Il a compté jusqu'à 200.000 membres francophones, avant d'être supprimé par Facebook: un groupe avait pour but de rassembler les témoignages d'effets secondaires suite à la vaccination contre le coronavirus. Mais il servait davantage d'espace de propagande pour les "Antivax". Explication et décryptage.
Un groupe Facebook baptisé 'Recensement effets indésirables vaccin Covid officiel' s’est mis en place au fil des mois pour permettre à ses membres d’échanger sur les effets indésirables qu’ils ou leurs proches ont vécu à la suite de leur vaccination contre le Covid-19. Le but de ce groupe était officiellement "de pouvoir partager son expérience afin de ne pas rester seul avec son problème". Chaque jour, des milliers de nouveaux membres intégraient le groupe jusqu'à ce qu'il atteigne 200.000 adhérents au début du mois d'août, moment où il été supprimé par Facebook qui a probablement jugé que trop de fake news y circulaient. Cependant, les administrateurs avaient prévu des groupes parallèles au cas où l'un d'eux serait supprimé.
Sur la page des 'règles de vie' de Facebook, un message lié aux contenus évoquant le coronavirus
Christel trouve ça "inquiétant"
Avant la suppression de ce groupe, Christel, qui habite Waterloo (Brabant wallon) avait contacté la rédaction de RTL info via notre bouton orange Alertez-nous. Elle n’est pas contre le vaccin mais elle aimerait se renseigner un peu plus avant de prendre une décision. Sa mère est vaccinée et n’a pas eu d’effet secondaire, mais Christel veut être prudente: sa sœur qui vit aux Etats-Unis lui a dit que le vaccin Johnson & Johnson y était interdit, alors qu’il est autorisé en Europe. Elle se pose donc des questions.
En effectuant ses recherches, Christel est tombée par hasard sur le groupe Facebook en question, qui avait alors 56.000 membres. Quinze jours après son adhésion, ils étaient 150.000. Un groupe très populaire, donc, ce qui interpelle beaucoup Christel. "Cela me semble assez inquiétant", conclut-elle.
Des commentaires haineux d’"Antivax"
Sur cette page, on trouve comme prévu des témoignages. La plupart décrivent des problèmes de santé survenus après leur vaccination (sans forcément de relation de cause à effet), et appellent ceux qui ont vécu la même chose à prendre contact dans les commentaires.
Si on y lit quelques personnes bienveillantes cherchant à s’entraider, recommandant la prise de rendez-vous avec un médecin ou bien envoyant un message de soutien, la plupart de commentaires sont des analyses médicales réalisées par des citoyens lambda ouvertement contre la vaccination, sans compter les nombreuses analyses dites complotistes (traçage de la population, 5G, Bill Gates, etc.).
Enfin, nous avons remarqué que plusieurs administrateurs du groupe affichaient publiquement leur soutien au mouvement 'anti pass sanitaire' (désormais obligatoire en France pour aller au restaurant ou au cinéma, par exemple) dans leur image de profil.
Pour toutes ces raisons, on l'imagine, Facebook a supprimé cette page à la fin du mois de juillet. Le réseau social, souvent critiqué pour héberger des contenus militants ou orientant l'opinion publique à coup de mensonges, fait régulièrement le nettoyage.
Exemple de témoignage sur ce groupe Facebook:
Il existe des plateformes officielles pour les effets secondaires
Il y a deux systèmes d’enregistrement des effets secondaires en Belgique : vaccinnet.be et l’Agence fédérale des médicaments (AFMPS). Le premier permet au personnel médical uniquement d’encoder les effets secondaires constatés 15 minutes après l’administration du vaccin.
Le deuxième (voir le site) permet aux patients de déclarer des effets secondaires. Toutes les questions/réponses sont accessibles en ligne, notamment via cette page de l'AFMPS. Deux fois par mois, l'AFMPS publie également des analyses chiffrées et documentées, belges et européennes, relatives aux effets secondaires: voici la dernière version, en date du 12 août.
