant souscrit une omnium pour sa voiture neuve, son assureur l'a fait intervenir pour réparer rapidement sa voiture. Et depuis lors, cet assureur a entamé les démarches pour récupérer les 4.000€ qu'il a payés au carrossier, et accessoirement la franchise de l'assuré.
Les 250€ que veut récupérer notre témoin ne sont donc pas perdus, mais en cours de récupération. "La franchise est remboursée à l’assuré dès qu’elle a été récupérée auprès du responsable", nous dit PV.
"La compagnie du responsable n’a pas encore reconnu sa responsabilité"
On a compris la théorie. Mais dans la pratique, ça fait 9 mois que Sébastien attend, tout comme son assureur, des nouvelles du responsable de l'accident, ou plutôt de sa compagnie d'assurance.
Notre témoin relance pourtant régulièrement son courtier pour une mise à jour de la situation. "Je les ai interpellés une première fois vers juillet ou août, pour savoir où ça en était. Ils m'ont dit qu'ils attendaient toujours une réponse de la partie adverse".
Fin 2018, Sébastien a relancé l'assureur. Et il a reçu une réponse, le 17 janvier 2019, soit plus de 9 mois après l'accident: "Le représentant belge de la compagnie étrangère Broadspire nous informe qu'ils attendent toujours la confirmation des garanties de leur mandante". Ce que notre témoin en déduit après avoir appelé son assureur, c'est que "ça va encore prendre du temps".
Une mauvaise nouvelle que nous a confirmée l'assureur de Sébastien. "Dans ce dossier, l’assuré n’a pas encore récupéré sa franchise parce qu’il s’agit d’un sinistre à l’étranger et que la compagnie du responsable n’a pas encore reconnu sa responsabilité".
Pourtant les circonstances sont claires, le constat est limpide, et il y a des photos. "Malgré des rappels multiples et réguliers, la compagnie adverse n’a toujours pas donné de suite favorable à nos demandes. Nous continuons les démarches afin de trouver une solution favorable".
Et si rien ne change ? "Si un recours n’est pas possible, la franchise ne sera pas récupérée et donc pas remboursée". Sébastien aura donc perdu 250 euros, mais son assureur nettement plus, à savoir les 4.000 euros des réparations.
L'omnium, quasi indispensable à l'étranger…
Vous l'avez compris, en cas d'accident à l'étranger, mieux vaut donc avoir une assurance de type omnium. "Le règlement des sinistres à l’étranger est malheureusement toujours plus long car ce n’est pas la législation belge qui est d’application, mais celle du pays du lieu du sinistre. C'est aussi parce que les conventions visant à accélérer les indemnisations que nous appliquons en cas de sinistre en Belgique ne peuvent pas s’appliquer".
C'est plus long, et comme dans le cas de Sébastien, ça peut durer 9 mois. Et ce n'est pas fini…
Important à savoir: sans omnium, notre témoin serait encore avec une voiture accidentée. "L’assuré qui se retrouverait dans pareille situation sans avoir souscrit d’omnium n’aurait reçu aucun remboursement à ce stade et devrait attendre l’issue du dossier pour être indemnisé".
Le seul problème dans cette histoire, c'est finalement le manque de communication entre Sébastien et son courtier ou son assureur. Notre témoin ignorait que la meilleure option pour réparer sa voiture rapidement était de faire jouer son omnium, tout simplement parce que personne n'a pris la peine de lui expliquer…
Revoir ce reportage: "De nombreux conducteurs roulent sans assurance et contrôle technique" (5/11/2018)
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