Estomper les marques du vieillissement, c'est le désir de nombreuses personnes. Des techniques médicales esthétiques promettent un rajeunissement cutané. C'est le cas du surnommé "Vampire Lift". Un Bruxellois dénonce toutefois des pratiques illégales dans un centre en Belgique qui propose ces techniques et des formations. Existent-ils vraiment des risques ? Qui peut réaliser ces pratiques ? Nous avons mené l'enquête.
"Je suis scandalisé ! Personne ne dit, rien", lance un Bruxellois via notre bouton orange Alertez-nous. Il dénonce une situation "très inquiétante" dans un établissement belge. Selon lui, une "esthéticienne" propose dans son centre des séances d’injections de "plasma riche en plaquettes" (PRP) et de mésothérapie de manière illégale.
Pourquoi ? D’après lui, ce sont des infirmières qui réalisent ces injections "à la chaîne", sans la présence d’un médecin. "En Belgique, c’est interdit ! Ce sont des actes techniques médicaux. Il faut avoir fait des études de médecine – esthétique ou dermatologue– afin de les réaliser. Cela peut passer en acte confié sous prescription pour une infirmière", s’insurge-t-il.
Qu’en est-il exactement ? Qui peut pratiquer ces techniques ? Et tout d’abord en quoi consistent-elles ?
Les injections de PRP est une technique médicale de rajeunissement à base de sang. Surnommée "Vampire Lift" aux Etats-Unis, elle permet de régénérer la peau et en améliorer la texture. Des stars comme Kim Kardashian ou Gisele Bündchen en raffolent.
"On prend le propre sang du patient"
"C’est le principe des multi piqûres, donc des multi injections très superficielles de faible quantité de produit sur des zones bien particulières. Par exemple, au niveau du visage. Pour les injections de PRP, on prend le propre sang du patient", explique le docteur Catherine Vanderhaegen, spécialiste en médecine esthétique à Bruxelles.
Concrètement, la séance débute par une prise de sang. Le prélèvement est ensuite placé dans une centrifugeuse pour récupérer le plasma qui est ensuite injecté là où c’est nécessaire: les cernes, le cou, les mains, etc. Ce concentré est censé activer le renouvellement cellulaire. "Les plaquettes stimulent la régénération du derme", précise le médecin esthétique.
La mésothérapie, c'est le même principe: il s'agit d'injections superficielles directement dans la zone du corps douloureuse ou à soigner. Mais le produit injecté en faible quantité est alors un mélange de médicaments. "Il s’agit de vitamines et d’acide hyaluronique, des produits qui peuvent régénérer le derme", explique Catherine Vanderhaegen.
A l’origine, la rhumatologie, la médecine du sport ou encore la médecine infectieuse ont utilisé cette technique. La mésothérapie a ensuite été pratiquée par les médecins esthétiques. Le but ? Diminuer l’aspect granuleux de la peau, contribuer au rajeunissement cutané ou encore prévenir la chute des cheveux.
Le nombre d’injections et de séances varie d’un patient à l’autre, en fonction de la maladie à traiter ou du soin à apporter.
"Il y a pas mal de demandes dans mon cabinet"
Les stars ne semblent en tout cas plus les seules à avoir recours à ces méthodes. De quoi susciter un engouement croissant. "Actuellement, il y a pas mal de demandes dans mon cabinet pour les injections PRP et la mésothérapie", assure Catherine Vanderhaegen.
"A mon cabinet, on a des demandes d'esthétique principalement pour des dames qui veulent faire de la correction des expressions négatives, c'est-à-dire qu'elles ne veulent pas ressembler à des monstres, elles veulent faire simplement des petites corrections. Rien à l'extrême. Rien de surnaturel", précise Muriel Creusot, dermatologue à Lasne.
Une esthéticienne peut-elle réaliser ces actes ?
Une esthéticienne peut-elle réaliser elle-même ces techniques? La réponse est claire: c’est tout à fait interdit dans notre pays.
