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Une maman choquée de voir un enfant de 11 ans boire du Red Bull avant d’aller à l’école: "Où va-t-on?!"

Une maman choquée de voir un enfant de 11 ans boire du Red Bull avant d’aller à l’école: "Où va-t-on?!"
 
 

Les boissons énergisantes suscitent un engouement toujours grandissant chez les adolescents et les jeunes adultes, mais leur consommation par les enfants interpelle. Quelle est la législation en Belgique et ailleurs ?

Une mère de famille nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous parce qu’elle s’interroge sur la vente de boissons énergétiques aux enfants. Alors qu’elle reconduisait son fils à l’école après la pause déjeuner, elle a été choquée de voir un enfant de 11 ans en train de boire une cannette de Red Bull. Il sortait d’une supérette avant de retourner à l’école. "Quelle est la législation pour la vente de ces genres de boissons ? Quelle serait la responsabilité du commerçant s’il arrivait quelque chose au jeune ?", interroge-t-elle. "Où va-t-on ?", s’indigne-t-elle.

Le Red Bull est en vente libre en Belgique depuis 1996. "Il n’existe pas de législation par rapport à cela", tranche la porte-parole du Service Public Fédéral (SPF) Santé Publique. "Le conseil supérieur de la santé déconseille, mais il n’y a pas de loi", indique-t-elle.

D’un point de vue légal, la vente de boissons énergisantes est à peine plus encadrée que celle d’un jus d’orange. Seule obligation, une mention sur chaque canette: "Teneur élevée en caféine, déconseillé aux enfants et aux femmes enceintes ou allaitantes", exigée par la réglementation européenne.

Les inquiétudes de cette maman sont-elles fondées ? Elles font en tout cas écho à de nombreuses autres voix qui mettent en doute le caractère inoffensif des boissons énergisantes. Depuis sa création en 1987 par l'entrepreneur autrichien Dietrich Mateschitz, le Red Bull est sujet à controverse: si son succès commercial est incontestable, notamment chez les jeunes, son innocuité (qualité d’une chose qui n’est pas nuisible) fait débat dans milieux scientifiques et de santé publique.


68 % des adolescents boivent des boissons énergisantes

Red Bull déconseille aux enfants la consommation de sa boisson, mais cible les jeunes consommateurs — adolescents et jeunes adultes — à grand renfort de marketing.

Un tiers du budget de l’entreprise s'écoule dans du marketing sportif et événementiel auquel les jeunes sont très réceptifs. La marque sponsorise de nombreux événements et organise elle-même des compétitions à sensations fortes comme le Red Bull Crashed Ice (course en patins à glace), le Red Bull Air Race (concours de voltige aérienne) ou autre Red Bull Cliff Diving (épreuve de plongeon). Une stratégie de communication qui se révèle très efficace…

En 2013, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié un rapport qui fait état du succès des boissons énergisantes chez les jeunes. Dans cette étude menée sur un très large panel d’Européens, 68 % des adolescents de 10-18 ans étaient des consommateurs de boissons énergisantes. "Pour environ 12 % d’entre eux, la consommation était 'élevée et chronique', à raison de 7 litres par mois en moyenne, tandis que 12 % présentaient une consommation 'élevée et aiguë'", précise le rapport. Plus troublant, chez les enfants de 3 à 10 ans, 18% des sujets interrogés étaient des consommateurs de boissons énergisantes. "Pour près de 16 % d’entre eux, la consommation était ‘élevée et chronique’, à raison de 0,95 litre par semaine en moyenne (soit près de 4 litres par mois)".


L’innocuité de Red Bull n’est pas prouvée, mais sa toxicité non plus

Qu’est-ce qui, dans la composition du Red Bull, suscite des craintes ?

La taurine, le D-glucuronolactone et la caféine, des ingrédients communément utilisés dans les boissons énergisantes, ont été fréquemment épinglés comme pouvant poser problème en termes de sécurité alimentaire.

La taurine est un acide aminé fabriqué par le corps humain naturellement. Elle joue un rôle dans le fonctionnement du système cardiovasculaire, du système nerveux central et des fonctions musculo-squelettiques.

Le D-glucuronolactone est un sucre présent naturellement dans l’organisme, qui participe à la désintoxication du foie.

La taurine et le D-glucuronolactone présents dans le Red Bull sont produits de manière synthétique par des compagnies pharmaceutiques. Les taux de ces substances dans une canette sont bien plus élevés que ce dont l’organisme a réellement besoin.

En 2009, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié un avis scientifique sur ces deux substances, dans lequel elle a conclu que "l’exposition à la taurine et au D-glucuronolactone via la consommation régulière de boissons énergétiques ne devait pas susciter d’inquiétude en termes de sécurité". La même année, le Conseil supérieur de la santé a émis un avis sur les boissons énergisantes qui reprend les conclusions de l’EFSA sur les deux substances.

