L'Union européenne s'est engagée à devenir neutre sur le plan climatique d'ici 2050, un "signal fort" envoyé par le continent en pleine COP25, mais terni par l'absence de la Pologne, qu'elle n'a pas réussi à convaincre.
"Nous sommes arrivés à un accord sur le changement climatique, c'est très important, c'est crucial", a lancé le président du Conseil européen Charles Michel lors d'une conférence de presse. Pour son baptême du feu à la tête du cénacle des dirigeants européens, le Belge a été confronté à une discussion difficile.
Sa décision d'annoncer un accord malgré l'absence de consensus a surpris même si la Pologne n'est pas allée jusqu'à bloquer l'adoption des conclusions du sommet. Le dirigeant, et à ses côtés la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, ont essayé de minimiser le délai accordé à la Pologne jusqu'en juin.
Le Conseil européen a "endossé" l'objectif de neutralité climatique d'ici 2050, mais il est noté dans les conclusions qu'un Etat membre "à ce stade ne peut pas s'engager à mettre en oeuvre cet objectif en ce qui le concerne".
Selon plusieurs sources, Varsovie avait demandé de pouvoir s'engager pour une date postérieure à 2050 (2070 a été évoqué), ce qui lui a été refusé. Le fait que la Pologne reste en dehors est "complètement acceptable", a assuré Mme von der Leyen. "Cet objectif (de neutralité) engagera l'UE dans son ensemble", assure-t-on à l'Elysée. Aux autres pays de convaincre Varsovie de se rallier l'été prochain.
"Nous comprenons que (la Pologne) a besoin de plus de temps", a expliqué Charles Michel. Le pays, encore très dépendant du charbon, est l'un des principaux pollueurs en Europe, et craint une transition énergétique désastreuse sur le plan économique et social.
"Engagement majeur"
En arrivant au Conseil, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki avait affirmé que le coût de la transformation énergétique dans son pays était "de loin plus élevé" que dans d'autres pays.
Si le reste de l'UE se montre compréhensif, Ursula von der Leyen a toutefois assuré, au lendemain de la présentation du Pacte vert européen, que "cela ne changerait pas le calendrier de la Commission". Cette feuille de route vise à mettre l'UE sur les rails de la neutralité climatique à l'horizon du milieu du siècle, au travers de diverses législations et plans d'actions dans des secteurs variés.
D'ici juin, la Commission aura présenté plusieurs actes législatifs, a souligné la chancelière allemande Angela Merkel. En particulier, la grande "loi climatique" européenne, dans laquelle la Commission compte inscrire l'objectif 2050, qui doit être présentée d'ici mars. Les dirigeants européens auront d'ici l'été également avancé dans la discussion sur le futur budget pluriannuel de l'UE pour la période 2021-2027, qui devra refléter les ambitions climatiques du bloc. Et en janvier, Ursula von der Leyen présentera son "fonds pour la transition juste", très attendu par les pays dont la survie de certaines régions est liée au charbon.
A l'entame du sommet, Varsovie n'était pas le seul pays récalcitrant. La Hongrie et la République tchèque affichaient aussi leur scepticisme, exigeant des garanties financières, mais également sur les moyens d'atteindre cet objectif climatique, y compris grâce au nucléaire. Inacceptable pour des pays comme l'Autriche ou le Luxembourg, cette référence à l'atome était défendue par les trois capitales de l'Est. Les autres dirigeants ont fini par céder et par en faire mention dans les conclusions. Une reconnaissance importante car elle ouvre la voie à des aides et subventions.
Le Premier ministre tchèque Andrej Babis s'est félicité d'avoir "convaincu" ses homologues que "l'énergie nucléaire est notre voie vers la neutralité climatique". Selon la présidence française, les dirigeants des 27 ont par ailleurs apporté un "soutien unanime" à la mise en place d’une "taxe carbone" des produits provenant de l'extérieur de l'UE "s’ils ne respectent pas les mêmes exigences climatiques que les entreprises européennes".
Nettement plus nuancées, les conclusions officielles du sommet se bornent à indiquer que le Conseil "prend note de l'intention de la Commission de proposer un mécanisme d'ajustement aux frontières pour les secteurs très carbonés". Le principe d'une telle taxe carbone aux frontières, réclamée de longue date par la France, vise à lutter contre le "dumping environnemental" et éviter le déplacement des émissions de CO2 vers des pays où il n'a pas de prix.
©AFP
L'avant-sommet avait été marqué par une action spectaculaire de Greenpeace, dont une trentaine de militants, trompant la sécurité du siège du Conseil, ont escaladé le bâtiment, déployant une banderole sur "l'urgence climatique" et allumé des fumigènes.
L'ambition climatique de la nouvelle Commission est largement liée au futur budget pluriannuel de l'UE pour la période 2021-2027. Un sujet épineux mais sur lequel les dirigeants ne se sont pas attardés, chargeant le président du Conseil Charles Michel "de faire avancer les négociations".
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