En ce moment
 
 

IPG, la plus grande entreprise de "contact center" en Belgique, est-elle en train de délocaliser ses activités au Maroc?

IPG, la plus grande entreprise de "contact center" en Belgique, est-elle en train de délocaliser ses activités au Maroc?
 
IPG, call-center, contact center
 

Etienne (nom d'emprunt), ancien employé, nous a contactés pour transmettre les craintes de ses ex-collègues d'un "contact center" situé à Liège. Il serait question de délocalisation au Maroc. IPG s'est expliqué et la situation est plus nuancée qu'il n'y paraît.

Le climat social est tendu en Belgique, ces dernières semaines. Caterpillar qui délocalise, Axa qui se digitalise… c'est la dure réalité d'une société numérique en constante (et rapide) évolution, et d'une mondialisation qui n'a pas dit son dernier mot.

Mais il n'y a pas que les grandes multinationales qui se séparent d'une partie de leur personnel. Etienne (nom d'emprunt) a contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous pour nous faire part de l'inquiétude de ses anciens collègues au sein d'IPG Group, la plus grande entreprise de contact-center (on ne dit plus call-center car désormais, on ne s'adresse plus aux clients exclusivement par téléphone, mais également par email, réseaux sociaux, SMS, etc) en Belgique.

"Bien que la société génère du bénéfice, elle a décidé de ne plus accorder de CDI aux employés, et de ne pas prolonger les CDD… elle a décidé de délocaliser une partie de son service clientèle au Maroc", croit savoir cet habitant de Oupeye, en région liégeoise.


IPG a racheté les "petits" acteur du marché

La stratégie d'IPG, fondée et active en Belgique depuis 1999, est assez classique. Elle n'a cessé d'acquérir des sociétés concurrentes, en Belgique comme en France et aux Pays-Bas, pour accumuler les gros clients et les volumes. Elle compte actuellement 2.500 collaborateurs et se vante d'être, sur son site, "le plus grand centre de contact en Belgique".

Elle a également ouvert, en 2012, un centre à Rabat, au Maroc.

"J'ai travaillé dans cette société de 2012 à 2016. La société s'appelait à l'époque 'Call it', elle a été rachetée entre temps par 'SNT Belgium', qui elle-même a été reprise en 2013 par IPG", nous a expliqué Etienne. "Sur Liège, on était une bonne centaine d'agents".

"Au moment de son arrivée chez nous, cette société a commencé à changer toutes les règles du jeu, y compris les règles d'octroi au niveau des CDI. On nous a dit qu'après le rachat il n'y avait plus de liquidités, et qu'on ne pouvait donc plus offrir de CDI. Il n'y aurait plus que des CDD et des intérimaires".

Un "écrémage"

Ensuite, "ils ont tout doucement commencé un écrémage", estime-t-il. "Ils se sont débarrassés des anciens CDI, ou tout du moins des contrats désavantageux pour eux, et qui leur coûtaient cher".

C'est le cas d'Etienne. "J'ai été licencié en juin dernier".

Selon lui, IPG veut aller encore plus loin. "Les collègues avec qui j'ai encore des contacts m'ont expliqué qu'ils avaient reçu un mail de la direction dernièrement".

"Ils ont annoncé aux employés qu'ils ne prolongeaient pas les CDD, qu'ils ne gardaient aucun intérimaire. Ils ne l'ont pas dit tel quel, mais en gros ils délocalisent une partie des activités de Liège à Rabat, au Maroc", estime Etienne.

Pour le personnel, c'est la (mauvaise) surprise. "A l'époque, on nous avait vendu IPG comme une société avec les reins solides, qui allait pouvoir nous monter très haut, et qui avait comme ambition de devenir leader".

Juste pour avoir le contrat Luminus ?

Au final, les employés "se rendent compte qu'ils nous ont rachetés uniquement pour avoir un gros contrat, en l'occurrence Luminus, dont ils ont récupéré tout le service clientèle".

