La crise des migrants prend des allures de guerre politique entre le PS et le MR. Rudy Demotte refuse le plan du gouvernement et n'accepte pas que sa ville puisse accueillir de 450 à 790 migrants. De son côté, Olivier Chastel, président du MR, estime que le PS refuse tout simplement d'agir avec humanité.
En premier lieu, plantons le contexte: la ville de Tournai est dirigée par une majorité où se retrouvent le PS et le MR. Le socialiste Rudy Demotte en est le bourgmestre en titre, mais il est remplacé par Paul-Olivier Delannois (PS) durant son mandat de ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ensuite, il y a Marie-Christine Marghem. La réformatrice est première échevine de la ville, empêchée durant son mandat de ministre de l'Énergie au gouvernement fédéral. Dans l'affaire, elle est soutenue par son président de parti, Olivier Chastel.
Maintenant que le décor et les acteurs sont plantés, venons-en au problème qui a mis le feu aux poudres. Face à l'arrivée massive de migrants venus du Moyen-Orient, le gouvernement fédéral a décidé de réquisitionner momentanément la caserne de Tournai pour y placer entre 450 et 790 demandeurs d'asile. Une décision que Rudy Demotte et Paul-Olivier Delannois refusent.
"En tant que socialiste, je ne peux l'accepter"
Consterné, le ministre-président et bourgmestre en titre de la commune a réagi pour sa part en déclarant : "J’ai appris avec consternation que le secrétaire d’État Franken voulait concentrer sur Tournai entre 400 et 700 candidats réfugiés politiques ce qui revient à ghettoïser des poches entières de populations au statut précaire, explique Rudy Demotte. En tant que socialiste, je ne peux l’accepter. Je l’accepte d’autant moins que Tournai ne connaît pas des indices socio-économiques très favorables. Son CPAS doit déjà faire face à une précarisation importante".
"Que les communes plus riches fassent un effort plus conséquent"
Rudy Demotte suit également le point de vue d’Olivier Delannois et plaide pour une répartition plus équitable des migrants entre les communes. "Quand j’étais membre du gouvernement fédéral […], j’ai défendu une logique de partage de l’accueil, basée sur un équilibre géographique et socio-économique. Ainsi, je trouverais équitable que les communes plus riches fassent un effort plus conséquent. Je ne vois a priori aucune stratégie inspirée de ces valeurs dans le plan du Secrétaire d’Etat Franken".
Demotte s’interroge et y voit une stratégie politique. "D’après des sources militaires, la caserne n’a pas les capacités de logement pour héberger dignement autant de personnes ou alors les militaires, suivant des cours ou des formations à l’école de logistique, ne pourraient plus y résider avec, pour conséquence, la fermeture de la logistique à Tournai. Est-ce une volonté?".
"Le libéralisme s'oppose à nouveau au conservatisme socialiste"
La réaction d'Olivier Chastel, président du Mouvement réformateur, n'a pas tardé. Il se dit étonné d'un tel rejet venant d'un ministre-président socialiste. "Il est particulier de voir le PS, se prétendant être le grand défenseur de la solidarité, s'opposer à une telle mesure…", estime Olivier Chastel. "Manifestement, quand c'est dans son propre jardin, le PS est frappé du syndrome de Nimby (Not in my backyard, Pas dans mon jardin) qui l'empêche d'agir avec humanité pour le bien collectif. Le libéralisme s'oppose à nouveau au conservatisme socialiste", ajoute le Carolo.
Pour le président du MR, "personne ne peut être insensible à la crise que connaît l'Europe face à l'accueil des candidats réfugiés politiques. Il est de notre devoir de prendre nos responsabilités. Le Gouvernement fédéral les a prises et a réquisitionné plusieurs lieux, propriétés de l'Etat fédéral, pour accueillir dans de bonnes conditions les réfugiés, adultes et enfants".
"Un geste élémentaire d'humanité"
De son côté, Marie-Christine Marghem, ministre de l'Energie mais aussi première échevine empêchée de Tournai, soutient la mesure de son gouvernement. "C’est un geste élémentaire d’humanité et de solidarité pour faire face à une situation critique de l’asile en Europe", déclare-t-elle.
Marie-Christine Marghem affirme qu'une rencontre avec tous les protagonistes, y compris Rudy Demotte, aura lieu pour coordonner l'action. Pas sûr, cependant, que le ministre-président tournaisien soit prêt à se "coordonner".
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