La psychologue Evelyne Josse a répondu ce vendredi matin aux questions de Fabrice Grosfilley sur Bel RTL. Maître de conférences à l’université de Metz, elle a notamment évoqué nos habitudes de se dire bonjour avec un contact physique, perturbées en raison de l’épidémie de coronavirus.
Ne plus se faire la bise, ne plus se faire de poignée de main, c’est grave ou c’est insignifiant ?
"Grave, je ne sais pas. Mais en tout cas, c’est vrai que c’est important en tout cas et certainement ce qui est le plus compliqué j’imagine c’est avec les amis, les proches. Mais les intimes je pense que les choses ne vont pas changer énormément parce que les personnes ne vont pas pouvoir sur le long terme garder les distances. Nous fonctionnons comme si nous avions autour de nous des bulles. La première c’est la sphère intime, celle que nous partageons avec notre partenaire, nos enfants, nos petits-enfants. Dans cette bulle-là, on ne va pas pouvoir pendant très longtemps faire en sorte que les gens n’y entrent pas. La deuxième bulle, c’est la bulle personnelle et c’est la plus compliquée parce que c’est là que sont les amis. On peut ne pas leur faire la bise mais on n’est pas habituer à ça. On a quand même besoin d ‘une intimité et le toucher est extrêmement important."
Ces gestes intimes permettent de sécréter de l’ocytocine, l’hormone du bonheur ?
"Oui. Cela permet de construire notre sécurité de base. L’enfant s’il n’est pas touché, porté, il ne va pas se développer. On a pu voir ça pendant la guerre ici en Europe. Les enfants qui étaient dans les orphelinats et qui recevaient tous les soins nécessaires mais qui n’étaient pas touchés en fait ne se développaient pas et mourraient. Donc, on sait que pour l’enfant c’est très important et plus tard cela va renforcer l’estime de soi. Les personnes plus touchées ont une meilleure confiance en elles et une meilleure estime d’elles-mêmes."
La bise et les poignées de main, est-ce que cela a toujours existé ou est-ce que c’est des modes et des conventions sociales qui nous les ont imposées ?
"Cela se crée au niveau d’une communauté et cela évolue. On s’embrassait beaucoup pendant l’Antiquité et puis cela a été interdit au 4ème siècle pour des raisons morales. La bise a donc disparu de la sphère privée et puis au 15ème siècle elle a totalement disparu parce qu’il y avait la peste noire. C’était un moyen de transmettre la maladie, donc les gens ont cessé de s’embrasser. Cela est revenu à la Renaissance mais uniquement dans la sphère privée. Et la bise n’est revenue dans la sphère publique que dans la deuxième partie du 20ème siècle. C’est assez récent. Et on voit bien que dans d’autres cultures, c’est autrement. Effectivement, ce sont donc des évolutions."
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