Dans notre pays, ainsi que dans d'autres, les autorités publiques veulent faire valoir le principe de précaution et limiter, mieux encadrer voire interdire l'utilisation d'herbicides à base de glyphosate, puissant herbicide controversé (cancérigène ou pas?) mais aussi le plus vendu dans le monde.
La substance est prohibée dans les espaces publics en région bruxelloise depuis décembre 2016. En Wallonie, le ministre de l'Environnement Carlo Di Antonio compte déposer prochainement un projet d'interdiction d'usage, par un public non formé, des produits à base du glyphosate. L'objectif poursuivi est de garantir qu'une information pertinente soit fournie aux utilisateurs sur les précautions à adopter et sur les risques de ces produits. N'est-ce pas le cas actuellement ? Des militants de Greenpeace se faisant passer pour de simples consommateurs se sont rendus, équipés d'une caméra cachée, dans plusieurs magasins Brico, en Flandre et dans la partie francophone du pays, afin d'apporter une réponse à cette question (voir la vidéo au bas de cet article).
Les faux clients s'adressent à des vendeurs Brico dans les rayons des magasins et leur demandent "quelque chose pour désherber". Les vendeurs proposent du Roundup ou du Resolva, deux produits contenant du glyphosate, vantant leur efficacité. "Voici le Roundup, il détruit jusqu'à la racine et il a un effet rapide. Greenpeace entre autres est contre mais c'est le plus efficace", expose un vendeur. "C'est le plus fort que nous ayons en magasin", dit un autre. Quand les faux consommateurs leur demandent si c'est toxique, les employés du Brico se montrent rassurant. "Ce n'est en tout cas pas un produit écologique", reconnait un vendeur avant d'ajouter que "ce n'est pas plus nocif pour autant, ça c'est une fable". Un autre déclare qu'il n'y a pas de souci à se faire car le glyphosate n'est pas cancérigène.
L'Autorité européenne de sécurité des aliments a remis son avis: le glyphosate n'est pas cancérigène
Le caractère non-cancérigène du glyphosate n'est pas seulement affirmé par ce vendeur du Brico. Il y a quelques semaines, l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a jugé que le glyphosate ne devait pas être classé comme cancérigène. Les conclusions finales de l'ECHA seront transmises ultérieurement à la Commission européenne qui attend cette opinion pour prendre une décision concernant l'avenir du glyphosate dans l'Union européenne.
Deux ans plus tôt, en mars 2015, l'Agence internationale de recherche sur le cancer avait penché pour des conclusions inverses, considérant ce produit dangereux pour la santé humaine et pour l'environnement.
Des études accablantes sur le glyphosate cachées par Monsanto?
Suite à ces conclusions de l'agence européenne, 30 eurodéputés ont adressé vendredi une lettre à la Commission européenne pour exprimer leurs inquiétudes après les révélations des Monsanto Papers, ces documents rendus publics par la justice états-unienne dans le cadre d'un procès contre la multinationale. Ces derniers révèlent notamment que Monsanto a caché des "études accablantes" sur l'effet du glyphosate, substance active de l'herbicide le plus vendu au monde, indique le groupe des Verts du Parlement européen dans un communiqué.
Les documents suggèrent par ailleurs que Monsanto a réalisé elle-même des études qui ont ensuite été attribuées à des académiciens. L'une des études employées par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) dans son évaluation des herbicides a d'ailleurs été co-signée par deux scientifiques dont les noms apparaissent dans des courriels internes à Monsanto. Elle conclut que le glyphosate ne présente pas de risque pour la santé.
Désaccords entre les États membres sur le renouvellement de l'autorisation du glyphosate
L'utilisation du glyphosate est devenue de plus en plus controversée, sur fond de campagne active des défenseurs de l'environnement. La Commission européenne n'a pas réussi à convaincre les Etats membres de renouveler la licence de l'herbicide, qui arrivait à expiration à l'été 2016. Lors d'un vote fin juin au sein d'un comité scientifique où les États membres sont représentés, la France et Malte avaient voté contre et sept pays s'étaient abstenus (Allemagne, Italie, Portugal, Autriche, Luxembourg, Grèce, Bulgarie), bloquant la décision. L'exécutif européen s'était alors résolu à accorder une prolongation de 18 mois à la substance autour de laquelle les enjeux économiques sont importants: elle est l'ingrédient clé des herbicides les plus utilisés par les agriculteurs européens.
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