La justice a bien évolué depuis l'affaire Dutroux. 20 après l'enlèvement de Julie et Mélissa, c'est aussi la vie des parents qui a changé pour toute une génération. Plus question aujourd'hui de laisser courir ses enfants ans s'inquiéter au moindre retard.
Il y a vingt ans, avec la disparition de Julie et Mélissa, les parents prennent peur. Plus question de laisser un enfant seul dehors et fini les promenades à vélo. On accompagne sur le chemin de l’école et dans les cours de récréation, les enfants ne parlent que de ça : l’affaire Dutroux. Les adultes poussent même les plus jeunes à d’innombrables marches blanches. "Moi j’ai trois petits frères et deux petites sœurs, si ça leur arrivait, je serais vraiment mal", commentait à l’époque une ado.
"On voit qu’un nombre important de parents considère qu’il y a insécurité et que les enfants doivent être protégés"
Deux décennies plus tard, l’inquiétude n’a pas disparu. Les parents de 2015 étaient de ces jeunes marqués dans les années 90 par l’affaire Dutroux. Même si un enfant ne disparaît heureusement pas tous les jours, certains parents vivent la crainte au quotidien. "On voit qu’un nombre important de parents considère qu’il y a insécurité et que les enfants doivent être protégés, alors avec des réponses qui sont individuelles. Certains essaient d’apprendre aux enfants les règles élémentaires de sécurité et puis d’autres sont tout à fait disposés à utiliser les technologies nouvelles et que ce soient les doudous avec une puce électronique qui permet de retrouver. D’autres imaginent même qu’on pourrait aussi mettre de bracelets électroniques aux enfants pour permettre de les retrouver, etc.", explique Jacques Marquet, sociologue à l’UCL, au micro d’Eric Van Duyse pour RTL TVi.
Tout le monde a dû s'adapter
Les enseignants et les mouvements de jeunesse ont aussi dû s’adapter. Ils sont devenus à la fois plus prudents dans leurs relations avec les jeunes, mais aussi plus attentifs à ce qu’un enfant peut exprimer, comme une agression en famille ou à l’école. "On a mis en place depuis une dizaine d’années, et c’est effectivement lié à ce climat, un numéro d’appel d’urgence où on a une dizaine de personnes qui se relaient 24h/24, 7j/7, tout l’été et pendant l’année, pour accueillir ce genre de demandes, conseiller les animateurs. Notre règle c’est : toujours faire appel à des experts externes, on travaille en particulier avec les équipes de SOS enfants qui ont considérablement été développées, dont le rôle s’est accru précisément suite à l’affaire Dutroux", indique Jérôme Walmag, président fédéral des scouts.
Tout le monde devenait un suspect potentiel
Dans la tempête de l’époque, tout le monde devenait un suspect potentiel. Plus question qu’un prédateur puisse toucher à nos enfants, alors il y eut des excès, notamment lors de nombreux divorces. "Évidemment, cette histoire a été parfois réellement instrumentalisée par certaines personnes qui, si on veut garder l’enfant et lui retirer la garde principale, accusaient le partenaire d’attouchements, ça, c’était un argument qui était à cette époque-là extrêmement fort et d’ailleurs les juges se sont très vite rendu compte qu’il y avait là un gros danger", précise le sociologue de l’UCL.
"Aveuglée par son ressentiment, je crois qu’elle ne mesure pas et elle est incapable de mesurer ce que ça a pu générer"
Mais la machine judiciaire a parfois mis du temps à écarter cette accusation faite par la mère. Aujourd’hui encore, de nombreux pères vivent difficilement, parfois au bord des larmes devant la relation à jamais brisée avec leurs enfants et des enfants eux-mêmes profondément blessés. "Aveuglée par son ressentiment, je crois qu’elle ne mesure pas et elle est incapable de mesurer ce que ça a pu générer. Mes enfants maintenant ont plus de 20 ans et ce n’est seulement que depuis très peu de temps qu’on renoue progressivement des contacts et maintenant ils sont toujours incapables d’aborder le sujet. Ils sont toujours incapables, c’est trop lourd pour eux. C’est leur mère, ils ont droit à leur mère, mais je suis leur père, ils avaient droit à leur père", regrette Pierre, un père innocenté.
Même s’ils ne s’en rendent pas toujours compte, les parents et les éducateurs de 2015 vivent avec bien plus de peur et d’angoisse que leurs prédécesseurs. L’insouciance de l’avant-affaire Dutroux a bel et bien disparu.
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