Après une insuffisance cardiaque sévère, Serge a frôlé la mort. D'abord pris en charge à l'hôpital Molière de Bruxelles, il est transféré sur ordre du médecin à l'hôpital Erasme, à 9 km de là. Serge s'en remet. Mais il a reçu un nouveau coup. Qui n'est pas venu de son coeur mais de la facture du transport à l'hôpital dont il doit s'acquitter. Selon la Croix-Rouge, il n'est pas rare que les patients soient surpris, tant le transport médicalisé est coûteux.
Moins de 10 kilomètres séparent l'hôpital Molière et l'hôpital Erasme, à Bruxelles. Le trajet entre ces deux établissements ne dure que 20 minutes. Serge était loin de se douter que ce trajet pourrait lui coûter plusieurs centaines d'euros. Pourtant, c'est aujourd'hui la somme que lui réclame la Croix-Rouge, suite à ce trajet effectué en ambulance.
À l'époque, Serge est hospitalisé dans un état grave. "Quand j’ai été transporté de Molière à Erasme, j’étais mourant, presqu’inconscient, donc je ne comprenais pas ce qui se passait", précise l'homme, père de trois enfants. "On m’a imposé ce transport, par le médecin, car la situation était grave. J’avais les jambes marbrées, et il fallait prendre une décision car à Molière, ils ne savaient plus gérer la situation. Ce transport s’est fait sous ordre médical."
"J’ai eu une insuffisance cardiaque sévère" : quand tout bascule très rapidement
Si Serge nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous, c'est avant tout pour éclaircir la situation. Les faits remontent à 2019, et Serge a vécu un calvaire entre temps pour se remettre de cette maladie très soudaine. "J’ai eu une insuffisance cardiaque sévère", se remémore ce travailleur du secteur de la santé mentale. "J’ai été pris en charge à Molière, directement en soins intensifs. Là-bas, j’ai commencé à perdre de plus en plus connaissance pour finalement rentrer dans l'inconscience."
Je vis une vie plus ralentie
Selon lui, lorsqu'il est transporté à Erasme, Serge est entre la vie et la mort, et les médecins doivent tenter de relancer son coeur pour le maintenir en vie. Grâce aux soins reçus dans cet hôpital, il s'en sort, mais son quotidien se voit totalement chamboulé. "Je suis handicapé, suite à cela", confie Serge. "J’ai des difficultés respiratoires, de la fatigue. Quand je fais trop d’efforts, je suis fatigué. Avant de vous parler, j’ai été conduire ma fille à l’école, je vais devoir faire une sieste avant de pouvoir reprendre ma journée. Je vis une vie plus ralentie."
La patientèle de Serge a aussi diminué "drastiquement", suite à deux mois d'incapacité de travail. Il exerce son métier depuis son domicile, grâce à des réunions virtuelles, mais cela ne ressemble plus à la situation qu'il a connue avant son hospitalisation. Les rentrées financières, elles aussi, ne sont plus les mêmes. "C’est très compliqué pour moi de payer les factures. Je reçois une pension d’invalidité, qui m’aide beaucoup, mais à 62 ans, je vis comme un petit vieux de 80 ans !"
"Les transferts les plus chers sont les transferts médicalisés"
Serge affirme que la Croix-Rouge lui réclame la somme de 1.400€ pour ce transport d'une vingtaine de minutes. Une somme dont il a déjà payé une partie, mais qu'il peine à honorer dans son entièreté. S'il nous a alertés, c'est parce qu'il estime que "quelque chose ne va pas", dans la somme réclamée pour ce transport. "J’ai d’abord du revenir de la mort, et quand j’ai repris mes esprits, je me suis dit que ce n’était pas possible. Ils m'ont compté deux heures de transport pour un trajet de même pas vingt minutes. Moi, je pense que c’est un abus de position dominante."
Nous décidons alors de contacter la Croix-Rouge pour obtenir des explications. Nancy Ferroni, la porte-parole de l'organisme, semble loin d'être étonnée par notre demande. De nombreux Belges se retrouvent, selon elle, dans la même situation que Serge. "Parfois les gens sont surpris quand ils reçoivent leur facture, mais il est important de rappeler que les tarifs sont décidés par la loi, pas par nous", explique la porte-parole.
C'est un transport avec une infirmière et un médecin à bord
La Croix-Rouge prend en charge 3 types de transports:
- Non urgent, "par exemple pour les personnes à mobilité réduite"
- de transfert, "par exemple pour des résidents de maisons de repos"
- Urgents, via le 112
Dans le cas de Serge, ce qui coûte cher est la médicalisation du transport, autrement dit les équipements et le personnel médical qu'il nécessite. "C'est un transport avec une infirmière et un médecin à bord, c’est une ambulance avec de l’appareillage, du matériel qui n’existe pas dans les ambulances habituelles 112. Les transferts les plus chers sont les transferts médicalisés, décidés par l’hôpital. Le patient est transféré avec ses appareillages, avec du personnel adapté, parce que l’état du patient est sérieux."
La Croix-Rouge amène également de plus amples éclaircissements sur le montant réclamé à notre alerteur. "Il s'agit de trois transports, à trois dates différentes. Deux sur trois sont médicalisés. Ça représente une somme totale de 1.237,10€." Un peu moins que les 1.400€ annoncés par Serge, mais tout de même une somme importante, difficile à payer pour ce papa divorcé, aujourd'hui mis en demeure par la Croix-Rouge.
Des montants élevés toujours à charge du patient
La Croix-Rouge le concède : les sommes sont importantes, et cela peut surprendre des patients déjà en situation difficile. "Surtout que le patient ne décide pas de ce transfert. Il doit sortir une grosse somme et puis être remboursé par la mutuelle après coup."
Cela dit, les mutuelles ne remboursent pas entièrement les frais de transport : seule une partie peut être prise en charge. A Bruxelles, par exemple, la Mutualité Socialiste plafonne cette intervention à 55€. Sur son site, la mutualité prévient que les montants de ces transports peuvent être élevés. "En principe, les frais de transport sont toujours facturés au patient, même lorsque le transport est effectué à la demande de l'hôpital", peut-on lire.
Je pense aussi aux personnes âgées qui se retrouveraient dans cette situation
C'est précisément ce qui semble injuste, pour Serge, qui n'a pas pu être informé des montants de ces transferts, puisqu'il était "presqu'inconscient", selon ses mots. "Je pense aussi aux personnes âgées qui se retrouveraient dans cette situation", ajoute le sexagénaire, qui veut alerter les futurs patients concernés.
Aujourd'hui, Serge continue de se battre pour retrouver ses facultés. "Une revalidation m’aide, peut-être que je vais retrouver petit à petit mes capacités. Je dois récupérer de la force, recommencer à bouger. Il faut de la volonté pour se remettre en mouvement." De la volonté, et de l'espoir, Serge semble en avoir, pour se remettre de cet évènement. Lorsque nous lui demandons ce que nous pourrions lui souhaiter pour la suite, il répond très franchement : "Peut-être d'un jour retrouver l’amour."
Vos commentaires