Willy Borsus, le ministre de l'Agriculture, était l'invité de la rédaction de Bel RTL ce matin. Il répondait aux questions de Martin Buxant à propos des agriculteurs en colère.
Des milliers de tracteurs sont à Bruxelles aujourd'hui. Ce sont des agriculteurs, des éleveurs en colère. Ont-ils raison de venir bloquer la capitale? Pour rappel, Bruxelles est la deuxième ville la plus embouteillée d'Europe.
C'est vraiment l'expression d'un désespoir, un message vers les autorités à tous les niveaux et aujourd'hui singulièrement à toutes les autorités européennes. Je suis frappé aussi de voir combien, au-delà des difficultés de circulation d'aujourd'hui, il y a un soutien de la population par rapport au producteur, par rapport au monde agricole et par rapport à leurs revendications.
Les éleveurs dénoncent les prix anormalement bas du lait. Ils vendent à perte. Pourquoi?
Plusieurs éléments de cause expliquent cette chute des prix. On a tout d'abord cette situation de grande volatilité de prix ; et de plus en plus fréquente. On se souvient de la crise de 2009, de 2012. On est en 2015 et il y a de nouvelles grosses difficultés pour le marché du lait. Il y a différentes causes. D'une part, la surproduction mondiale, la fin des quotas au niveau européen au mois d'avril dernier, et puis par ailleurs l'embargo russe qui a désorganisé le marché.
Cela touche durement en Belgique, l'embargo russe?
Cela nous touche indirectement. C'est un des éléments de désorganisation du marché, comme par ailleurs le ralentissement de la croissance de certains pays, en Chine ou d'autres, qui ont aussi à l'exportation des débouchés intéressants.
On vend de plus en plus de lait dans le monde. Alors pourquoi est-ce que les prix baissent finalement ?
En fait la consommation est une consommation qui progresse moins vite que la production. On a donc un déséquilibre et abondance d'arrivée sur le marché notamment de poudres de lait, de beurres et d'autres éléments. Et donc on a un écrasement des prix, mais qui est aujourd'hui très très sensible et on est en dessous des coûts de production. Chaque jour un fermier se lève et le soir il a travaillé en ayant perdu de l'argent. Cette situation peut être très temporaire. On l'a vu, mais dès l'instant ou cette situation dure plusieurs semaines c'est intenable économiquement pour nos fermiers.
Ce que Willy Borsus plaidera devant la Commission européenne
Devant ses homologues européens, M. Borsus plaidera avant tout en faveur d'une hausse du prix d'intervention, le prix auquel la Commission européenne s'engage à racheter puis stocker le beurre et la poudre de lait en attendant que les marchés remontent. Ce prix est tellement bas qu'il n'a aucun impact sur le marché. A long terme, M. Borsus demande que ce prix soit lié aux coûts de production. "On veut un suivi beaucoup plus serré du marché. Lors de la suppression des quotas laitiers, la Commission avait dit que la situation allait s'améliorer. Or c'est le contraire qui se passe", constate-t-il.
Le ministre libéral, qui défend une position déterminée conjointement avec la Flandre et la Wallonie, veut également que les agriculteurs puissent bénéficier de liquidités le plus rapidement possible, par exemple en assouplissant temporairement les démarches à remplir pour bénéficier des aides de la politique agricole commune (PAC). Il demande encore que la manne financière issue des "super-prélèvements" payés en 2014-2015 par les producteurs laitiers qui ont dépassé les quotas en vigueur jusqu'au 1er avril dernier (860 millions d'euros d'après les estimations) soit reversée au secteur laitier. "J'observe beaucoup de témoignages positifs de la population vis-à-vis du monde agricole. Les citoyens se rendent bien compte que le secteur a besoin d'aide", conclut-il.
Vos commentaires