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Des centaines de mineures en petite tenue sur une page Facebook: "Nos ados ne mesurent pas la portée de leur geste"

 

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Smartphones, applications photo (Instagram, Snapchat, etc.), réseaux sociaux: un trio magique auquel de nombreux ados sont très accros. Prendre une photo ou une vidéo délirante, un peu provocante ou sexy de soi et la partager avec des amis ou son petit ami ? Rien de plus fun, de plus simple, de plus rapide, de plus naturel quand on est un ado pourrait-on presque écrire. Mais ce n'est pas sans risque. Ces photos peuvent vite se retrouver ailleurs, comme sur la page Facebook dénoncée par Sébastien. Child Focus et la police fédérale observent la régulière absence de prise de conscience chez les très jeunes adolescent(e)s.

"J'ai trouvé sur Facebook une page où je trouve que les photos de ces demoiselles sont très très dévêtues", nous a écrit, via la page Alertez-nous, Sébastien, un habitant de Herve (province de Liège). Ces "demoiselles" sont pour la plupart de jeunes adolescentes, mineures, 14-15 ans probablement. Elles posent généralement en maillot, prenant des poses de mannequin ou mettent ostensiblement en évidence leur poitrine. La page Facebook a été créée le 17 février dernier mais, deux semaines plus tard, défilent déjà des centaines de photos, individuelles, parfois de groupe, souvent en mode selfie (autoportraits très en vogue pris avec son appareil photo ou son smartphone). Si on peut imaginer que des jeunes filles, en pleine période de découverte de leur corps, puissent s'échanger des photos d'elles sur Facebook, les commenter et en rire, il ne fait guère de doutes que la page Facebook qui fait l'objet de notre article est, elle, gérée par un adulte et qu'elle vise un public adulte, avec le concours involontaire de centaines de jeunes mineures...

Choqué, Sébastien a signalé la page à Facebook pour la faire retirer. La société américaine a refusé, répondant que cette page, aimée par plus de 10000 personnes, ne contrevenait pas à ses règles, ce qu'elle appelle ses standards de sa communauté (voir plus bas).

D'où viennent ces photos ?

Il est probable que le ou les créateurs de cette page Facebook vont chercher les photos des jeunes adolescentes à gauche et à droite sur internet, certaines directement sur leur profil Facebook, bien entendu à l'insu de celles-ci.

"Ce n'est pas bien compliqué", nous dit Olivier Bogaert de la Computer Crime Unit (CCU), l'unité de la police fédérale spécialisée dans la cybercriminalité, alors qu'il se rend justement dans une école de Tournai pour une séance de sensibilisation auprès des adolescents. Il explique. Google Images (le moteur de recherche d'images de Google) est très puissant. Il suffit de taper les bons mots-clés. Par exemple, si vous associez le mot Snapchat (une application très appréciée des ados qui permet de prendre des photos et vidéos et les envoyer très facilement à ses amis qui ne peuvent les voir qu'un temps limité, détails au bas d'article) avec des mots-clés adaptés comme délire, sexy, etc., la quantité d'images de jeunes adolescentes sera énorme.

S'il veut alimenter quotidiennement sa page Facebook avec des photos de mineures sans trop se fouler, l'auteur associera Google Alert à Google Images. Google Alert lui apportera automatiquement et à intervalles réguliers les nouvelles images arrivées pour les mots-clés qu'il aura précisés.

Comment signaler une page à Facebook ?

Nous l'avons écrit en début d'article, Facebook permet à n'importe quel utilisateur de signaler une page. C'est ce qu'a fait Sébastien. L'utilisateur doit cliquer sur le bouton Signaler. Facebook ouvre alors une petite fenêtre (on dit popup dans le jargon internet) qui demande de choisir un motif du signalement (voir photos au bas de l'article) parmi les suivants:

- Je n'aime pas
- Cela relève du harcèlement à mon encontre ou à l'encontre de quelqu'un que je connais
- Je pense que cela ne devrait pas être sur Facebook
- C'est un message indésirable ou une escroquerie
- Je souhaite signaler une publication, pas la Page complète
- Elle est dupliquée ou mal classée.

Si l'internaute choisit "Cela ne devrait pas être sur Facebook", Facebook demande quel est le problème avec cette page. Vous avez alors le choix entre…

- Contenu sexuellement explicite
- Spam ou arnaque
- Discours incitant à la haine
- Violence ou comportement dangereux

Dans le cas présent, Sébastien a sélectionné "Contenu sexuellement explicite". Un message a été envoyé à Facebook et un modérateur de la société a examiné la demande de suppression de la page. Il a rejeté cette demande, estimant sans doute qu'on n'était pas strictement dans le cas de figure mentionné par Facebook dans ses Standards de la Communauté: "Facebook interdit la publication de contenus pornographiques et de matériaux de nature sexuelle lorsqu’un mineur est impliqué. Nous imposons également des limites à l’affichage de certaines parties du corps." L'auteur de la page Facebook qui fait l'objet de cet article connait certainement très bien ce standard, ayant pris soin de ne publier aucune photo de fille nue...

Ce mardi après-midi, suite à la publication de notre article, Child Focus a obtenu la fermeture de cette page, un des auteurs de cette page ayant finalement commis l'imprudence de poster la photo d'une fille nue.

