Ce mardi, le personnel soignant manifeste contre l'obligation vaccinale et les sanctions qui en découlent. Ils demandent aussi plus de moyens et de meilleures conditions de travail. Certains d'entre eux n'ont pas pu faire grève, étant réquisitionnés pour travailler. Joëlle Durbecq, directrice du département infirmier aux cliniques universitaires Saint Luc à Bruxelles, était sur le plateau du RTL INFO 13h pour parler de cette situation.
Alix Battard: comprenez-vous qu'on en arrive à réquisitionner des gens pour venir travailler ?
Joëlle Durbecq: "Je comprends qu'on en arrive là, mais en même temps, c'est très dommage qu'on doive en arriver là. Réquisitionner, c'est un acte fort et pour les infirmières, c'est vraiment les empêcher de pouvoir faire grève quelque part. Mais on est dans une situation où il manque tellement de soignants qu'on ne sait pas faire autrement si on veut donner des soins. Je comprends la colère des infirmières mais en même temps…"
Pourquoi l'obligation vaccinale est-elle si mal vécue dans les hôpitaux ?
"C'est mal vécu parce que c'est une obligation de plus sur un fond de multiples dossiers qui n'ont pas été traités, que ce soit la pénurie, la revalorisation… C'est un peu la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Le fait aussi que ce ne sont que quelques soignants qui ont cette obligation vaccinale alors qu'il y a une multitude d'autres métiers qui sont autour du patient et qui ne doivent pas l'avoir. C'est aussi une demande que tout le monde soit vacciné."
Si les sanctions sont appliquées pour le personnel soignant non-vacciné au 1er janvier, votre hôpital pourra-t-il encore tourner ?
"Non, clairement. Déjà ici, avec la pénurie et le personnel qui est en absence pour des raisons de covid, on a dû fermer des lits. On a fermé 10% de nos lits, on est à 108 lits fermés sur 1.000. Tout ce qu'on percevoir, c'est que si on applique ça, on devra encore en fermer autant. Il y a 10% de notre personnel qui n'est pas vacciné. On ne sait pas qui ils sont. Mais clairement, il va y avoir presque 100 équivalents temps plein qui ne seront pas au travail."
C'est pourtant le seul secteur à avoir été revalorisé cette année. Un milliard d'euros a été débloqué… cela n'est pas suffisant ?
"Ce n'est pas suffisant parce que ce qui est proposé est assez irréaliste. Effectivement, il y a un milliard d'euros qui a été mis et le secteur de la santé n'a jamais eu autant de soutien financier. Seulement, on a besoin d'infirmières sur le terrain et il n'y en a pas. Vous pouvez mettre de l'argent sur la table, mais on ne sait juste engager ces infirmières. Alors on engage d'autres formes d'aide mais on a besoin d'infirmières. Ça, on ne sait pas le faire."
Y a-t-il eu une mauvaise gestion à long terme ?
"Oui, c'était prévisible cette pénurie. Si on refait l'histoire, on peut se dire qu'on aurait dû faire des tas de choses avant, remettre le métier en valeur, donner des moyens de suivre la formation pour une série de gens… Il y a certainement des choses qu'on aurait dû faire et qu'on n'a pas faites pour de multiples raisons. Ce sera une belle leçon mais entretemps, on aura encore quelques années difficiles devant nous."
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