Ils risquent leur vie dans l'unique but d'en sauver d'autres. De plus en plus, les ambulanciers sont confrontés à des menaces verbales mais également physiques lors de leurs interventions. Et pourtant, leur profession n'est pas reconnue comme un métier à risques.
Dimanche 28 février 2016. Il est 8 heures à la caserne de Thuin (Hainaut) quand l'alerte retentit. Ce jour-là, Thomas S, 29 ans est de garde à la caserne. Quand il n'exerce pas son métier d'ambulancier à l'hôpital André Vésale à Montigny-le-Tilleul, le jeune homme est pompier-ambulancier volontaire. Dimanche matin, il est immédiatement envoyé sur le terrain, avec l'un de ses collègues. Le cas ? Un jeune homme âgé d'une vingtaine d'années, ivre et inconscient dans un café après avoir participé au carnaval de Lobbes, une localité voisine. En l'espace d'une minute, les ambulanciers arrivent sur place. Ils découvrent alors le jeune homme allongé sur le sol, effectivement inanimé. Ils procèdent aux premiers gestes de secours. "Comme il y avait beaucoup de monde dans le café, on a décidé de le transporter dans l'ambulance afin de pouvoir prendre ses paramètres vitaux", explique Thomas.
Une prise en charge qui dérape
Tension artérielle, saturation en oxygène, rythme cardiaque, taux de glycémie… Les gestes des secouristes se doivent d'être rapides et précis. Mais une fois sur le brancard, le patient reprend connaissance et la prise en charge dérape. "Lorsque j'ai voulu lui retirer sa veste, le patient a commencé à se montrer agressif. Il a commencé à nous insulter", explique l'ambulancier.
Soudainement, le patient lui donne un coup de poing alors qu'il se trouve à quelques centimètres de lui. Avec une telle violence que le secouriste doit être pris en charge à son tour. Le diagnostic ? Le nez fracturé, une déviation de la cloison nasale. Il devra être opéré dans les jours qui viennent.
Thomas qui est à la fois pompier volontaire et ambulancier déplore ces agressions envers les secouristes devenues de plus en plus fréquentes : "J'aime mon métier, j'aime ce que je fais ! Mais on est là pour aider, pas pour recevoir des coups !" Si le jeune homme avoue ne pas craindre pour sa vie pour autant, ses proches ne sont pas du même avis : "Ma femme est fort inquiète. Et ma petite fille de deux ans se demande ce qu'il se passe quand elle voit l'état de mon visage aujourd'hui". Et malheureusement, Thomas n'est pas un cas isolé.
Il y a trois mois, Sébastien, a lui aussi connu des mésaventures dans le cadre de sa profession. Ambulancier depuis sept ans dans un hôpital de la région de Charleroi, ce jeune homme de 29 ans ne changerait pourtant de métier pour rien au monde: "J'adore mon job ! Quand je me lève le matin, je suis heureux et vraiment emballé d'aller travailler !" Mais plus d'une fois, il a frôlé le pire…
"Le fusil pointé droit vers l'ambulance"
Il y a quelques mois, l'ambulance que conduisait Sébastien a été la cible de projectiles. "On a été appelés par une personne qui parlait de tentative de suicide. Elle nous attendait, le fusil pointé droit vers l'ambulance". Dès les premiers tirs, Sébastien comprend la gravité de la situation et enclenche immédiatement la marche arrière. "Je dois dire que l'on ne fait jamais d'aussi belles manœuvres que dans ces moments", sourit le jeune homme. Si Sébastien plaisante presque de ce qui lui est arrivé, c'est parce qu'il parvient à prendre du recul suite à ce malheureux événement. A plusieurs reprises, il a risqué sa vie dans le but d'en sauver d'autres. Mais malgré cela, il se refuse de céder au sentiment de peur. "Ce sont des choses que l'on apprend à gérer avec les années d'expérience. Ce sont des gens en détresse. On peut comprendre une certaine agressivité". Pour lui, les injures, menaces et crachats font partie du quotidien d'ambulancier. "Le problème, c'est que la violence physique est de plus en plus fréquente. Pour 40 à 60% des cas, ces agressions se font la nuit", explique-t-il.
Les risques encourus par ces professionnels ne sont plus à prouver. Et pourtant, le métier d'ambulancier n'est pas considéré comme à risques. Ainsi, ils ne perçoivent pas de prime de risques, touchée par les forces de l'ordre. "Je trouve ça inadmissible. Sur le terrain, on prend pourtant des risques" s'exclame l'un des ambulanciers.
"Il est bien malheureux que ce si beau métier devienne de plus en plus dangereux"
Lors des interventions, les ambulanciers sont bien souvent les premiers sur les lieux, comme l'explique Sébastien : "Le délai d’intervention d’une ambulance est bien plus court que celui de la police. Nous arrivons toujours les premiers sur place sans aucun moyen pour lutter contre cette violence. Il est bien malheureux que ce si beau métier devienne de plus en plus dangereux". Pas armés et surtout pas habilités à gérer des situations de crise, être ambulancier aujourd'hui semble, en effet, devenu périlleux. "Il y a sept ans, j'ai eu ma formation pour être ambulancier. Je n'ai eu aucun cours de psychologie ou de gestion des conflits", souligne Sébastien.
Aujourd'hui, au-delà de la reconnaissance de leur profession comme un métier à risques, les deux jeunes hommes réclament des formations pour apprendre à gérer ces situations de crise : "Chaque année, on a 24 heures de cours de recyclage à l'hôpital André Vésale. Parmi elles, aucune consacrée à la gestion de l'agressivité", explique Thomas.
En effet, dans le programme imposé par le Ministère de la Santé, aucun cours sur la gestion de l'agressivité. Comme l'explique l'IFAMU (Institut de Formation en Aide Médicale Urgente) de la région Bruxelles-Capitale, chaque école peut cependant décider de l'ajout de formations en fonction des demandes des secouristes-ambulanciers. A l'IFAMU, des cours de gestion de crises ont déjà été donnés pour faire face à des "situations de plus en plus compliquées".
Selon Jan Christiaen, président de l'association professionnelle belge des services d'ambulance, le métier d'ambulancier a toujours été dangereux et en particulier au sein de quelques localités : "Dans certaines régions et principalement dans les grandes villes, les ambulanciers exercent une profession à risques. Ils doivent apprendre comment se comporter en cas de situation dangereuse. Ça en devient ennuyeux même désastreux". Et selon lui, la formation d'ambulancier devrait imposer des cours de gestion de l'agressivité. "C'est une discussion qui est engagée depuis plusieurs années. Les ambulanciers devraient pouvoir identifier une situation dangereuse et savoir se comporter dans ce cas-là", affirme Jan Christiaen.
"Mais peu importe l'intervention, la sécurité personnelle est primordiale dans le métier. En fonction du danger, les ambulanciers peuvent décider d'attendre l'arrivée des forces de l'ordre avant d'intervenir", conclut le président de l'association.
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