La page du site de l’AFMPS précise qu’en cas de question concernant un traitement médical il faut s’adresser à son médecin ou pharmacien qui, ayant connaissance de votre dossier médical, seront les plus aptes à répondre à ces questions.
Vaccination et "infodémie"
La vaccination divise la société depuis quelques années déjà. Mais avec la pandémie de coronavirus, les positions se sont cristallisées. Dès le départ, les autorités sanitaires ont reconnu quelques effets indésirables, mais ont conclu que la balance bénéfice-risque pour l'ensemble de la société était largement positive. Pour dire les choses plus simplement: il y aurait eu plus de morts sans vaccin qu'avec vaccin ; les dégâts collatéraux sur les soins de santé et l'économie auraient été plus importants encore sans cette vaste campagne de vaccination.
Si en Belgique, 84,9% des adultes ne semblent pas contre (ils ont en tout cas reçu au moins une dose de vaccin), ce n'est pas le cas ailleurs dans le monde, notamment en France, où est né le groupe Facebook dont on parle aujourd'hui.
L'existence d'un tel groupe n'est pas anodine. Certes, c'est plus facile d'échanger et de communiquer sur Facebook que sur le site de l'AFPMS. Mais il est probable que ceux qui y sont les plus actifs n'ont pas vraiment confiance dans tout ce qui est lié 'aux autorités' au sens large. C'est une mouvance 'anti-système' (contestation a priori de tout ce qui est imposé par l'Etat ou l'exécutif, donc ceux qui nous 'dirigent'), et elle est plus marquée en France qu'en Belgique.
Grégoire Lits est professeur à l’Institut de langage et communication de l’UCLouvain. "Plus que liée à un besoin de s’informer sur le vaccin, la naissance de ce groupe prend, je pense, sens dans le contexte politique français actuel dont une partie de la population manifeste une perte de confiance dans les autorités publiques (mouvement qui se dessinait déjà dans les manifestations des Gilets jaunes en 2018 et qui se poursuit actuellement)."
Ce genre de groupe Facebook est qualifié par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) d'Infodémie COVID-19, soit "une diffusion très importante d’informations de qualité diverse sur le virus, l’épidémie et le vaccin dans un contexte d’incertitude (sur l’origine du virus, sur l’efficacité des vaccins, sur l’avenir de l’épidémie) accentuée par la généralisation de l’utilisation des réseaux sociaux comme outils de partage d’information entre individus", nous écrit le professeur Lits. Il ajoute que "cette infodémie est une des dimensions de l’épidémie qui doit être gérée par les gouvernements pour lutter contre le virus, car si des personnes sont mal informées où ont des perceptions erronées de l’épidémie, elles adopteront certainement des comportements conformes à leur perception. Si vous êtes convaincu que le virus n’existe pas ou qu’il n’est pas dangereux pour vos proches, il y a beaucoup de chance que vous refusiez par exemple de vous faire vacciner".
L’origine des informations qui nous parviennent via les flux de nos réseaux sociaux est parfois difficile à établir
Eduquer pour identifier les sources d'informations
Il apparait donc essentiel de mieux éduquer la population, et surtout les plus jeunes, à l'utilisation d'internet, des réseaux sociaux, des médias. Non pas pour les orienter vers telle ou telle 'vérité', mais bien pour qu'ils sachent ce qu'ils sont en train de lire, de regarder, d'écouter: qui diffuse l'information ? Dans quel contexte ? Est-il neutre et objectif, ou plutôt militant ?
"Une des difficultés aujourd’hui est que l’origine des informations qui nous parviennent via les flux de nos réseaux sociaux est parfois difficile à établir et que dans ces flux peuvent se mêler des articles issus de sources fiables et de sources non fiables. Il s’agit donc de vérifier ces informations en les recoupant avec des sources légitimes multiples. Il existe également de nombreux sites de fact checking permettant de vérifier certaines informations. Concernant l’épidémie et les vaccins, un bon réflexe est également de discuter directement avec son médecin ou des professionnels de la santé".
