Ce matin, dans le BEL RTL Eco, notre expert Bruno Wattenbergh se posait une question simple : comment expliquer ces conflits sociaux omniprésents?
Pour notre expert en économie et dans les entreprises, les tensions sociales acutelles sont bien plus qu'un simple conflit pour des jours de congé ou des ajustements salariaux. Elles s'inscrivent dans le changement de notre société.
Comment interpréter le chaos social actuel … ?
Question à priori aussi politique qu’économique. D’abord, en 30 ans la globalisation a permis qu’un milliard de personnes rejoignent la classe moyenne. Ces gens ont bénéficié d’un ascenseur social en concevant des produits, en les développant en les fabriquant, en les commercialisant à des prix largement inférieurs à ce que nous étions capables de proposer. Nous avons bénéficié pendant des années de ces prix bas, pour notre électroménager ou nos vêtements, acceptant par là même de réduire la taille de notre industrie et de la cantonner dans le haut de gamme. Avec nos coûts salariaux les plus chers du monde ou presque nous ne sommes d’ailleurs plus compétitifs que dans le moyen - haut de gamme.
Mais nous sommes pourtant réputés comme étant les plus productifs ?
Oui, justement parce que nous avons les coûts salariaux les plus élevés du monde ou presque. Le problème c’est qu’aujourd’hui, la part de main d’œuvre dans les produits manufacturés a sérieusement baissé. Un ouvrier malaisien, avec la même machine qu’un ouvrier belge est tout aussi productif, mais son facteur travail coûte un 20ème du prix.
Mais cela n’explique pas le chaos actuel ?
Entre les années 70 et 90, nous avons absorbé les crises d’une manière bien décrite par les manuels d’économies, nous avons engagé des fonctionnaires, partagé le travail, pour amortir ces crises. Nous avons aussi distribué de nombreux avantages sociaux. Pour ce faire, nous avons emprunté, encore et encore, jusqu’à avoir aujourd’hui la dette la plus importante des pays européens qui ne sont pas en difficulté. Chaque fois que nous sommes sortis de la crise, à la place d’utiliser la croissance économique retrouvée pour se désendetter, nous avons refusé d’enrayer le progrès social. Et puis est arrivé un événement, pourtant prévisible, qui est le vieillissement de la population. Un pays dont la population vieillit produit moins et alimente donc moins la croissance, il dépense aussi plus en soins de santé. Et ce fameux train de vie, ces avantages sociaux parmi les plus avancés d’Europe, deviennent de plus en plus coûteux à financer. Ce gouvernement, comme tous les gouvernements d’Europe et des pays développés, tente d’adapter son marché du travail à ces contraintes. Avec un pari, celui que la flexibilité stimule la croissance et crée des emplois. Ce gouvernement tente aussi d’augmenter la productivité du secteur public, de rogner sur des avantages qui relevaient du progrès social, mais qui n’existent pas dans un secteur privé lui aussi mis sous pression.
Bref, nous changeons de monde, nous avons fait l’autruche pendant 10 ans, mais nous acceptons sans doute, ou pas, qu’aujourd’hui le balancier social doive mieux tenir compte de la réalité économique mondiale, que chacun soit plus responsable de son sort. Je suis d’accord avec le constat et il faut l’expliquer aux Belges avec pédagogie, mais je ne suis prêt à accepter cette régression sociale qu’à la condition sine qua non que cet effort, j’aie vraiment l’impression qu’il soit partagé par tous … et ça je n’en suis pas convaincu !
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