Le premier procès de Salah Abdeslam s'est ouvert ce lundi matin à Bruxelles pour sa participation présumée à la fusillade de la rue du Dries. Il est accusé de tentative d'assassinat sur des policiers et de port d'armes prohibées dans un contexte terroriste. Ce lundi matin, Salah Abdeslam s'est montré arrogant et provocateur avant de se murer dans le silence. Mais son témoignage est-il si important?
La question était sur toutes les lèvres: Salah Abdeslam allait-il enfin sortir du silence dans lequel il s'est réfugié depuis deux ans? La réponse est désormais limpide: non, l'ex-fugitif n°1 ne parlera pas. Mais son témoignage est-il si précieux pour décortiquer le déroulement des attentats de Paris et de Bruxelles? Avait-il un rôle si fondamental? L'expert en contre-terrorisme Claude Moniquet a dévoilé son analyse dans le RTLinfo 13H, interrogé par Alix Battard.
"Il était fatalement au courant qu'il y aurait des attentats"
Tout ce qu'il y a à comprendre sur les attentats "passe en grande partie par Salah Abdeslam parce qu'il a joué un rôle central entre le mois d'août, et probablement avant, parce qu'il était fatalement au courant avant qu'il y aurait des attentats, puisqu'il devait aller chercher des terroristes un peu partout. Il a été en Hongrie, en Allemagne, etc. Donc il a été avec eux durant toute la préparation des attentats de Paris, et puis dans la préparation des attentats de Bruxelles".
Claude Moniquet rappelle qu'il y a cependant d'autres personnes arrêtées qui sont en lien avec les attaques. "Certaines, comme Mohamed Abrini, parlent. Le problème d'Abrini, c'est qu'il sait beaucoup moins de choses. Il est d'ailleurs beaucoup moins intelligent qu'Abdeslam, mais il aura quand même des choses à dire", estime l'expert. "Abdeslam est sans doute, dans les acteurs aujourd'hui détenus, celui qui pourrait dire le plus, mais qui ne dit rien."
"Ce n'est pas un cendrier vide"
"Moi ça fait deux ans que je dis qu'il ne parlera pas. Contrairement à ce qui a été dit par certains, et entre autres par son avocat, ce n'est pas un cendrier vide. Salah Abdeslam est un homme qui a joué un rôle central. On peut se dire que sans Salah Abdeslam, il n'y a pas d'attentat. C'est lui qui va chercher les terroristes, c'est lui qui loue les voitures, qui loue les planques à Bruxelles comme à Paris, c'est lui qui trouve les précurseurs chimiques, les détonateurs…", indique Claude Moniquet.
Que cherche Salah Abdeslam en se taisant?
S'il refuse de parler, selon le spécialiste en contre-terrorisme, c'est certainement parce que Salah Abdeslam n'a rien à gagner. "D'autre part, il est dans une rupture. Quand il dit à la présidente qu'il n'a pas envie de se lever, qu'il est fatigué, et par la suite il va être plus clair, il dit qu'il ne reconnaît que son Seigneur, c'est une rupture. Il dit 'Je ne reconnais pas votre justice, je suis un musulman injustement persécuté', alors qu'en fait il ne s'agit que d'un criminel. C'est une rupture", juge Claude Moniquet.
Le silence, un échec pour Sven Mary?
Vu le comportement de Salah Abdeslam, peut-on dire que Sven Mary, son avocat, a échoué dans sa défense? "Oui et non. Il avait expliqué qu'il acceptait de défendre Salah dans l'affaire de la fusillade parce que c'est un fait de droit commun et qu'il est dans son rôle d'avocat. Ça sera beaucoup plus difficile pour lui s'il accepte de le défendre pour son rôle dans les attentats. Parce que là on s'attend à ce que Salah Abdeslam s'explique, et manifestement, ça ne sera certainement pas le cas", estime Claude Moniquet, qui ne pense pas que l'attitude de l'accusé changera dans les jours à venir.
Dans ce procès sur la fusillade, la stratégie de Sven Mary sera vraisemblablement d'éviter à tout prix d'évoquer les attentats de Bruxelles ou de Paris. "Sven Mary ne peut pas jouer beaucoup de cartes. Très clairement. Une des choses qu'il doit faire, pour le procès qui a lieu ces jours-ci, c'est couper les choses de manière à ce qu'on ne parle que de la fusillade du 15 mars, et qu'on oublie les attentats. Ils seront dans la tête de tout le monde, mais surtout qu'on en parle pas, parce que ça alourdira le dossier de son client", a analysé Claude Moniquet.
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