Un canal de communication avec Facebook unique pour notre police

La Computer Crime Unit dispose, elle, d'un canal unique de communication avec Facebook pour signaler, elle aussi, des comportements illégaux. "Ils réagissent très vite, dans l'heure, quand une vie est menacée", explique Olivier Bogaert. Cette unité spéciale de la police n'intervient en effet pas seulement pour des cas lié à de la pédophilie. Tous les crimes sur les réseaux sociaux sont traqués. Par exemple, s'il y a une volonté délibérée de l'auteur de publier toujours des photos de la même personne, s'il y a des commentaires insultants ou calomnieux répétitifs, s'il y a des menaces de mort répétées, la CCU contacte Facebook (basé aux Etats-Unis) et, s'appuyant sur une plainte ainsi que le réquisitoire d'un magistrat, peut demander la fermeture d'une page mais aussi des informations sur son auteur.

Un ado peut se créer un profil Facebook à partir de 13 ans

Revenons à notre cas présent. Facebook refuse la suppression de la page. Et des pages comme celle-là, il en existe certainement des dizaines d'autres. La lutte doit plutôt se situer en amont, en agissant sur le comportement des filles elles-mêmes. Pour rappel, un jeune peut disposer d'un profil Facebook à partir de 13 ans. Cet âge limite n'est pas lié à une quelconque mesure de protection des mineurs mais bien à une loi relative aux pratiques commerciales, explique Olivier Bogaert. La législation américaine, à laquelle est soumise Facebook, entreprise américaine, interdit à toute société d'utiliser à des fins commerciales des informations personnelles de mineurs de moins de 13 ans.

L'action la plus utile et la plus efficace résidera dans l'éducation et la sensibilisation des jeunes adolescentes. Celles-ci doivent prendre conscience que si elles publient une photo d'elle sur Facebook ou sur un autre espace social sur internet, il y a toujours un risque que cette photo soit utilisée par d'autres à des fins moins légères que juste montrer une photo "délire" aux copines. Il semble que la tranche d'âge la plus exposée est 13-15 ans. Passé cet âge, petit à petit, les adolescent(e)s commencent à se montrer plus prudent(e)s.

Des jeunes adolescentes pas toujours conscientes des risques de détournement de leurs photos

"Elles s'exposent, elles prennent des risques que leurs photos soient détournées et réutilisées à des fins malveillantes. La photo peut être utilisée contre la volonté de la fille. Elles ne mesurent pas la portée de leur geste", déplore Olivier Bogaert. De son côté, Facebook se protège en prévenant: "Ne publiez rien que vous ne voudriez pas que vos parents, vos professeurs ou votre employeur voient". Mais il faut bien chercher pour trouver cet avertissement dans ses pages...

Child Focus, que nous avons contacté dit à peu près la même chose. Et constate souvent la naïveté et l'inconscience des jeunes ados. "Lorsqu'on demande aux jeunes Est-ce que tu montrerais cette photo à tout le monde sur la Grand-Place de Bruxelles ?, ils sont à chaque fois surpris, ne comprennent pas. Il faut que les jeunes adolescents réalisent", insiste Maryse Rolland de Child Focus. D'autant que ces photos peuvent les poursuivre longtemps. On sait que de plus en plus d'employeurs vérifient sur Facebook à quels candidats ils ont affaire. "Imaginez qu'une adolescente postule pour un job d'étudiants et que l'employeur voit une photo d'elle en petite tenue, cela ne donne pas une très bonne impression", alerte Maryse Rolland.

Click Safe: un site web très utile pour enfants, ados et parents

Child Focus a édité Click Safe, un site web de prévention en matière de sécurité en ligne. Celui-ci s'adresse aux enfants, aux adolescents, aux parents et aux professionnels via 4 espaces différents adaptés à chaque public. Dans les pages destinées aux adolescents, on peut notamment lire l'avertissement suivant: "Le fait de pouvoir partager des photos sur un profil est probablement l’une des plus belles trouvailles de ces dernières années. Rien de plus facile pour que tout le monde voie à quel point la fête était super, à quel point tu t’entends bien avec tes amis, et comme ton chien est mignon… Sois quand même prudent avec les photos que tu places sur ton profil. Évite les photos provocantes de toi. Il se peut que quelqu’un les mémorise sans que tu le saches et qu’elles ressortent un jour autre part."

Snapchat est une application de partage de photos et de vidéos disponible sur plates-formes mobiles. Elle est conçue et développée par des étudiants de l'université Stanford en Californie. La particularité de cette application est l'existence d'une limite de temps de visualisation du média envoyé à ses destinataires. Chaque photographie ou vidéo envoyée ne peut être visible par son destinataire que durant une période de temps allant d'une à dix secondes ; le média cesse ensuite d'être disponible à la visualisation et est supprimé des serveurs Snapchat. Cependant, il est assez aisé pour les utilisateurs de faire des captures d'écran. En novembre 2013, Snapchat rejette une offre de rachat de Facebook, d'un montant de 3 milliards de dollars, et de 4 milliards de dollars de Google.

> VOS REACTIONS SUR NOTRE PAGE FACEBOOK: "Elles suivent aussi les exemples qu'elles voient sur le Net et a la TV: Cyrus, Rihanna, Shakira, Beyoncé, quasi toutes à poil dans leur clip. Après vous êtes étonnés que ce genre de phénomène explose sur les réseaux sociaux" (Phil)


 

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