Des pigeons sont-ils empoisonnés par des individus n’appréciant pas leur présence à Ixelles ? C’est ce que pense Laetitia, une habitante de cette commune bruxelloise, peinée d'avoir vu plusieurs de ces oiseaux dépérir sur la place Fernand Cocq : "Ils restent immobiles sur place pendant des heures avant de mourir", raconte-t-elle via notre bouton orange Alertez-nous. "Quelqu’un doit leur donner de la nourriture qui les fait mourir à petit feu", pense-t-elle, jugeant que "c’est un acte de barbarie, une tuerie !"
Début septembre, des dizaines de cadavres de pigeons ont dû être retirés sur cette place tandis qu’une cinquantaine d'autres étaient euthanasiés pour abréger leurs souffrances. Un mois plus tard, ces morts subites n'ont toujours pas d'explication. Acte malveillant, épidémie ? Une enquête est en cours et l'échevin du bien-être animal, Yves Rouyet, "espère avoir prochainement des réponses de la part de la police du quartier, pour attraper le ou les coupable(s) s’il y en a".
"On ne peut pas affirmer que chaque oiseau qui meurt dans le secteur a mangé des graines empoisonnées. Par contre, lorsque l’on observe une cinquantaine d’individus à l’agonie sur un même secteur il est presque certain que cela n'a rien de naturel", estime pour sa part Nadège de la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux (LRBPO) qui a été régulièrement sollicitée ces derniers temps pour des morts suspectes.
Trop de pigeons dans certains lieux d'Ixelles ?
Qui pourrait vouloir s'attaquer aux pigeons ? L'oiseau ne plait pas à tout le monde selon Nadège. "Il y a des gens qui ne peuvent pas voir les pigeons en peinture. Ils les associent à des nuisibles, parfois sans réel fondement, parfois à cause de leurs déjections. Le pigeon est vu comme un animal sale alors que cela n’est pas plus vrai pour cette espèce que pour une autre", explique la passionnée d’ornithologie.
Peut-être les pigeons subissent-ils l'action radical de gens qui estiment qu'il y en a trop ? L'échevin ne cache pas qu'il y a actuellement un nombre excessif de ces volatiles dans certains endroits de la commune. "Il y a entre 10 et 15 lieux à pigeons sur la commune, avec des populations allant de 60, pour les plus petites, à 300 pigeons, surtout au niveau des étangs d’Ixelles, ce qui est énorme. C’est pourquoi nous devons trouver une solution."
Stériliser les mâles dominants
Mais la solution ne doit pas consister à tuer les oiseaux, estime l'échevin. Au-delà de l'aspect éthique, elle ne constitue de toute façon pas, selon la LRBPO, une méthode efficace : "Il a été observé que la destruction rapide et massive d’une population de pigeons ne règle pas le problème de population mais a plutôt tendance à l’aggraver. En fait, cela libère un territoire pour d’autres groupes qui vont venir s’installer et proliférer, souvent encore plus que les précédents", détaille Nadège.
La méthode privilégiée par la commune pour limiter le nombre de pigeons est la stérilisation. "Mais cela ne peut pas se faire n’importe comment. En distribuant des graines stérilisantes à certains individus, les Alphas, qui dominent au sein d’un groupe, nous espérons observer une diminution du nombre d’oiseaux, et donc une diminution de leur détracteurs". Cette initiative est encore en phase de test. Selon la commune, une collaboration avec une "firme de monitoring" doit avoir lieu prochainement afin d’évaluer l’efficacité du procédé.
Attention au nourrissage
Les pigeons d'Ixelles pourraient aussi avoir succombé à des maladies. Celles-ci peuvent être favorisés par un geste qui peut paraître bienveillant mais qui, selon la LRBPO, ne l'est pas: le nourrissage. Qui n'a pas lancé, au moins une fois dans sa vie, des bouts de pain à des pigeons ? "Certains riverains pensent bien faire en donnant à manger aux oiseaux, mais il faut savoir que c’est tout l’inverse. D’abord et de manière générale, les oiseaux ont tendance à s’entasser lorsqu’on les nourrit, plus qu’ils ne le feraient naturellement et rencontrent des groupes qu’ils ne croisent pas en temps normal. Cela favorise la prolifération de maladies et peut donc décimer des populations assez rapidement", avertit Nadège. "De plus, ils prennent l’habitude d’être nourris, ce qui facilite la tâche à ceux qui veulent les empoisonner", poursuit-elle.
Autre problème, la qualité de la nourriture peut avoir des conséquences néfastes sur les colonies d’oiseaux, "Les gens pensent bien faire en donnant du pain aux pigeons mais cela provoque au contraire des dérèglements importants dans leur régime alimentaire. C’est un peu comme si on nourrissait un enfant uniquement avec des cheeseburgers, il sera content et n’aura plus faim. Pourtant, c’est loin d’être positif pour son système digestif qui tolère mal ce genre de nourriture", détaille la soigneuse.
C'est pour ces raisons qu'à Ixelles, comme dans de nombreuses autres communes du pays, il est interdit de donner de la nourriture aux pigeons, une mesure soutenue par la LRBPO.
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