"Ma colère est grande": tels sont les mots de Marilyn, une Bruxelloise qui a tout fait pour sauver un renard blessé retrouvé en pleine nuit dans le bois de la Cambre. Aucun vétérinaire n'a pu le soigner, et elle a dû se résoudre à laisser l'animal mourir. Pourquoi ses interlocuteurs n'ont pas pu prendre l'animal en charge? Qui aurait-elle pu contacter? Explications.
"Pourquoi un animal n’a pas droit aux mêmes soins qu’un autre?": c’est le cri de colère que nous a fait parvenir Marilyn, via le bouton orange Alertez-nous. Cette Uccloise nous a raconté sa mésaventure survenue le samedi 23 janvier. Elle rentrait avec sa compagne d’un repas entre amis, en passant par le bois de la Cambre. Un brouillard très épais s’était formé cette nuit-là. "Je venais de dire à ma femme, par ce temps il faut vraiment rouler prudemment car si un animal passe nous ne pourrons pas l'éviter. A peine ma phrase finie, la voiture venant d’en face dévie de sa trajectoire en faisant un zigzag. Elle s'arrête, met ses 4 feux de détresse, je ralentis, m'arrête à sa hauteur, et je vois un renard… On se dit, oh non, il s’est fait choper", nous explique-t-elle.
"Il avait le train arrière complètement foutu"
La personne qui a percuté le renard sort de sa voiture et constate, tout comme Marilyn, que l’animal est dans un piteux état: "Il avait le train arrière complètement foutu et tentait de se sauver en vain. Nous décidons de l’attraper, le renard se laisse faire, je pense qu’il sait qu’on veut l’aider", déduit la jeune femme qui assure au conducteur qu’elle se charge de la suite. Elle ne se doute pas à ce moment-là que cela ne va pas être aussi simple que ça…
Marilyn enchaîne les coups de fil...
Une fois l’animal embarqué dans la voiture, le couple se met en quête d’un vétérinaire: "Nous nous disons que, même si c’est pour le piquer, au moins, il ne souffrira plus". S’ensuit alors une succession de coups de fil. "Je téléphone au vétérinaire de garde et le plus proche de chez nous, chez qui nous avions déjà été pour un petit chaton. Quelle ne fut pas ma stupéfaction d'apprendre que ce véto ne prenait pas en charge les renards, que ce soit pour les soigner ou les euthanasier", explique Marilyn, qui a ensuite tenté de joindre plusieurs associations spécialisées en cherchant sur le net. "Ils me renvoient tous chez ce même vétérinaire qui n'en veut pas !".
"Si on l’euthanasie sans autorisation, et que quelqu’un nous tombe dessus, c’est nous qui avons tort"
Ce vétérinaire "qui n’en veut pas", est en l’occurrence le vétérinaire de garde ce soir-là, à la clinique d’Uccle. En réalité, ce n’est pas qu’il ne souhaite pas soigner l’animal, mais le renard étant sauvage, il ne peut pas intervenir comme il le souhaite. A Bruxelles, les articles 68 et 88 de l’ordonnance relative à la conservation de la nature de 2012 énoncent des règles très précises quant à la manipulation de la faune sauvage.
Il est arrivé au docteur Guy Vanhemelen, de la clinique vétérinaire d’Uccle, de soigner des renards ou des chevreuils, mais ceux-ci lui avaient été amenés par l’Institut bruxellois pour la gestion de l'environnement (IBGE). Sans autorisation, il n’a pas le droit d’agir. "Si on l’euthanasie sans autorisation, et que quelqu’un nous tombe dessus, c’est nous qui avons tort. Si on n’a pas de trace légale, on ne le fait pas", explique-t-il. Si un agent de police avait constaté l’animal allongé sur la route, il aurait pu rédiger un réquisitoire à l’attention d’un centre vétérinaire pour qu’il le prenne en charge. L’intervention se fait alors aux frais de la commune dans laquelle l’animal a été trouvé, nous explique Michel De Raemaeker, chef de corps de la zone de police d’Uccle-Watermael-Boitsfort-Audeghem, qui nous dit n’avoir jamais dû faire une telle intervention pour un renard.
Un policier lui conseille d'appeler un vétérinaire... et de mentir
Marilyn a pourtant appelé la police, où on l’a plutôt mal aiguillée: "Le policier que j’ai en ligne comprend la situation, et a le regret de me dire qu'il a eu le même scénario il y a deux jours, et que plus aucun vétérinaire ne se déplace ou n'accepte qu’on amène ce genre d'animal chez eux ! Il me conseille de dire que c'est un chien… Au pire j'aurais mal vu dans le noir. Il me souhaite du courage", nous explique-t-elle, désespérée. Elle a finalement emmené le renard dans son garage, où il a perdu la vie le lendemain matin. "Il a agonisé toute la nuit, il est mort et on l’a enterré".
Que faire dans ce cas?
Qu’aurait dû faire Marilyn ? Premièrement, manipuler un animal sauvage blessé, en plus d’être interdit, peut être dangereux, c’est donc fortement déconseillé. Cependant, les interlocuteurs que l’on a contactés pour cet article nous ont dit comprendre la réaction de la jeune femme. L’heure à laquelle l’incident s’est produit n’a certainement pas facilité la situation. La Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux (LRBPO), le centre de revalidation habilité à soigner la faune sauvage à Bruxelles, est ouvert de 9h à 17 heures. Ensuite, elle passe le relais à ses bénévoles (voir la liste des contacts pour Bruxelles et le reste du pays ici), qui ont reçu une dérogation leur permettant de prendre en charge des animaux sauvages. Mais en cas d’urgence (un animal gravement blessé, comme c’était le cas ici) à une heure un peu compliquée, le centre préconise d’appeler les pompiers de Bruxelles: "On a formé les pompiers à la capture d’animaux sauvages. Une équipe est prête à aller sur le terrain. Ils ont la clé des locaux, et ils viennent mettre l’animal dans une cage", explique Corentin Rousseau, le président.
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