"Il s’agit d’exercice illégal de la médecine. Une esthéticienne n’a pas les qualifications requises pour des injections en PRP ou pour la mésothérapie. Notre législation est assez restrictive en ce qui concerne les qualifications requises, ceci dans le but de garantir la sécurité pour la population", indique Vinciane Charlier, porte-parole du SPF Santé Publique.
Dès qu’il y a un passage à travers la peau ou les muqueuses, seuls les médecins sont autorisés à réaliser ces actes esthétiques.
"Les esthéticiennes ne peuvent jamais injecter quoi que ce soit, ni un produit ni encore moins le propre sang du patient", confirme Catherine Vanderhaegen. Il existe une série de normes très strictes au niveau de la stérilité à respecter ainsi qu'une connaissance médicale spécifique à posséder.
"Il faut avoir des connaissances de la peau et de l'anatomie. Il faut injecter au bon endroit, poser la bonne indication. Ce n'est quand même pas un acte anodin", souligne Muriel Creusot.
Pourtant, dans la pratique, des esthéticiennes proposent visiblement ces méthodes de rajeunissement à leurs clients. "On est plusieurs dermatologues esthétiques à récupérer effectivement des patients qui ont des effets secondaires assez monstrueux", regrette la dermatologue.
"Je vois parfois des cas de patients qui ont été chez des esthéticiennes chez qui cela s'est mal passé. Et cela porte préjudice à notre métier", confirme Catherine Vanderhaegen.
"Pour le client, c'est vraiment prendre des risques"
"Elles sont vraiment hors-la-loi, elles outrepassent leurs droits. Pour le client, puisque du coup ce n'est pas un patient, c'est vraiment prendre des risques", avertit Muriel Creusot.
Paralysie faciale, nécrose, infection, allergie, hématomes, etc. Plusieurs problèmes peuvent en effet survenir.
"Par exemple, s'il y a un problème d'allergie, si la personne fait un malaise ou ne supporte pas le produit, il faut quand même toujours pouvoir réagir pour résoudre le souci. Un tissu peut notamment se nécroser parce que l'on a sclérosé une veine. Même si ce n'est pas fréquent, cela peut toujours arriver", souligne Catherine Vanderhaegen.
"Si jamais une esthéticienne choppe un vaisseau, cela engendre une nécrose qui peut remonter jusque dans l'œil. Cela peut être très grave", confirme sa consœur.
"Il y a d'ailleurs tout un suivi médical pour nos patients. Nous utilisons aussi des produits qui sont certifiés en Belgique. Les patients possèdent d'ailleurs un carnet avec une traçabilité du produit. Je sais qu'il y a notamment une esthéticienne qui va se fournir au Luxembourg", poursuit la dermatologue. "Je pense que ces esthéticiennes n'ont pas conscience des dangers", ajoute-t-elle.
Des sanctions pénales prévues
D'après le SPF Santé Publique, les esthéticiennes, qui ne sont pas des professionnels de santé, risquent des sanctions pénales prévues dans la loi à cause d'exercice illégale de la médecine. "Cela peut aller d'une amende à une peine de prison", indique la porte-parole.
"Le problème, c'est qu'il n'y a pas de contrôle. Il n'existe pas d'ordre des esthéticiennes comme l'ordre des médecins. Et malheureusement il n'y a pas beaucoup de plaintes officielles", regrette Catherine Vanderhaegen.
Et un infirmier ou une infirmière ?
Et un infirmier ou une infirmière ? Peut-il ou elle réaliser ce genre d'actes médicaux ? D'après notre alerteur, la responsable du centre belge qu'il pointe du doigt a engagé des infirmières pour effectuer les prises de sang et les injections.
