Marcella a dû appeler un médecin de garde en pleine nuit car son fils était malade. Il existe un service prévu à cet effet dans sa région. Pourtant, lorsqu’elle l’a contacté, on lui a indiqué qu’elle devait composer un autre numéro, surtaxé. Marcella ne comprend pas pourquoi, et elle a directement appuyé sur le bouton orange Alertez-nous pour nous faire part de son histoire. De son côté, le SPF Santé publique annonce mettre en place un numéro général, qui sera valable partout.
Appeler le médecin car son enfant est malade, voilà une situation dans laquelle aucun parent n’aime se retrouver. Surtout en plein milieu de la nuit. C’est pourtant ce qu’a vécu Marcella, une habitante des Bons Villers (région de Charleroi), il y a quelques jours. "Mon fils de 9 ans m’a réveillée à minuit, en me disant qu’il avait mal à l’oreille", raconte-t-elle. "Je ne suis pas une fan des médecins, donc j’ai d’abord essayé de le calmer, et on a un peu attendu, en pensant que ça allait passer".
Une heure plus tard, rien n’y fait, le mal d’oreille ne passe toujours pas. "Je connais mon fils… Si au bout d’une heure il a encore mal et que ça l’empêche de dormir, c'est qu’il faut faire quelque chose". Elle n’hésite donc plus et décide de faire appel à un médecin de garde. "Ce n’était pas non plus nécessaire d’aller aux urgences, car il ne se pliait pas de douleur".
"La personne m'a demandé où j'habitais"
Marcella compose alors le 071/33.33.33., le numéro de téléphone général pour obtenir des informations sur les services de garde (médecins, pharmacies, dentistes,…), dans la région de Charleroi. "J’avais déjà fait appel à ce service quand on habitait Jumet, donc je savais comment ça fonctionnait", raconte notre alerteuse. Sauf que cela ne fait qu’un peu plus de deux ans que la famille a déménagé dans la commune des Bons Villers. C’est donc la première fois depuis lors qu’elle doit faire appel à un médecin de garde. Et là, surprise… "La personne m’a demandé où j’habitais, et elle m’a dit que pour ma localité, je devais appeler un numéro payant".
La maman n’a pas le choix, elle compose le numéro en question, et on lui annonce que la communication lui coûtera jusqu’à 1,50 euros. "Evidemment, je n’ai pas raccroché, ça n’allait pas me tuer, mais ce n’est pas normal". Marcella l’assure, elle n’a rien dû payer en plus à l’époque où elle habitait Jumet.
"Ça devient difficile pour nous"
Rien d’inquiétant du côté du diagnostic du médecin, son fils souffre d’une petite otite. Marcella doit tout de même s’acquitter d’une facture de 87 euros d’honoraires. "Je ne pensais pas devoir débourser autant. Ensuite, j’ai dû trouver une pharmacie de garde… Et j’ai à nouveau dû appeler le même numéro payant. Cela fait finalement une belle somme à payer", regrette-t-elle.
Elle n’arrive pas à comprendre pourquoi elle n’a pas droit aux services habituels de médecins de garde. "On peut encore se permettre d’appeler le médecin. Mais ça devient difficile pour nous. Alors s’il faut payer en plus l’appel, ça devient incompréhensible, et c’est un peu louche. Pourtant, on est toujours dans le Hainaut, tout près de Charleroi! A ce prix-là, je serais allée aux urgences".
La commune n'aurait pas payé
En allant sur le site de la commune des Bons Villers, on remarque en effet que le numéro conseillé pour rechercher une pharmacie de garde est le 0900/10.500, pour lequel chaque minute d’appel coûte 50 centimes. Une question se pose: pourquoi les habitants ne peuvent-ils pas appeler le numéro classique, sans surtaxe? Bruno Patte, l’échevin de la santé des Bons Villers, fraîchement installé dans ses nouvelles fonctions suite aux élections communales du 14 octobre dernier, en connait la raison. "C’est parce que la majorité précédente n'a pas voulu faire partie de l'association, et n’a pas payé la taxe qu’elle devait pour les services d’urgence". Une taxe qui dépend du nombre d’habitants. Elle reviendrait ici à environ 4.500 euros, selon lui.
Dans le grand Charleroi, c’est la Fédération des Associations des Médecins Généralistes de la région de Charleroi (FAGC), composée de 400 médecins, qui gère les services de gardes. Une obligation qui vient du SPF Santé publique. "Les médecins doivent faire partie de ce genre de système", relate Vinciane Charlier, la porte-parole du SPF. "Ensuite, c’est à eux de décider de la manière dont ils vont organiser le service".
Pour le docteur Pierre Bets, vice-président de la FAGC en charge de la communication, rendre payant l’appel des patients bonsvillersois était la seule solution possible. "Notre centrale téléphonique est malheureusement très mal financée par les services publics", déplore-t-il. "Le fédéral donne une partie, mais il a fallu demander un financement supplémentaire au niveau des communes". Toutes ont accepté, sauf Les Bons Villers et Montignies-le-Tilleul.
