Les fruits et légumes non-calibrés vendus à 1 euro le kilo font leur apparition dans les rayons des grandes surfaces. Et ce n'est pas forcément une bonne chose pour tout le monde…
À partir de ce lundi, les clients de tous les magasins Delhaize en Belgique pourront découvrir les légumes dits "moches" ou "drôles" dans les rayons de leur supermarché. Il s’agit de légumes au calibre non standardisé présentant une fraîcheur et une qualité identiques aux légumes dits "normaux".
L'an dernier, l’enseigne a pu en valoriser 110 tonnes et son ambition pour cette année est de dépasser les 150 tonnes. La nouveauté est que ces légumes sont proposés en plus petites portions (1 kg) à un prix très compétitif de 1 euro. Ils sont jusqu'à 30% moins chers que leurs équivalents "normaux".
Jusqu’ici en moyenne, 30 % de ces légumes non calibrés finissent à la poubelle ou dans des filières alternatives.
"Rééduquer le consommateur"
Pour Joël Lambert, agriculteur bio à Orp-le-Grand, en Brabant wallon, ce n'est pas forcément une bonne chose. Cela fait quelques années qu'il ne vend plus à la grande distribution et préfère la vente directe aux consommateurs. L'esthétique des légumes n'est pas pour lui, un critère valable, le calibrage n’existe d'ailleurs pas en agriculture bio.
"Ils vont faire passer un partie des légumes en 'deuxième choix', comme ça ils auront beaucoup de légumes à bas prix, c'est la première arnaque, dénonce le producteur au micro de Bernard Lobet sur Bel RTL. Et la deuxième pour moi, c'est que ce n'est pas ça qu'il faut faire : il faut rééduquer le consommateur à acheter un produit à la base de la production, c'est-à-dire un produit qui n'est pas calibré, un produit dont on enlève juste les déchets".
Il rappelle par exemple qu'une petite carotte aura le même goût qu'une plus grosse, comme celle que le consommateur est habitué à manger. La taille et l'apparence importent peu sur la qualité et le goût. Pour ce producteur, établir des prix différents pourrait biaiser la perception du client, qui associerait les produits non calibrés à des produits de mauvaise qualité.
Une consommation à deux vitesses
D'après Joël Lambert, les petits producteurs vont payer le prix fort d'une telle mesure. Il donne l'exemple du fût de poireau : "Le blanc du poireau, il va être commercialisé chez nous en vente directe tel qu'il est là. Si on a un fût qui fait 14 centimètres ou qui fait 18 centimètres, ce sera la même chose et le même prix. Le problème qui risque d'arriver pour la grande surface, c'est qu'eux demandent des fûts de 18 à 22 cm. Donc tous les fûts qui sont à moins de 18, on va les vendre à 1 euros du kilo. Ça veut dire encore une fois que le producteur sera lésé".
La lutte contre le gaspillage alimentaire est très tendance et la mode des légumes anciens familiarise les clients à des végétaux moins standardisés. Faire entrer ces drôles de légumes dans les caddies des grandes surfaces semble une bonne idée, même si cela pose évidemment la question d'une consommation à deux vitesses.
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