Né malentendant, Hugo est également touché par une maladie dégénérative des yeux. Une double atteinte causée par le syndrome d'Usher, un trouble génétique rare.
Hugo est un petit garçon presque comme les autres. Il aime les belles voitures, voudrait passer son permis de conduire et peut-être, un jour, s'enrôler dans l'armée. Mais ces rêves pourraient bien être contrariés par la maladie qui l'affecte, nous raconte son parrain Lorenzo, "le cœur serré et meurtri", via le bouton orange Alertez-nous. En effet, Hugo est atteint du syndrome d'Usher, une pathologie qui l'a rendu malentendant dès sa naissance, et qui a commencé à atteindre ses facultés visuelles.
Des problèmes d'audition identifiés à l'âge de deux ans et demi
Hugo est né en 2008, à Dinant. Aucun problème particulier n'a été immédiatement remarqué. Petit à petit, sa mère, Caroline, a commencé à avoir des suspicions. "Il ne réagissait pas aux petits bruits", se souvient-elle. C'est avec la naissance de son deuxième enfant que le problème est devenu plus évident. "Quand je rentrais le soir, que je fermais la porte en rentrant du travail. Le bébé sursautait alors qu'Hugo restait sans réaction", raconte-t-elle.
À deux ans et demi, Hugo ne disait rien d'autre que "papa" et "maman". Son pédiatre y voyait une simple paresse au niveau du langage. Guidée par ses inquiétudes, et son instinct maternel, Caroline a pris rendez-vous à l'Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola à Bruxelles, raconte-t-elle. Les tests auditifs ont montré qu'Hugo était mal entendant. Un diagnostic qui a causé du tourment à Caroline. "Le sentiment que j'ai été une mauvaise mère, que j'aurais pu le voir plus vite", confie-t-elle.
Dès lors, Hugo a porté des appareils auditifs qui lui ont permis d'entendre mieux, mais pas tout à fait normalement non plus. Ne pouvant s'appuyer entièrement sur l'écoute, Hugo a appris à lire sur les lèvres : "Quand je lui parle, je ne lui tourne pas le dos. J'ai le réflexe de le regarder et il regarde ma bouche, explique Caroline. Même s'il a ses appareils, il regarde toujours la personne qui parle".
Hugo atteint de rétinite pigmentaire, une maladie qui induit la mort des cellules photoréceptrices de la rétine
Vers l'âge de 8 ans, Hugo a commencé à porter des lunettes parce qu'il voyait flou au tableau. Deux ans plus tard, un ophtalmologue du CHU Mont-Godinne a évoqué la possibilité que l'enfant soit atteint de rétinite pigmentaire. "Tout de suite les grands mots, on se demande ce qui arrive", confie Caroline. On les a dirigés vers le Centre de génétique médicale de Gand, dont le service d'ophtalmo génétique, dirigé par le professeur Leroy, fait office de référence en Belgique.
Le diagnostic de "rétinite pigmentaire" a été confirmé. Un nom pas très adapté qui date du temps où l'on pensait qu'il s'agissait d'une pathologie inflammatoire : "Rétinite" comme arthrite, tendinite... "En fait, la rétinite pigmentaire, c'est une pathologie de bâtonnets-cônes", indique le professeur Leroy. Quésaco ? Pour comprendre, il faut revenir sur le fonctionnement de la rétine.
"Le boulot de la rétine, c'est de capter des images, de la lumière et de la traduire en petites impulsions électriques qui vont à travers le nerf optique vers le cerveau", explique le Professeur Leroy. "L'interprétation de ce qu'on voit se fait au niveau du cerveau, du côté droit, du côté gauche, juste au-dessus de la nuque".
Dans la rétine, se trouvent notamment des cellules qui s'appellent des "bâtonnets" et des "cônes". Ce sont les deux types de cellules qui captent la lumière et la traduisent en électricité, explique le professeur Leroy. Les cônes (6 millions dans chaque rétine) fonctionnent quand il y a un niveau de lumière suffisant, donc généralement pendant la journée. Ils permettent une haute acuité visuelle et prennent en charge la vision périphérique. Les bâtonnets (120 millions), hypersensibles à la lumière, fonctionnent la nuit.
Dès qu'il fait sombre, ils ne savent pas se déplacer
Il ne voit plus dans l'obscurité
Chez les personnes atteintes de rétinite pigmentaire, les bâtonnets sont touchés en premier. "D'abord les bâtonnets ne fonctionnent pas, puis ils meurent", raconte le professeur Leroy. Dès lors, la vision dans l'obscurité n'est plus possible. "La nuit quand je dois aller aux toilettes, je touche avec mes mains pour essayer de trouver l'interrupteur de la lampe", raconte Hugo dans une vidéo postée sur une page Facebook qui lui est dédiée.
Le professeur Levecq, chef du service ophtalmologie du CHU Mont-Godinne, connait bien les difficultés rencontrées par ces jeunes patients atteints de rétinite pigmentaire : "Dès qu'il fait sombre, ils ne savent pas se déplacer. Ils ont peur de la nuit parce qu'ils ne peuvent pas aller à la toilette ou trouver la chambre de leurs parents". Et le spécialiste d'égrener les premiers signes de la maladie : "Des enfants qui se blessent aux scouts dans des jeux de nuits, qui ne voient pas les étoiles dans le ciel, qui dès que la lumière s'éteint au cinéma, ne savent pas regagner leur place..."