Quand le numéro n'est pas surtaxé, le citoyen paie quand même, mais de manière indirecte, via leurs taxes communales
Puisqu’il fallait une certaine justice entre les communes, il a fallu répercuter le coût sur les citoyens. "On a dû faire quelque chose pour que ceux qui payent continuent à payer, et pour que ceux qui ne payent pas soient motivés à payer". Mais Pierre Bets insiste: au final, il s’agit bien du même service. La seule différence, c’est que les malades doivent un peu mettre la main au portefeuille. Précisons tout de même que dans les communes qui financent elles-mêmes le service, les citoyens payent aussi, mais de manière indirecte, via leurs taxes communales. Mais évidemment, dans ce cas, on s’en rend moins compte.
Quoi qu’il en soit, voilà qui ne fait pas l’affaire des Bonsvillersois. "Imaginez ceux qui n’ont pas de crédit sur leur téléphone… Comment font les personnes qui sont plus défavorisées?", se plaint Marcella. L’échevin Bruno Patte reconnait qu’il y a un souci, et il envisage des changements. "Nous sommes en train de réguler ce problème, pour que les habitants aient à nouveau accès à ce service. Nous avons contacté l'association. Ils nous ont transmis la convention qu'il fallait signer, et nous avons mis tout cela au budget 2019. Les citoyens vont donc pouvoir appeler le numéro sans frais supplémentaires", annonce-t-il.
Bientôt un numéro unique partout en Wallonie
Pour éviter de trop grandes disparités entre les services de médecine garde, le SPF Santé publique est en train de mettre en place un système et un numéro uniques: le 1733. "Depuis la mi-novembre, toute la Wallonie est en fait couverte par ce numéro", détaille Jean-Michel Grégoire, coordinateur 1733 pour toute la Wallonie, au sein du SPF.
Le numéro ne fonctionne pas encore tout le temps. "Pour l’instant, il est actif les week-ends, du vendredi soir au lundi matin, et les jours fériés". Le système a été installé petit à petit depuis plusieurs années, mais il commence seulement à se généraliser. Il est donc encore assez nouveau et méconnu des citoyens. Certaines zones sont déjà couvertes en semaine, mais il y a encore du travail à faire. "Il devrait y avoir un extension des services d’ici 2020". A ce moment-là, tous les patients pourront appeler le 1733 également les nuits de semaine.
L'opérateur pourra trier les appels
C’est en fait un robot qui va tout d’abord orienter le patient, via un menu général. "Il lui demandera sa langue et son code postal. Ainsi, il pourra l’orienter vers la bonne centrale de régulation", explique Jean-Michel Grégoire. Ce sera ensuite un opérateur expérimenté qui prendra le relais. Celui-ci effectuera un tri des appels. "L’objectif est de distinguer les appels urgents et non-urgents. Parfois, la suite à donner à un appel, ce n’est pas l’envoi d’un médecin de garde, mais bien d’une ambulance ou d’un SMUR. Dans ce cas, le relais sera donc directement fait avec les services 112".
Autre cas de figure: l’opérateur peut estimer que le patient n’a pas besoin qu’un médecin de garde se déplace. "Certaines personnes appellent parfois parce qu’ils ne savent pas dormir. Evidemment, dans ce cas-là, on ne va pas envoyer quelqu’un sur place". L’opérateur pourra alors conseiller d’attendre le lendemain, et d’appeler leur médecin généraliste.
Cela ne veut par contre pas dire que les centrales régionales sont vouées à disparaître. "Même le 1733 installé, il va faire le tri, et envoyer l'appel vers une centrale locale, qui devra se charger du transfert d'informations", veut rassurer le docteur Pierre Bets, de la FAGC.
"Le citoyen n'aura plus qu'un seul numéro à connaitre"
Pour l’instant, 59 équivalents temps plein ont déjà été engagés pour la gestion du numéro d’appel 1733, en Belgique. Et ça va continuer. "On est en train de mesurer la charge de travail, et ensuite on aura d’autres engagements supplémentaires, pour atteindre notre objectif de déploiement final", relate Jean-Michel Grégoire.
La région bruxelloise quant à elle n’est pas encore intégrée dans le système, mais Jean-Michel Grégoire espère qu’elle le sera prochainement. "En fait, à terme, on veut que l’entièreté du pays soit couverte par le 1733, et ce tout le temps".
Et pour lui, le 1733 n’a que des avantages. "Le citoyen qui a besoin d’un médecin de garde n’aura, à terme, plus qu’un seul numéro à connaitre. On pourra l’orienter quelle que soit sa demande. En plus l’appel ne sera pas surtaxé: les communes ne devront pas participer à son financement, car le service est offert par l’Etat".
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