Si les effets indésirables de l’ingestion de taurine et de D-glucuronolactone manquent d’arguments scientifiquement fondés, les problèmes de santé liés à une consommation excessive de caféine sont bien connus.


La plupart des risques sont liés aux effets indésirables de la caféine

Comme 90% des boissons énergisantes disponibles sur le marché, le Red Bull atteint la limite légale de teneur en caféine autorisée par le Ministère de la Santé en Belgique, soit 80 mg par canette de 250 ml. Ce qui équivaut à peu près à un demi-litre de coca ou deux expresso.

Chaque canette porte la mention obligatoire "teneur élevée en caféine, déconseillé aux enfants et aux femmes enceintes ou allaitantes", mais celle-ci est à peine visible. Sur son site internet, la marque autrichienne donne à peine plus d'explications: "Les enfants devraient généralement consommer moins de caféine que les adultes en raison de leur plus faible masse corporelle".

Dans son avis de 2009 sur les boissons énergisantes, le Conseil supérieur de la santé s’inquiète de la surconsommation de caféine et des "conséquences que celle-ci implique telles que insomnie, nervosité, anxiété, maux de tête, tremblements et tachycardie, mais également, la possibilité d’induction d’une dépendance". En 2012, il émet un avis sur l’utilisation de la caféine dans les denrées alimentaires selon lequel pour les enfants, (surtout les préadolescents), "un apport maximal de 2,5 mg/kg/j est considéré comme la limite au-dessus de laquelle des modifications comportementales peuvent apparaître, incluant l’anxiété ainsi qu’une possibilité d’affecter le développement du système nerveux".

Nous avons contacté le Dr Martine Mostin, Directrice générale du centre anti-poison, pour connaître son point de vue sur la consommation de boissons énergisantes par les enfants. S’appuyant sur ces deux avis du Conseil supérieur de la santé (2009 et 2012), elle estime que la consommation de Red Bull par les enfants est "essentiellement un problème de caféine". Elle souligne qu’il faut toujours mettre en rapport la dose de caféine avec le poids de la personne.

Concrètement, respecter "un apport maximal de 2,5 mg/kg/j", comme le recommande le Conseil supérieur de la santé, cela signifie qu’un enfant de 40 kilos ne devrait pas consommer plus de 100 mg de caféine par jour, calcule-t-elle, précisant que la sensibilité à la caféine varie de toute façon beaucoup d’une personne à une autre. 

"Un gosse qui boit une canette de Red Bull, je ne m’attends pas à des drames", confie néanmoins le Dr Martine Mostin. Ce qui l’inquiète plus, c’est l’aspect psychologique, la démarche de boire ce genre de boisson pour "tenir le coup". Le Docteur Roxane Rossignol, du CHU Tivoli, a attiré notre attention sur un rapport de la fondation Addiction Suisse qui dénonce cette "idéologie sous-jacente qui suppose que le corps n’est pas assez performant tel quel, que l’on a besoin de substances pour être plus puissants". Selon cette fondation d’utilité publique, cette idéologie "banalise le recours à d’autres produits".


Les autres pays légifèrent-ils sur la vente de Red Bull ?

Si la vente de Red Bull, y compris aux mineurs, est autorisée en Belgique depuis 1996, nos voisins français l’ont interdite jusqu’en 2008.

L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a multiplié les avis négatifs en invoquant le principe de précaution.

Mais en 2007, Red Bull a menacé l’état français d’un procès en s’appuyant sur une nouvelle directive européenne : désormais, ce sont les pouvoirs publics des pays de l’Union de qui doivent démontrer la toxicité d’un produit. La charge de la preuve incombe aux pouvoirs publics, et plus à l’industriel. Red Bull a déposé une plainte au tribunal administratif de Paris et réclamé 300 millions d’euros de dommage et intérêts. Alors, au grand dam du ministère de la santé, le ministère de l’économie a préféré autoriser Red Bull à accéder au marché hexagonal. La Norvège et le Danemark ont aussi été contraints, pour les mêmes raisons, de mettre en vente Red Bull sur leur marché.


Une exception: la Lituanie

En juin 2016, la Lituanie est devenue le seul pays de l’Union européenne à interdire la vente de boissons énergisantes aux mineurs. Les caissiers doivent désormais s’assurer que les acheteurs ont l’âge requis. Une lourde amende est prévue en cas d’infraction. "J'espère que cela servira d'incitation à d'autres pays. Beaucoup d'entre eux hésitent encore, peut-être influencés par la lucrative industrie des boissons énergisantes", a déclaré un porte-parole du Ministère de la santé.


 

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