Un banal traitement à la chloroquine, médicament couramment utilisé contre le paludisme, a montré des signes d'efficacité contre le coronavirus, a assuré mardi à l'AFP Didier Raoult, directeur de l'Institut Méditerranée Infection à Marseille, en s'appuyant sur les résultats d'une étude clinique chinoise.
"Nous savions déjà que la chloroquine était efficace in vitro contre ce nouveau coronavirus et l'évaluation clinique faite en Chine l'a confirmé", explique le professeur Raoult, spécialiste renommé des maladies infectieuses, en commentant la première publication sur cette étude clinique de trois chercheurs chinois dans la revue BioScience Trends.
"Finalement, cette infection est peut-être la plus simple et la moins chère à soigner de toutes les infections virales", ajoute le directeur de cet institut hospitalo-universitaire très impliqué dans la détection du nouveau coronavirus en France.
Si ça s'avérait efficace, ce serait extraordinaire
Emmanuel Bottieau, chef de l'unité de maladie tropicale à l'institut de médecine tropicale d'Anvers, était l'invité du RTL INFO 19H. Nous l'avons interrogé sur cette information. Précisons qu'il s'agit d'une réaction en dernière minute, car la nouvelle est tombée quelques minutes avant l'interview.
"À ce stade-ci on étudie des centaines et des centaines de molécules sur le virus qui a été identifié. On fait toute une série d'analyses en laboratoire. Il est possible que cette molécule de chloroquine, qui est un anti-parasitaire utilisé contre la malaria, mais qui a aussi une autre activité anti-inflammatoire en général, pourrait être utile. Mais ça reste je pense des analyses de laboratoire, il faudra bien entendu confirmer ça sur des cas cliniques", a réagi Emmanuel Bottieau.
Nous lui avons demandé si ça pourrait accélérer la mise en place d'un vaccin. "L'idéal ce serait qu'on trouve une molécule qui existe déjà, qu'on connaît très bien, la chloroquine est une molécule qui provoque très peu d'effets secondaires, si ça s'avérait efficace, ce serait extraordinaire", a répondu Emmanuel Bottieau.
Un essai dans plus de dix hôpitaux chinois
L'article publié en ligne le 19 février tire ses résultats d'un essai clinique mené dans plus de dix hôpitaux chinois (à Wuhan - épicentre de l'épidémie, Pékin et Shanghai notamment) pour mesurer "l'efficacité de la chloroquine sur le traitement de pneumonies associées au Covid-19".
L'article s'appuie sur une étude déjà menée ne 2004 par la KUL. Lors de l'épidémie du SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère, connu également sous le nom de pneumonie atypique, NDLR), des virologistes de la KUL, sous la direction du professeur Marc Van Ranst, avaient déjà découvert que la chloroquine, disponible dans le monde entier et très bon marché, présentait une activité antivirale efficace contre le virus.
Selon des tests menés en cultures cellulaires, contaminées au coronavirus de type 1, cet antiviral semble fonctionner en concentrations qui sont sans danger pour l'homme. "Le médicament est en outre simple à produire en grandes quantités, bien qu'il y ait actuellement peu de producteurs dans le monde", a souligné le Pr. Van Ranst.
"Les résultats obtenus jusqu'à présent sur plus de 100 patients ont démontré que le phosphate de chloroquine était plus efficace que le traitement reçu par le groupe comparatif pour contenir l'évolution de la pneumonie, pour améliorer l'état des poumons, pour que le patient redevienne négatif au virus et pour raccourcir la durée de la maladie", précisent les chercheurs chinois.
La brève étude ne quantifie toutefois pas cette différence d'efficacité.
"Les capacités antivirales et anti-inflammatoires de la chloroquine pourraient jouer dans son efficacité potentielle à traiter des patients atteints de pneumonies provoquées par le Covid-19", poursuit l'article sur l'étude menée par les professeurs Jianjun Gao, Zhenxue Tian et Xu Yang, de l'université de Qingdao et de l'hôpital de Qingdao.
Une nouvelle d'autant plus intéressante que "la chloroquine est un médicament peu cher et sans danger, utilisé depuis plus de 70 ans", insiste l'article.
Dix jours de traitement
Selon les chercheurs chinois, un traitement de 500 mg de chloroquine par jour pendant dix jours serait suffisant.
"C'est une extraordinaire nouvelle, ce traitement qui ne coûte rien", a insisté le professeur Raoult auprès de l'AFP, se félicitant du travail des chercheurs chinois pour trouver un médicament efficace, voie à privilégier selon lui plutôt que la recherche d'un vaccin qui ne pourrait de toute façon pas être disponible avant de longs mois.
Interrogé sur BFMTV depuis Rome sur ce traitement, le ministre français de la Santé Olivier Véran a assuré s'être entretenu à plusieurs reprises avec Didier Raoult: "Il m'a fait part de ses observations et des études qu'il mettait en évidence, que j'ai fait remonter à la direction générale de la santé qui est en train de faire toutes les analyses". "On sait qu'il y a des études intéressantes en effet sur un impact in vitro mais les études sur le patient restent encore à déterminer", a encore dit le ministre.
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