Selon Etienne, "ayant maintenant des gros clients dans leur portefeuille, ils délocalisent pour limiter les coûts". Forcément, "cela fait mal aux employés, mais c'est le baratin habituel des employeurs". Cet habitant de Oupeye "ne cherche cependant pas à se venger", car il a gardé "de bons contacts" avec ses anciens managers et ses anciens collègues, et parce que son licenciement "s'est passé de façon relativement humaine".

Il cherche surtout à dénoncer la pratique hélas de plus en courante consistant à racheter des petites entreprises qui fonctionnent bien et à la détricoter. "Je me pose des questions sur la puissance financière des sociétés. Auparavant, on était une société humaine, privilégiant le contact humain. C'était cordial, on appelait les directeurs par leur prénom, on se tutoyait. Et ensuite, on est devenu des numéros d'agent, des codes et des contrats à résilier ou à renvoyer".

Un secteur "en stagnation"

La société IPG a accepté de répondre à nos questions. Elle dresse d'abord un bilan du secteur d'activité, qui n'est pas évident. "C'est un secteur jeune, il est né au début des années 1990 en Belgique. Nous constatons actuellement une stagnation pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les sociétés ont tendance à développer elles-mêmes leur service de relation clientèle. Les technologies évoluent, donc certains s'orientent vers des sections FAQ (Foire Aux Questions) sur leur site, des blogs, des réseaux sociaux, etc…", nous a expliqué Jeroen Vermeire, vice-président d'IPG Group.

"L'autre raison, c'est que les jeunes ont changé, et privilégient d'autres moyens de communication. On a remarqué qu'ils téléphonaient très peu". Ils attendent donc des réponses à leur problème via d'autres canaux, surtout sur le web et les réseaux sociaux, et via des applications.

Ce n'est que le surplus qui va au Maroc

Les raisons de s'inquiéter sont donc réelles pour IPG, qui nous assure pour autant qu'il n'est pas du tout question de délocaliser les activités de Liège vers le Maroc.

"Nous ne délocalisons rien au Maroc. Nous avons conclu un nouveau contrat avec Luminus pour prévoir l'augmentation des volumes. Le travail supplémentaire va en effet être transféré à Rabat, au Maroc, mais la grande majorité du travail restera à Liège. A Rabat, cela concerne moins de 50 personnes".

Une justification qui semble crédible, mais qui est en contradiction avec les explications suivantes...

D'où viennent les inquiétudes, alors ?

En effet, le vice-président d'IPG explique le non-renouvellement des contrats par la nature même de l'activité de contact center. "Dans notre métier, il y a une grande fluctuation des volumes (donc des contacts des clients vers les entreprises, NDLR). Il est difficile de prévoir quand les gens vont appeler, mais on sait qu'au printemps et en été, par exemple, cela diminue fortement, et que cela reprend de septembre à décembre, par exemple. On est souvent aux alentours des 2.500 employés dans les périodes intenses, mais du coup on passe à 1.700 quand c'est plus calme. On a donc besoin d'une grande flexibilité. Les CDD (contrats à durée déterminée) et les intérimaires sont nécessaires pour anticiper ces fluctuations".

On est en droit de se poser cette question, néanmoins: pourquoi envoyer les nouveaux contrats de Luminus dans une filiale au Maroc s'il faut se séparer du personnel en Belgique ? Il est également normal de craindre qu'à l'avenir, les contrats filent de plus en plus vers le Maroc où on sait que les coûts de main d'œuvre et d'infrastructure sont nettement moins élevés.

Un "déménagement" possible

IPG rassure cependant: "tous ceux qui font bien leur travail n'ont rien à craindre". Par contre, la "bonne gestion managériale" impose "d'écarter ceux qui sont moins bons que les autres". Sur Liège, il y a eu deux licenciements cet été, 15 si on prend l'ensemble des sites belges. "Sur 2.500, c'est très raisonnable".

Le vice-président estime également que les craintes des employés de Liège sont dues aux importantes rénovations qui vont avoir lieu dans le bâtiment qu'ils occupent actuellement. "Il faudra peut-être déménager. On a bientôt une réunion avec les actionnaires et le propriétaire du bâtiment pour trouver une solution. On veut rester là, mais si ça n'est pas possible, on a déjà une option pour un bâtiment en face. On restera dans le centre-ville", promet IPG.


 

Vos commentaires