Son champ de vision rétrécit petit à petit
Dans un deuxième temps, les cônes en périphérie de la rétine meurent également. "Le patient ne voit donc plus rien autour et développe une vision de tunnel", explique le professeur Leroy. Un rétrécissement du champ de vision qu'a remarqué Hugo. "Je trouve ça un peu embêtant parce que ça peut faire des problèmes avec les autres", confie-t-il. Le professeur Levecq explique : "Ce sont des enfants dont on va dire qu'ils sont maladroits, qui par exemple ne savent pas jouer aux jeux de ballons parce qu'ils ne voient pas bien sur les côtés, ou des petites filles qui vont involontairement toucher leur voisine dans de chorégraphies de groupe".
La rétinite pigmentaire est une maladie dégénérative, ce qui implique que ses symptômes augmentent progressivement. "Tous ne perdent pas la vision mais tous deviennent handicapés sur le plan visuel parce que si on ne voit pas sur les côtés, on ne peut pas conduire. Il y a des tâches qu'on ne sait pas faire", explique le professeur Levecq.
Ce que je ressens, c'est de l'injustice, de la colère. Pourquoi lui ? Pourquoi pas moi ?
Le syndrome d'Usher diagnostiqué au Centre de génétique médicale de Gand
Outre le diagnostic de rétinite pigmentaire, les analyses réalisées au Centre de génétique médicale de Gand ont révélé qu'Hugo est atteint du syndrome d'Usher, une pathologie qui touche l'audition et la vision. Dans les cas de syndrome d'Usher de type 1, le patient naît sourd et développe une rétinite pigmentaire avant l'âge de 10 ans. À cela s'ajoute des problèmes d'équilibre. Pour les cas de syndrome d'Usher de type 2, comme Hugo, la perte d'audition concerne surtout les fréquences aigües. La rétinite pigmentaire est moins grave et évolue moins vite. Elle se manifeste en général entre l'âge de 15 et 25 ans.
Il s'agit d'une maladie rare (moins d'une personne sur 10.000), d'origine génétique, transmis selon un mode autosomique récessif : "C'est à dire que les deux parents sont porteurs sans le savoir et passent par hasard la mauvaise copie du gène à l'enfant", explique le professeur Leroy. Cette anomalie du code génétique empêche la formation d'une protéine, indispensable au fonctionnement des cellules.
"Quand on nous annonce ça, on écoute à moitié parce que le ciel nous tombe sur la tête, confie Caroline. Ce que je ressens, c'est de l'injustice, de la colère. Pourquoi lui ? Pourquoi pas moi ? Le monde s'écroule sous mes pieds une deuxième fois. On se dit 'qu'est-ce que j'ai fait pendant ma grossesse pour qu'il ait ce problème'. En tant que maman, on se pose plein de questions. C'est difficile à accepter".
Pas de traitement pour le syndrome d'Usher, mais des essais cliniques en cours
Il n'existe pas de traitement à l'heure actuelle pour le syndrome d'Usher. Mais, après la stupeur, les parents ont fondé des espoirs sur la recherche, le développement de thérapies.
Les pistes de traitements sont de deux types : d'une part, les thérapies géniques. "Elles ont pour but d'introduire une nouvelle copie du gène dans les cellules qui en ont besoin, les bâtonnets et les cônes", explique le professeur Leroy. Comment ? Grâce un "virus transporteur" : "Un 'petit camion' en fait pour transporter une nouvelle copie, sans faute cette fois-ci, du gène impliqué dans les cellules".
"Le problème rencontré avec le syndrome d'Usher, c'est que les gènes sont très grands en taille. Et pour les grands gènes, actuellement, on n'a pas de bons 'camions', pas de bon virus qui peut transporter une telle taille de gène, explique le professeur Leroy. On essaye de développer des virus qui peuvent contenir des gènes plus grands".
D'autre part, des recherches sont en cours concernant une thérapie par ARN messager. Une approche dont on entend beaucoup parler actuellement dans le cadre du vaccin contre le coronavirus, mais dont les applications sont multiples.
Les cellules, comme les bâtonnets et les cônes de la rétine, synthétisent des protéines en se basant sur l’information contenue dans un ARN messager, qui est une information naturelle. L'idée est d'influencer l'ARN par des petites molécules d'ARN synthétisées en laboratoire. "On essaye de corriger un problème, une faute dans un gène, en utilisant un 'velcro ARN'", explique le professeur Leroy. Ces fragments d'ARN viennent se lier à un ARN messager naturel parce que leur formule chimique est complémentaire à celle de l'ARN messager ciblé. L'ARN messager ainsi modifié, "on obtient une production d'une protéine qui est assez acceptable. On essaye ainsi de corriger ou de stabiliser une maladie comme la rétinite pigmentaire dans le syndrome d'Usher", indique le Professeur Leroy.
Mais il s'agit d'essais cliniques et non de thérapies reconnues.
Caroline, "débordée" par les événements
Aide-soignante, mère de quatre enfants, Caroline se sent actuellement "toute perdue" face à au problème de son fils. "Je suis submergée, débordée", confie-t-elle. D'autant que la petite sœur d'Hugo a d'autres problèmes de santé, assez sérieux. "J'ai une vie très chargée et je fais ce que je peux pour pouvoir arranger tout ça". Hugo a rendez-vous à l'UZ Gand au mois de mars afin d'évaluer l'évolution de sa maladie.
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