"Je vous contacte car ce mardi matin, moi et mes enfants avons été victimes d'un tragique incident à Ransart", voilà les premiers mots que nous a adressés Mélissa via notre bouton orange Alertez-nous. Le mardi 10 octobre, à Charleroi, la petite famille sort de sa maison pour prendre la direction de l'école. Mais soudain, deux grands chiens surgissent. "Il y avait un berger malinois et un berger de Groenendael. J'ai tout de suite mis mes enfants à l'abri pour les protéger. En deux secondes, tout a basculé. Mon chat était dans notre jardin devant la maison. Il a été pris pour cible et dévoré par le malinois", affirme la mère de famille, sous le choc.
Après quelques recherches, Mélissa dit avoir retrouvé les propriétaires, mais affirme que "personne ne veut faire quoi que ce soit pour nous, car mon chat n'est qu'un vulgaire objet d'après la loi". Pourtant, l'animal était un membre à part entière de la famille. "Mes enfants sont traumatisés, ma pauvre bête ne reviendra plus jamais…", confie notre témoin. "Comment est-ce possible qu'aucune loi ne protège les animaux et que les propriétaires des chiens s'en tirent comme si rien ne s'était passé?", s'interroge Mélissa.
Le chat est bien un objet, mais qui a des droits
La mère de famille a tout à fait raison lorsqu'elle dit qu'un chat "n'est qu'un objet". "En vertu de l'article 528 du code civil, l'animal a le statut de bien meuble, au même titre qu'une chaise ou qu'une voiture, par exemple", précise Vincent Bodson, avocat dans un cabinet bruxellois.
Cependant, la loi protège bel et bien les animaux. Pour savoir comment, il faut se tourner vers la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux. Ainsi, le 1er article de cette loi indique ceci:
"Nul ne peut se livrer, sauf pour des raisons de force majeure, à des actes non visés par la présente loi, qui ont pour conséquence de faire périr sans nécessité un animal ou de lui causer sans nécessité des lésions, mutilations, douleurs ou souffrances".
Mélissa peut se tourner vers son assurance
Ayant réussi à identifier les propriétaires des chiens, Mélissa pourrait obtenir réparation… mais elle serait probablement minime. "L'article 1385 du code civil prévoit que le propriétaire d'un animal, ou la personne qui l'a sous sa garde, est responsable du dommage que l'animal a causé, même si l'animal s'est échappé", indique l'avocat Vincent Bodson. Donc, si vous gardez le chien d'un ami et qu'il endommage ou attaque quelqu'un, c'est bien vous le responsable.
Pour autant, aucune poursuite pénale n'est prévue dans ce cas. "Il faudrait qu'il y ait une intention du propriétaire des chiens de tuer le chat, ou d'attaquer des personnes, ce qui ne semble pas être le cas ici", précise Vincent Bodson. En revanche, des poursuites au civil peuvent être envisagées. Mais avant cela, l'avocat conseille de se tourner vers son assureur.
Nous avons donc contacté Wauthier Robyns, porte-parole d'Assuralia, l'union des entreprises d'assurances, pour préciser les démarches à effectuer. "Contactez d'abord votre assureur et faites appel à la protection juridique dont vous bénéficiez. Il va alors contacter l'assurance de l'autre partie pour tenter de trouver un accord à l'amiable", explique-t-il.
Là, c'est à la victime de faire établir la valeur du préjudice subi. Dans ce cas, le chat étant considéré comme un objet, la valeur sera évaluée comme on le ferait pour une voiture ou un meuble. "Cela dépend du commerce et du prix que la victime devrait payer pour avoir un bien présentant les mêmes caractéristiques", précise Wauthier Robyns. S'il s'agit d'un chat de race, la valeur peut vite grimper. Par contre, s'il s'agit d'un chat sans pedigree, la valeur définie sera probablement très faible.
Si la victime estime que l'accord à l'amiable n'est pas possible, ou si elle estime souffrir d'un préjudice moral ou psychologique, elle peut lancer une procédure devant un juge de paix, voire au civil. "Elle devra alors étayer sa position et son préjudice. Le juge essaiera alors d'objectiver autant que possible la situation", ajoute le représentant d'Assuralia.
Que faire face à un chien errant agressif?
Mélissa déplore également que "personne ne veut faire quoi que ce soit". En réalité, il est possible d'agir. Pour cela, il faut déterminer de quel type de fait il s'agit.
Si vous voyez un chien qui erre dans la rue, il peut s'agir d'un danger pour la sécurité publique, et vous pouvez donc contacter la police. "Notre brigade canine est composée d'une équipe d'intervention qui dispose des équipements nécessaires à ce genre d'intervention", explique David Quinaux, porte-parole de la police de Charleroi. "On peut procéder à une saisie administrative. Nous avons un accord avec la Société Royale Protectrice des Animaux de Charleroi, c'est là que l’animal sera placé. Si des blessures sont constatées, on établit aussi un procès-verbal pour coups et blessures involontaires par défaut de prévoyance et de précaution. Le PV sera ensuite transmis au parquet, qui décidera des suites à donner", ajoute le représentant de la police. Rappelons qu'un chien blessé par un autre chien ne correspond pas à des coups et blessures.
