L'Ardenne séduit de plus en plus les Flamands, et c'est d'autant plus vrai depuis la crise sanitaire. Ils investissent de plus en plus dans des maisons et terrains à la campagne.
Des maisons en pierre du pays, un joli petit village en Ardenne* : voilà des images idéales pour appâter l’investisseur flamand. Dans la région, beaucoup de vendeurs ne prennent même plus la peine d’afficher "À vendre": "Te koop" suffira. "Ce sera sûrement un Flamand ou un Hollandais [Néerlandais, ndlr] qui va l’acheter, j’en suis presque sûr et certain", réagit Bart Redan, un propriétaire, devant un bien à vendre.
C’est eux les plus intéressants, ils ne discutent pas
Un peu plus loin, une ancienne grange, avec 2,5 hectares de terrain et beaucoup de travaux à faire, est en vente à 350.000 euros, un prix qui cible les acheteurs flamands : "C’est eux les plus intéressants, ils ne discutent pas. J’ai eu plusieurs visites de francophones, c’est se gratter pour se faire rire", estime Pierre Ploumen, le propriétaire.
Peter Van Zummeren en a fait son business, depuis 5 ans. Cet agent immobilier flamand connaît très bien les Ardennes. 80% de sa clientèle est néerlandophone. "A partir du premier confinement, c’était parti, ça a explosé, et ça a toujours continué comme ça. On a doublé notre chiffre d’affaires en 2020".
Les prix moyens ont grimpé de 11%: "C'est de la folie"
L’acheteur flamand a une cinquantaine d’années, il cherche un bien calme, avec une belle vue et sans travaux à réaliser, pour y vernir en vacances et pour le louer.
En Ardenne, les notaires ne chôment pas. Les biens se vendent vite. Les prix moyens ont grimpé de 11%. "Pour le moment, nous, c’est de la folie. On obtient quasiment, sur tous les prix qu’on annonce, des offres supérieures à nos demandes", témoigne Vincent Dumoulin, notaire à Erezée.
Pour certains Flamands, les prix en Wallonie restent très accessibles. Selon les chiffres de la Fédération des notaires, à Vielsalm, 25,4% des acheteurs de biens immobiliers sont flamands. A Durbuy, c’est 32,7%. Le record, c’est Rendeux, avec 43,8%.
"L’immobilier ici a 20 ans de retard par rapport à Liège"
Dans le même temps, pour les Ardennais, l’accès à la propriété se complique. "Les jeunes, ils n’ont pas les moyens pour s’acheter un bien comme ça", commente Bart Redan. "Je sais bien que c’est navrant pour les gens d’ici, mais le problème, c’est que l’immobilier ici a 20 ans de retard par rapport à Liège", estime Pierre Ploumen, l’autre propriétaire.
Vincent Dumoulin, le notaire, commente: "Je pense que les prix, là, vont être plus élevés qu’auparavant, et ça va être difficile de faire comprendre à un vendeur qu’il va vendre moins cher pour faire plaisir à un jeune de la région".
Ca partira à ce prix-là, et nous, on ne peut même pas y penser
Florent et Lola consultent les agences immobilières depuis deux ans.
Un exemple qui résume leurs multiples déconvenues : cette maison, 3 façades, avec un petit jardin et tout à refaire à l’intérieur. Florent ne monterait pas au-dessus de 70.000 euros, elle est affichée à 180.000 euros, et il n’y a pas moyen de discuter. "Sous prétexte qu’il y a énormément de demandes pour faire des gîtes, qu’ils avaient déjà été contactés pour faire des gîtes à cet endroit-là, et donc, pour eux, ça partira à ce prix-là, et nous, on ne peut même pas y penser".
Les jeunes Ardennais sont-ils condamnés à rester chez leurs parents ou à partir en ville ? Difficile en tout cas pour les pouvoirs locaux de contrer la tendance. "Nous devons rester dans une réglementation qui est claire, on ne peut pas aisément privilégier des jeunes de la localité", commente Elie Deblire, bourgmestre de Vielsalm. La commune compte proposer des terrains à bâtir proches du centre-ville.
* Ardenne ou Ardennes ? La région naturelle qui comprend notamment Vielsalm (Bastogne), Rendeux et Durbuy (Marche-en-Famenne), que nous mentionnons dans ce reportage, se nomme l'Ardenne, écrit au singulier. Cependant, l'expression "Les Ardennes", au pluriel, est fréquemment utilisée pour décrire cette région.
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