Grégoire Lits précise qu’à la différence de la France (qui impose pass sanitaire et aussi vaccination pour le personnel soignant), la stratégie vaccinale belge vise à diffuser des informations correctes le plus largement possible en vue d’augmenter l’adhésion à la vaccination, ce qui diminue l’intensité de l’infodémie en Belgique. Mais ça pourrait changer: il y a des discussions liées à la vaccination des enseignants et du corps médical belge.
Effets secondaires indésirables chez 0,32% des vaccinés en Belgique
Il est important de se concentrer sur les chiffres, les recensements officiels des effets secondaires en Belgique et en Europe. Et de bien comprendre qu'un effet indésirable est dans la grande majorité des cas anodin (sinon le vaccin n'aurait pas dépassé les premières phases de tests cliniques), et qu'il est parfois impossible de faire un lien formel avec le vaccin (si vous avez une infection urinaire 5 jours après le vaccin, rien ne prouve que ce soit à cause du vaccin, mais ça rentre dans les statistiques, on parle donc d'effets indésirables présumés).
Dans le bilan bimensuel des effets indésirables des vaccins contre le Covid-19, l'Agence fédérale des médicaments (AFMPS) rapporte que mi-août 2021, 8.191.161 personnes ont reçu au moins une dose d’un vaccin contre le Covid-19. Sur ces personnes, 26.630 ont rapporté avoir eu des effets indésirables via le formulaire de notification en ligne (référé plus haut). Cela signifie que 0,32% des personnes ayant reçu au moins une dose ont rapporté avoir eu des effets indésirables.
On peut les diviser selon les quatre vaccins inoculés en Belgique. Pfizer: 0,22% des personnes vaccinées ont notifié des effets indésirables ; Johnson&Johnson: 0,28% ; Moderna: 0,50% ; AstraZeneca: 0,60%.
Ces réactions sont normales et indiquent une activation du système immunitaire
De quels effets parle-t-on ?
Parmi les 26.630 rapports belges, 9.962 ont été enregistrés dans la base de données européenne de pharmacovigilance EudraVigilance. Il y a forcément un classement de ces effets, car ils sont très variables.
Ont été considérés comme graves les symptômes provoquant une incapacité de travail temporaire ou une impossibilité de quitter la maison. Il s'agit de fièvres, de douleurs musculaires, de malaises et de réactions au point d’injection. "Ces réactions sont normales et indiquent une activation du système immunitaire. Elles disparaissent généralement après quelques jours", écrit l'AFPMS dans ce rapport. 6.788 des 9.962 rapports belges ont été classifiés comme graves.
Il y a aussi, malheureusement, des décès parmi les 9.962 rapports belges. On en dénombrait 199 à la mi-août. A nouveau, on parle de données brutes: difficile voire impossible de prouver qu'une personne vaccinée à 90 ans dans sa maison de repos et qui était en mauvaise santé soit morte à cause du vaccin. En réalité, "quatre décès sont considérés comme probablement liés au vaccin", et il s'agit de certaines formes de thromboses avec les vaccins AstraZeneca et Johnson&Johnson, comme on le sait depuis plusieurs mois. Il y a donc 0,000048% de décès.
L'AFMPS dit avoir reçu des notifications d'effets secondaires liés aux règles chez les femmes (cycles perturbés). Cela a été discuté au niveau européen, et "aucune relation de cause à effet n'a pu être établie" tandis que "la grande majorité de ces effets indésirables n'étaient pas graves et se sont résolus spontanément".
L'analyse des effets secondaires évolue, par ailleurs. Par exemple, les experts européens ont "conclu que des cas de vertiges et d'acouphènes sont associés à l'administration du COVID-19 Vaccine Janssen".
L'Agence belge conclut : "481 millions de doses ont déjà été administrées en Europe, 86 millions au Royaume-Uni et 351 millions aux États-Unis. L'expérience acquise à ce jour confirme que la balance bénéfice-risque des vaccins contre la COVID-19 reste positive".
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