Que faire face au chien d'un voisin potentiellement dangereux?
Si vous êtes face à un voisin dont le chien se retrouve régulièrement en liberté et que vous estimez qu'il représente un danger, vous devriez vous tourner vers votre commune.
Un arrêté ministériel du 21 octobre 1998 obligeait les responsables de certaines races de chiens à les faire identifier et enregistrer… mais il a été annulé pour vice de procédure. Du coup, nous sommes face à un vide juridique, et c'est au final à chaque commune de réglementer la présence de chiens sur son territoire.
Pour connaître les règles et les obligations édictées par votre commune, vous devez consulter le règlement général de police. Comme l'indique l'Union des villes et communes de Wallonie, ces règles doivent être prises pour des questions d'ordre public, de sécurité, de salubrité, de tranquillité et doivent respecter le principe de proportionnalité.
Certaines communes ont repris la liste des 13 races de chiens réputés dangereux établie par l'arrêté ministériel annulé. À Comines-Warneton, par exemple, ces chiens doivent être tenus en laisse par une personne majeure et porter une muselière. Leur propriétaire doit également remplir un formulaire d'enregistrement de l'animal au bureau de police.
Pour ce qui est de Charleroi, l'article 31 du règlement général de police prévoit de nombreuses obligations: ne pas laisser son chien divaguer sur la voie publique, tous les chiens doivent être tenus en laisse, tout chien pouvant constituer un danger potentiel doit porter une muselière lorsqu'il est dans un lieu public, etc. Le non-respect des règles peut entraîner l'identification de l'animal et sa saisie administrative.
Ainsi, si vous constatez que votre voisin, propriétaire d'un chien, ne respecte pas le règlement, vous pouvez contacter votre bourgmestre. Pour agir, il se base sur ce qu'il a vu lui-même, sur un rapport des services de police, ou encore sur des plaintes concordantes du voisinage. Il contacte ensuite le propriétaire du chien pour tenter de trouver une solution à l'amiable. En l'absence de résultat, le bourgmestre peut agir via un arrêté de police, ce qui lui permet de prendre des mesures pour un chien ou une personne en particulier, afin de s'assurer que l'animal soit rendu inoffensif: l'obliger à placer une clôture, à suivre des cours de maîtrise du chien, être suivi par un vétérinaire ou un comportementaliste, etc. Dans les pires cas, la saisie du chien ou l'euthanasie peuvent être envisagées s'il n'y a pas d'autre solution.
Pour finir, une infraction au règlement de police peut être assortie d'une peine de police ou d'une sanction administrative.
Que faire face à un chien maltraité?
Le chien de votre voisin est enfermé 24h sur 24 dans sa petite niche? Il n'a pas suffisamment d'eau et de nourriture? Son maître lui fait subir des sévices? Pour ce qui est du bien-être animal, la compétence est régionale. Il faut donc contacter la Région wallonne, dont les services vétérinaires pourront intervenir en cas de maltraitance ou de négligence. Il est possible de déposer une plainte auprès du Département de la Police et des Contrôles du Service public de Wallonie sur internet, via ce lien.
L'agressivité d'un chien dépend-elle de son maître?
Les problèmes liés aux chiens agressifs relancent systématiquement un débat: le chien est-il dangereux par nature ou est-ce que cela dépend de l'éducation et de la personnalité de son maître? Nous avons confronté Sandrine Gajewfki à cette question. Elle est la vétérinaire communale de Charleroi.
"Il y a certains chiens qu'il ne faut pas mettre dans toutes les mains. Des clubs canins refusent d'ailleurs d'éduquer certains chiens", explique Sandrine Gajewfki. Si la vétérinaire considère que des races présentent des prédispositions, elle rappelle que l'éducation donnée est déterminante. "Des chiens qui ont beaucoup de caractère peuvent être de vraies crèmes quand ils sont bien éduqués", confie-t-elle.
Par conséquent, voici la proposition de Sandrine Gajewfki dans cette matière: "Je pense qu'il faudrait une liste de chiens considérés comme dangereux auxquels il faut donner une éducation spécifique. Pour pouvoir en avoir un, le maître devrait passer un examen d'aptitude".
Mais vu que la problématique des chiens agressifs cause surtout un problème d'ordre public et de sécurité, cela relève surtout des compétences communales. Il est donc peu probable de voir prochainement une législation régionale ou fédérale pour cette question. D'ailleurs, la porte-parole du ministère wallon du Bien-être animal nous a indiqué que mal éduquer son chien n'est pas une maltraitance, car le pronostic vital de l'animal n'est pas engagé. Cela empêcherait donc, d'une certaine manière, aux autorités wallonnes d'agir dans ce type de cas.
@David Fourmanois
Deux chiens ont dévoré le chat de Mélissa sous ses yeux: "Ce n'est qu'un vulgaire objet pour la loi, personne ne veut rien faire!"
David Fourmanois , publié le 15 novembre 2017 à 06h00
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