Si les jeunes ont paradoxalement été les moins touchés par la crise sanitaire, ils sont les premières victimes de la crise économique.
Pour quelles raisons ?
D’abord à cause de la difficulté de trouver un emploi. Depuis le mois de mars, les entreprises ont gelé les embauches. Si elles engagent, elles privilégient les personnes expérimentées, car télétravail et production limitée, limitent les moyens de mettre le pied à l’étrier à ces jeunes.
Des jeunes qui se retrouvent aujourd’hui en concurrence avec les jeunes qui sont sortis de l’école en juin ou en septembre et qui postulent aussi. Donc on se retrouve avec une fois et demi le nombre de jeunes diplômés à la recherche de leur premier job. Sur-offre d’emploi et pénurie de demande, la concurrence n’a sans doute jamais été aussi rude pour eux.
Est-ce que cela a un impact sur les salaires proposés ?
Les jeunes qui trouvent du boulot sont souvent forcés d’accepter des jobs en-dessous de leurs qualifications et donc à des salaires inférieurs à ce qu’ils auraient pu prétendre il y a un an quand le marché de l’emploi surchauffait. Ce qui en outre pénalise les diplômes les plus faibles.
Est-ce que l’on peut estimer cette décote salariale ?
On l’estime en moyenne à 8%. Mais il n’y a pas que le recrutement qui pénalise les jeunes. Les jeunes salariés sont les derniers arrivés en entreprise, donc les moins chers à licencier.
Est-ce que ces conséquences vont s’inscrire dans la durée ?
Oui malheureusement. Selon une étude publiée il y a quelques années déjà par l’Université de Gand, lorsque vous rentrez sur le marché du travail en période de récession économique – et nous sommes en récession – vous êtes pénalisé durablement. Avec des revenus inférieurs, de l’ordre de 6% en moyenne, 10 ou 12 ans plus tard par rapport à ceux qui ont commencé dans une période plus faste.
Peut-on parler de "génération sacrifiée", peut-on aller jusque-là ?
Sans doute pas, comparé à celle de nos aïeux qui ont connu les deux guerres mondiales. Mais, c’est une génération qui a déjà grandi pendant la crise économique de 2008, qui a connu les attentats. Ces derniers mois, ils les ont passé loin de l’école, certains en total décrochage.
En pratique, c’est une bombe à retardement sociale qui est en train de se construire. Cette génération est plus apte et plus prompte à la révolte. Une minorité très active est radicalisée. Une grande partie des jeunes, on l’a vu, est très sensible aux sentiments d'injustice et se mobilise facilement dans la rue, pour l’environnement par exemple. On ne peut donc exclure une cristallisation générationnelle. Il est indispensable d’offrir une réponse rapide à ce que l’on peut qualifier d’enjeu économique, social et politique.
Individuellement, que peut-on conseiller à ces jeunes ?
Sans doute une année d’étude en plus plutôt que d’essayer de rentrer sur le marché de l’emploi, s’ils en ont les moyens…
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