Les tunnels bruxellois font l'objet d'une surveillance depuis quelques semaines en raison de leur état. Mais la sonnette d'alarme avait été tirée il y a bien longtemps. Eric Van Duyse et Eric Poncelet se sont procurés une note prouvant que l'administration avait déjà attiré l'attention de la classe politique depuis 2009. Dans le cas de certains tunnels, des travaux ont même été annulés par le ministre en charge du dossier.
Il s'agit d'une petite phrase qui date du 14 juillet 2010. Elle risque pourtant de faire grand bruit. À l'époque, elle met fin au projet d’entretien du tunnel Rogier. "Au niveau des travaux d'étanchéité, la réfection de l'étanchéité du tunnel routier ne sera pas réalisé dans le cadre du présent projet", peut-on lire dans le document que nous nous sommes procurés. En jargon administratif, c’est ce qu’on appelle une note verte. Elle est signée par le chef de cabinet de Brigitte Grouwels. En bref, la ministre des Travaux publics de l’époque enterre la rénovation du tunnel.
"D'importantes zones présentent des dégradations graves"
Pourtant, la situation est sérieuse. Et ce n’est pas récent. Retournons un peu plus loin dans le temps. Déjà en 2009, le 26 janvier exactement, un ingénieur de Bruxelles Mobilité lance l’alerte: l’état de la couverture du tunnel est inquiétant. "Il est évident que l'état du plafond est à tout le moins alarmant, et que d'importantes zones présentent des dégradations graves directement imputables aux infiltrations", indique notre document exclusif.
A l’époque, comme aujourd’hui, le ministre bruxellois de la Mobilité s’appelle Pascal Smet. Il refuse toute interview, mais il affirme avoir lancé à l’époque un vaste projet d’étude pour les tunnels bruxellois. L’administration, Bruxelles Mobilité lance alors l’étude de faisabilité, avec une idée: profiter de l’immense chantier de rénovation de la place Rogier pour étanchéifier par le dessus le plafond du tunnel. Le coût estimé est d'environ 4 millions d'euros.
"On prend le risque non négligeable de devoir démonter les deux tiers du nouvel aménagement"
En juin 2010, après un lourd travail de l’administration, le dossier est enfin prêt. Pour les ingénieurs de Bruxelles Mobilité, le renforcement du tunnel est plus indispensable que jamais. Ils préviennent même la ministre. Si les travaux ne sont pas faits maintenant, cela coûtera beaucoup plus cher. "On prend le risque non négligeable de devoir démonter les deux tiers du nouvel aménagement de la place Rogier, et de le réaménager à nouveau, ce qui n'irait pas dans le sens d'une bonne gestion des moyens limités de la région", alertent les ingénieurs.
Mais rien n’y fait. La ministre efface le projet de rénovation du tunnel Rogier. En novembre 2014, un bloc de béton se détache et tombe sur une voiture. Le public prend soudain conscience de l’état lamentable des tunnels.
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