Une information confirmée par une autre source: "Quand j'ai appelé pour avoir des renseignements pour une séance d'injections PRP, on m'a dit qu'il n'y avait aucun risque médical ni contre-indication. On m'a dit que ce sont des infirmières formées qui injectent uniquement des produits naturels et emploient des seringues stérilisés. Elles utilisent notre propre sang ou un sérum vitaminé quand il s'agit de mésothérapie".
Mais visiblement, il n'y a pas de médecin présent sur place. "Quand j'ai demandé s'il y avait un docteur ou si une prescription médicale est nécessaire, on m'a répondu 'non'", révèle notre source, enregistrements vocaux à l'appui.
Une prescription médicale indispensable
Or, selon la loi, cette situation n'est pas acceptable. "Un infirmier pourra assister un médecin pour effectuer certains actes esthétiques, mais uniquement en présence de ce médecin", indique Vinciane Charlier, porte-parole du SPF Santé Publique. Et en ce qui concerne les injections de PRP, "le prélèvement ou l'utilisation de sang se fait par un médecin ou sous sa surveillance à condition d'une prescription médicale", précise-t-elle.
Monique Callewaert est infirmière conseil en soins infirmiers esthétiques."Notre mission est d'améliorer la qualité de vie et le bien-être de personnes malades." A 58 ans, elle a déjà derrière elle une carrière professionnelle impressionnante.
Et cette information la surprend."Pour les injections de PRP, botox ou d'acide hyaluronique, l'infirmière doit être sous le cautionnement d'un médecin (un généraliste ou un dermatologue) et travailler sous son ordonnance. Il se porte garant des compétences de l'infirmière. C'est donc un acte confié, effectué dans un milieu médical et non dans un salon ou institut esthétique", confirme-t-elle.
"Si une patiente est par exemple atteinte d'une maladie rare, il faut la connaître et agir en conséquence", lance Muriel Creusot.
"On veut juste nuire à mon business"
Nous avons donc posé la question directement à la responsable du centre incriminé. Sur la défensive, cette dernière qui se présente comme thérapeute assure qu'un médecin passe régulièrement. "On veut juste nuire à mon centre en raison de mon succès", s'énerve-t-elle par téléphone. "Si mon activité n'était pas légale, je ne publierais pas des informations sur internet." Depuis cette conversation, le centre y est décrit comme un "service de médecine holistique et alternative".
Autre problème soulevé par notre alerteur: elle organise des formations en PRP et mésothérapie en Tunisie et à Bruxelles. "Cela m’inquiète fortement car les filles qui y sont formées exerceront leurs activités en black dans de petits cabinets", craint-il.
Notre autre source a également pris des renseignements à ce propos. "On m'a assuré que cette formation est certifiée par un médecin diplômé de la faculté de médecine de Paris. Pour participer, on m'a dit qu'il n'est pas nécessaire d'être docteur, infirmière c'est bon."
"Ces formations, c'est troublant"
Ces formations sont-elles réellement valables en Belgique pour des infirmiers ? Elisabeth Darras, présidente du CPSI (centre de formation pour les secteurs infirmier et de santé), est en tout cas sceptique. "C'est troublant", réagit-elle quand elle découvre l'existence de telles formations. Depuis 2002, ce centre organise une formation d'infirmier(e) conseil en soins infirmiers esthétiques, reconnue par la Fédération Wallonie-Bruxelles.
"Dans tous les cas, à mon sens, les injections PRP et la mésothérapie sont des actes médicaux. Cela peut se transformer en acte confié par un médecin à une infirmière mais il doit être à proximité", résume-t-elle.
Mieux vaut donc garder en tête cette information si vous désirez un jour réaliser un "Vampire Lift". Pour éviter toute complication, assurez-vous de consulter un médecin ou un dermatologue compétent.
"Il y a quand même un certain laisser-aller contre lequel nous nous battons. On se mobilise pour protéger nos patients", révèle Muriel Creusot, membre de la société belge de médecine esthétique qui espère un nouveau gouvernement rapidement pour évoquer ce problème avec le ministre compétent.
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