Jeudi dernier, un groupe de cavaliers et un automobiliste se sont invectivés dans le centre de Fexhe-le-Haut-Clocher. Une altercation, deux versions. Quoiqu’il en soit, cette histoire illustre parfaitement les tensions qui peuvent survenir lorsque cavaliers et automobilistes doivent cohabiter sur la chaussée. Nous faisons le point sur les droits et obligations des automobilistes et des cavaliers sur la route.
Valérie a contacté notre rédaction via la page Alertez-nous. Jeudi dernier, cette cavalière est partie en balade à cheval avec deux amis à Fexhe-le-Haut-Clocher, dans l'entité de Noville, en région liégeoise. Sur le chemin du retour, le groupe de cavaliers confirmés a eu un vif différend avec un automobiliste. "J’ai entendu une voiture qui allait nous dépasser, j’ai fait un petit signe de la main pour qu’elle ralentisse. Arrivé à notre hauteur, le monsieur a baissé sa vitre pour demander ce que ça signifiait. J’ai dit que c’était pour lui demander de ralentir", nous explique Valérie. A ce moment-là, elle ne sait pas encore à qui elle a à faire: l’automobiliste n’est autre qu’Henri Christophe, le bourgmestre de Fexhe, à l’encontre de qui elle a décidé de porter plainte à la police, suite à cette altercation.
"Il est monté dans les tours"
Nous avons contacté l’intéressé, qui nous livre un témoignage très différent de celui de la cavalière et de ses amis. Nous allons donc retranscrire ici les deux versions. D’après Valérie, le groupe de cavaliers circulait sur une bande de circulation, deux chevaux de front, un autre derrière, comme le permet le code de la route. Le bourgmestre serait "monté dans les tours": "Il s’est fâché, a mis un coup d’accélérateur puis s’est mis en travers de la route avec sa voiture pour nous bloquer, ce qui bloquait aussi la circulation dans les deux sens", nous explique Valérie.
"Je ne pouvais pas rester une demi-heure derrière le convoi"
Pour sa part, le mayeur décrit la situation suivante: "Ce sont les vacances, les gens se promènent à cheval, ça ne me dérange pas, je suis agriculteur moi-même, mais avec trois chevaux ils bloquent une route et prennent toute la largeur. Les cavaliers prenaient les trois-quarts de la route, obligeant les voitures à passer sur le trottoir", nous dit-il, expliquant que les cavaliers occupaient donc la route dans les deux sens de circulation. "Je leur ai demandé de serrer à droite, elles se sont montrées insolentes et grossières. Je les ai dépassées, et je les ai attendues plus loin", nous raconte le bourgmestre. "En tant que bourgmestre, je ne pouvais pas rester une demi-heure derrière le convoi", nous dit-il.
"Il nous a dit connasse, salope, toi t’es moche, toi t’es grosse"
D’après les deux parties, s’en est suivi une longue discussion sur les droits et devoirs de ces deux types d’usagers sur la route, qui aurait été ponctuée de quelques noms d’oiseaux: "Il nous a dit "connasse, salope, toi t’es moche, toi t’es grosse". On a gardé notre calme, et on a continué à le vouvoyer", explique Valérie, qui a donc été porter plainte à la police le lendemain matin, estimant que le mayeur a volontairement voulu faire peur aux chevaux, ce qui aurait pu avoir pour conséquence de désarçonner les cavalier.
Une plainte a été déposée: une version "mensongère", qui va "porter à conséquences"
Au poste de police, la Fexhoise a croisé le bourgmestre Henri Christophe. "Oui j’ai élevé la voix, mais les mots que j’ai entendus ce matin-là, ils les ont complètement inventés, et c’est très méchant de leur part", nous confie-t-il, parlant de supercheries: "C’est une version mensongère, qui va porter à conséquences". Il nous assure qu’il n’a pas tenté d’effrayer les chevaux. Suite à la plainte qui a été déposée contre lui par Valérie, le bourgmestre MR de Fexhe va être entendu par la police: "Je tiendrai la même version que je vous ai tenue et qui sera renforcée par des témoins", nous assure-t-il.
Les cavaliers, des conducteurs à part entière
Quoi qu’il en soit, cette altercation illustre bien les tensions qui peuvent survenir lorsque deux types d’usagers de la route différents doivent cohabiter sur la chaussée. Benoît Godart, porte-parole de l’Institut belge pour la Sécurité Routière (IBSR), nous explique avoir déjà constaté ce phénomène: "On a de temps en temps des cavaliers qui s’adressent à nous, parce qu’ils estiment qu’ils ne sont pas respectés : les conducteurs les frôlent, ou roulent trop vite, ou klaxonnent, ce qui est vraiment la chose à ne pas faire. Or ils sont conducteurs à part entière". Les cavaliers sont des conducteurs à part entière: une idée n’est pas toujours bien acquise chez les automobilistes. Le porte-parole de l’IBSR l’explique par un manque d’empathie: "Avec les cyclistes, on sait plus ou moins ce que c’est, tandis que les cavaliers, on n’est pas toujours monté sur un cheval, c’est plus difficile d’avoir de l’empathie".
Avancer à deux de front : c’est permis
Les cavaliers ont le droit d’occuper toute une bande de circulation: "Vous pouvez circuler au maximum à deux de front, même si d’autres véhicules s’approchent ou souhaitent vous dépasser", rappelle-t-on dans une note sur les obligations des cavaliers sur cette page du SPF Mobilité, reprenant l’article 55.4 du code de la route. "Ils ne vont pas commencer à galoper pour faire plaisir. Il faut circuler le plus près possible du bord droit de la chaussée, mais ils peuvent circuler à deux de front, à condition que le croisement [la circulation dans l’autre sens, ndlr] reste possible", commente Benoît Godart. L’IBSR indique toutefois que la file indienne, si elle n’est pas obligatoire, est préconisée.
Des devoirs pour les cavaliers…
Tout comme les autres conducteurs, les cavaliers sont tenus de circuler le plus près possible du côté droit de la chaussée (même s’ils sont côte à côte), et d’indiquer leur changement de direction, par le bras. Ils doivent être âgés de 14 ans minimum, ou 12 ans s’ils sont accompagnés d’un cavalier âgé d’au moins 21 ans. Le cavalier doit aussi être capable de tenir son cheval : « Il lui appartient de pouvoir maîtriser sa monture si elle prend peur en entendant, par exemple, un avion, un camion ou en voyant des phares », rappelle Benoît Godart.
… comme pour les automobilistes
De leur côté, les automobilistes sont tenus, par le code de la route, de ralentir à l’approche de cavaliers, et même de s’arrêter si le cheval montre des signes de frayeur.
Vous pouvez consulter l’article consacré aux chevaux sur la voie publique, rédigé par l’IBSR, sur le site de la police fédérale.
Deborah Van Thournout
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