L'ancien président du Sénat belge Armand De Decker serait intervenu auprès du ministère de la Justice belge en faveur d'un homme d'affaires belgo-kazakh, selon des éléments d'un volet de l'enquête sur le "Kazakhgate", affirment ce samedi les médias Le Soir et Mediapart.
Le Soir et le site d'information français Mediapart ont pu se procurer une série de pièces des procédures judiciaires belge et française relatives à l'affaire de corruption liée au milliardaire belgo-kazakh Patokh Chodiev, où apparaît le nom d'Armand De Decker (MR). D'après ces renseignements, l'ancien président du Sénat et ancien ministre Armand De Decker (MR) a bien joué un rôle central.
Il aurait demandé d'améliorer la situation judiciaire du milliardaire
Le quotidien belge et le site français, qui ont eu accès à "diverses pièces des procédures judiciaires belge et française (...) confirmées par des sources" des deux côtés de la frontière, rapportent deux visites de M. De Decker en compagnie d'une avocate française, Me Catherine Degoul, pour améliorer la situation judiciaire du milliardaire
Dans un premier temps, les deux conseils se rendent un dimanche au domicile de Stefaan De Clerck, le ministre belge de la Justice de l'époque, puis deux jours plus tard, au ministère à Bruxelles.
Selon un PV d'audition consulté par les deux médias, un collaborateur de M. De Clerck a affirmé aux enquêteurs que M. De Decker s'était revendiqué lors de cette seconde visite, en l'absence du ministre, comme avocat de l'Elysée, et que son intervention était "liée à l'octroi d'un marché en matière aéronautique entre le Kazakhstan et la France".
Deux jours plus tard, la proposition de loi sur la transaction pénale, dont bénéficiera Chodiev, est déposée.
Samedi, le parquet bruxellois n'était pas joignable dans l'immédiat. Interrogé par Le Soir, Armand De Decker reconnaît une visite au ministère mais nie avoir invoqué l'Elysée.
740.000 euros d'honoraires
Les révélations du Soir et de Mediapart mettent à mal la défense de celui qui est actuellement bourgmestre d'Uccle. M. De Decker, qui a perçuplus de 740.000 euros d'honoraires pour 350 heures déclarées comme prestations d'avocat, prestations qu'aucune pièce de procédure judiciaire ne confirme.
Déjà soupçonné par le parquet d'avoir perçu de l'argent pour accélérer le vote d'une loi
Le parquet de Bruxelles avait annoncé fin octobre 2015 qu'il soupçonnait Armand De Decker d'avoir perçu de l'argent pour accélérer le vote d'une loi permettant à Patokh Chodiev, un milliardaire belgo-kazakh, d'échapper à des poursuites.
M. Chodiev, considéré comme proche du président kazakh Noursoultan Nazarbaïev, avait échappé à une lourde condamnation en versant 23 millions d'euros à l'Etat belge, une transaction qui a mis fin aux poursuites. La loi votée en un temps record au printemps 2011 avait élargi ce genre de "transaction pénale" aux faits de corruption, expliquait alors la presse belge.
Armand De Decker nie et critique les révélations du Soir et de Mediapart
Armand de Decker a réaffirmé samedi soir, dans un communiqué transmis à l'agence Belga, n'être "à aucun moment et en aucune façon intervenu dans l'élaboration de la loi étendant la transaction" pénale.
Le bourgmestre d'Uccle "s'étonne vivement et s'inquiète de découvrir dans cet article des éléments provenant de violations du secret de l'instruction ouverte en France et de l'information en cours en Belgique" et y relève une "multitude d'éléments inexacts ou imaginaires". Il estime que son honorabilité et sa respectabilité sont gravement mises en péril à cause des "amalgames, du manque de nuances avéré et des conclusions erronées émanant du journaliste".
Armand De Decker confirme une nouvelle fois ne pas être intervenu dans l'élaboration de la loi étendant la transaction, "ce qui apparaît d'ailleurs clairement dans l'analyse tant du calendrier du Ministre de la justice De Clerck de l'époque que dans les interventions de ce dernier dans l'enceinte du Parlement".
L'ancien président du Sénat ne fera pas d'autres déclarations afin de respecter son secret professionnel mais aussi de "ne pas alimenter davantage une polémique relevant de la recherche de la sensation".
Armand De Decker devra s'expliquer auprès de son parti
L'ancien président du Sénat et ex-ministre Armand de Decker sera prochainement "invité à venir s'expliquer devant le conseil de conciliation et d'arbitrage du MR au sujet des éléments neufs" dans le dossier du Kazakhgate, a indiqué samedi le porte-parole du parti libéral.
La date de l'audition n'a pas encore été fixée. Elle devrait l'être en début de semaine prochaine, a précisé Christophe Cordier à l'agence Belga.
Le conseil de conciliation est l'organe interne au parti qui tranche les questions déontologiques impliquant des mandataires et militants.
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